
tation agréable, elle eft à certains égards eftî-
mable , parcequ’elle fuppofe dans l’Artifte qui l’a
exécutée une perfection d’organe & une habitude
aequife par un grand nombre d’elfais & d’études
lans lefquelles il ne feroit pas parvenu a faire
agir la main dans un parfait accord avec les
lenfations de la vue. Il y a des hommes qui
éprouvent plus ou moins de difficulté pour acquérir
la juftefie dont je parle, foit parceque l’oeil
a peine à fe fixer avec préoifion fur le contour
que la main doit imiter , foit îparceque la main
n’eft pas affez fouple , alfez adroite pour repréfen-
îe r exadement ce que l’oeil voit & ce quela volonté
exige. Nos divers organes ont entr’eux une relation
phyfique, & ils en ont une qu’on peut ap-
peller morale avec nos facultés intellectuelles ;
mais les différentes qualités, les perfections ou
les imperfections de nos organes & de nos facultés
intellectuelles favorifent ou contrarient les
opérations dans le (quelles elles doivent concourir
& s’accorder.
L e contour exact emporte à-peu-près le même
fens que le contour jù jle , mais il me fein-
bleroit cependant qu’on dit plus ordinairement à
un Elève qui copie bien un bon deffin : votre
contour eft exact y parceque le jugement que
porte le Maître a toute la clarté qu’il peut avoir,
lor(qu’il eft énoncé «$i ces termes.
L e contour correct annonce plùs d’idées théoriques
de l’Art , car c’eft ainfî qu’on défîgne le '
contour, qui eft non-feulement ex ac t, hnais
encore conforme a la nature choifîe. L a correction
donne une idée de jufteffe & d’exaCtitude ;
& de plus, comme je viens de le dire, une idée
relative aux proportions reconnues comme bafes
de la perfection. On ne doit donc pas dire d’un
Artifte qui a deffiné exactement un modèle imparfait,
que fon contour eft correct, parceque l’enfèm-
■ ble qu’il a imité eft lui-même incorrect. L e contour
correct annonce une connoiflànce des proportions
& une exactitude à s’y conformer. On
entend plus précifement encore cette correction
répandue fur tout le contour en l ’appellant un
contour pur. Certaines têtes antiques ont un contour
pu r ; certains traits des' plus célébrés Def-
ünateurs préfèntent des. contours purs.
Un contour correct, pu r & décidé rappelle
l ’idée de Raphaël, deffinant fàfts héfiter la tête
d’ un de ces Anges qu’il a pladls dans le tableau
d’Héliodore : ceux qui ont eu l’avantage de voir
dans ce fiècle le célèbre Bouchardon deffiner
d’après le bel Antique , ont pu concevoir clairement
ce que c’eft qu’un contour décidé, & nombre
de ces deffins atteftent cette favante aptitude
qu’il avoit acquifè, & à l’aide de laquelle il deflï-
noit quelquefois le contour d’une Académie pref-
que d’un feul trait, fans héfiter & fans fe reprendre,
ou fe corriger. Un contour fév ère n’ exige
pas cette décifion ; mais quand plus de lenteur y
feroit employée, U fuppofe toujours fexaCtitude,
la corfeCHon & la pureté ; il fuppofe furtout que
l’Artifte n’a point altéré, quand ce feroit avec
1 intention d’adoucir quelques légers défauts,
1 exactitude d.u trait: un Deffinateur fé v è re porte
cette exaditude au même point qu’un homme
qu on nomme fev ère , la porte dans Ces moeurs
ou qu un Moralifte févère la porte dans fes principes#
L e contour fimple eft celui qui rend naïvement
la nature. L ’exaCtitude s’y montre plus dans
le caraétère générai de l’enfemble, que dans la
correction de chaque partie.
L a naïveté fe trouve comprife dans pette dénomination
, & ces caractères font convenables à
certains objets plutôt qu’à d’autres. L e contour
de l’Antinoiis a plus de fimplicité ou de naïveté
que celui de l’Apollon , plus que celui du Gladiateur
, & furtout plus que celui du Laocoon.
L a grandeur convient au contour du Dieu
qui vient de débarraffer la terre d’un monftre
malfaifant, & la qualification de prononcé convient
au contour d’un Athlète & fur-tout du malheureux
Vieillard, qui, enlacé par les ferpens ,
expire dans un fùpplice dont la mort de fes en-
fans accroît les horreurs.
L e contour liant eft celui dans lequel l’intelligent
Deffinateur fait fentir la molleflè agréable-,
dont la nature a doué la jeuneflè de l’un & l’autre
fexe dans fes mouvemens & dans fes formes.
L e contour ondoyant prend fâ fource dans les
mêmes idées, rapprochées de celles d’un élément
flexible. Auflï ne convient-il qu’à certains mouvemens
, certaines pofîtions , d’une nature fouple,
telle que l’eft la jeuneffe & le fexe le plus foible.
Lorfque ce caraâère de contour eft employé Trop
fouyent par l’Artifte, il fe tourne aifément en
habitude, il peut dégénérer en manière, & par
conféquent devenir un défaut.
J e ne m’étendrai pas fur les qualités blâmables
des contours qui peuvent être mifes en oppofîtion
avec celle que je viens d’énoncer , mais je rapprocherai
ces oppofitions.
Contour fa u x , «ontrafte avec contour ju fle ;
C inexact eft oppofé à l'exa ct, & l'incorrect au
correct. On ne dit pas un contour impur, pour
exprimer l’oppofîtion au contour pur ; mais on dit
que le contour manque de pureté; qualité aiiffi rare
dans le deffin & dans la Peinture que dans les
moeurs.
L e contour indécis s’oppofè à celui qui a la
décifion dont j’ai parlé, le contour mol au contour
ferme , & meme au févère ; le la s ou lç
mefquin à celui qui a de la grandeur & de la
nobleffe. L e f i e r , le prononcé yExcluent le trait
ou contour infignifiant, indéterminé. L e contour
liant eft l’oppofé du contour f e c , & Y ondoyant
enfin , de celui qu’on appelle heurté.
Voilà les principaux cara&ères par le (quels o*n
diftingue le contour. S’il s’agiffoit à préfent d’indiquer
aux jeunes difciples celui quils doivent
préférer , on fent aifément qu’on leur donnerait
pour précepte de les connoître , de les diftinguer,
de s’habituer à les pratiquer tous & fur-tout de
les mettre en ufage à propos & convenablement ;
mais ils pourroient exiger , indépendamment de
ce précepte trop général, quelques notions au
moins fur l’ordre dans lequel ils doivent procéder
à cette étude fi intéreffante de l’art auquel ils fe
dévouent.
L’ordre dans lequel j’ ai énoncé moi-même
les différens caraéteres des contours leur indique
à-peu-près la marche qu’ ils doivent tenir y :
car on exige d’abord d’ un deflinateur l’ exaéti-
tude dans la préfentation de l’objet qu’ il fe pro-
pofe de nous tran(mettre, fans laquelle il.-
manque de la première qualité effentiellë.
En regardant enfuite le deffinateur comme
a r t ifte , on veut de la correélion & de la
pureté. Comme artifte annonçant du talent &
du génie , on eft fatisfait fi on le voit deffiner
fes contours avec une certaine décifion qui
prouve qu’il apperçoit vivement -, avec une fermeté
, preuve de l’énergie de fon ame -, avec
une févérité qui annonce le bon goût. On exige
du deffinateur, fuivant le différent caraétère des
objets, que tantôt il employé cette fimpli-
c ité , cette naïveté , appanage de la grâce -, cette
nobleffe appartenant a la beauté -, ce prononcé ,
cet articulé par lefquels l ’ame du deffinateur
fait connoîtfe fortement les impreffions vives
dont il eft fufceptible *, tantôt ce liant &
cet ondoyant qui le montre fufceptible , lorf-
qu’il eft néceffaire , d’un fentiment de volupté ,
qu’on n’ èxige que trop fouvent des arts, dans
les temps 8c parmi les nations où leur emploi,
eft plus recherché pour l ’intérêt des plaifirs
que pouf celui des vertus & des moeurs. ( A r - '
ticle de M. Wa t e l e t ).
CONTOURNÉ , ( adj. ) affeélé dans les contours.
Ce terme eft toujours pris en mauvaife
part, & s’ employe également pour les ouvrages
de peinture, de fculpture & d’architeélure. Il
a été tranfporté aux ouvrages d’efprit •, on dit
line phrafe, une période contournée. Ce vïce naît
de l’affeélatïon mal - adroite d’éviter la trop
grande fimplicité. Un Architeéle contourne
le *plan & les détails d’ un édifice pour rompre
la ligne droite ou la ligne circulaire. Un Peintre,
un Sculpteur contourne une figure , c’eft-à-
dire , lui donne une pofition , une attitude peu
na ture lle , pour éviter la froideur. Toutes les
fois qu’une figure fait plus de mouvement ,
plus d’effort que n*en exige l’aâion qu’on lui
fuppofe, elle eft contournée. Par exemple,
l ’ aélion du commandement doit être d’autant
plus fimple , que celui qui le reçoit eft plus
fubordonné à celui qui le donne. Un coup-
d’c eil, un gefte fuffit pour affurer de l’obéiffance
R ea u x -A n s . fome L
celui qui a le pouvoir de commander. Moins
il fait de mouvement, plus il montre de grandeur
, parce qu’ il eft certain qu’on ne tentera
pas de lui rénfter. Jupiter , pour ébranler l’Olympe
, ne fait que remuer le fourcil.
Que dire de certains peintres q u i , pour re-
préfenter un p rince, un général qui commande ,
lui font porter la tête en arrière avec effort,
étendre 8c roidir le bras droit, ployer le poignée
en l’arrondiffant avec une forte de contraélion ,
& tendre violemment -le doigt index ? Ce n’ eft
pas repréfenter un homme qui jouit de la grandeur
, mais un homme qui veut fe faire grand.
Une femblable pofition feroit bonne pour repréfenter
le ridicule d’ un infolent fubalterne
qui affeéte de commander.
On contourne les figures pour leur donner
de la grâce : c ’eft oublier que la grâce ne fe
trouve qu’ avec la nature , qu’elle eft négligée ,
& que tout ce qui eft affeété eft en même-temps
difgracieux.
La plus légère étude de l’antiquité fuffit pour
empêcher les artiftes de faire des figures contournées.
Les Grecs , dans tous les genres, n’ont
aimé que la nature : ils ont été limples dans
les plans de leurs tragédies., {impies dans les ex-
preffions qu’ ils ont prêtées à leurs perfonnages ;
fimples dans les attitudes qu’ ils ont données à
leurs ftatues. S’ils repréfentoient une figure
tranquille, ils la montroient dans le plus parfait
repos.
L ’homme , dans quelque fituation qu’ il fe
trouve , prend toujours l’attitude la moins pénible
, celle dans laquelle il eft le plus à fon
aife. S’il ne fait pas uneaftion difficile, il évite
toute pofition , tout mouvement qui peut lui
donner quelque peine. Toutes les fois qu’ un
artifte oublie ce principe , il pêche contre l’ art ,
puifqu’il pêche contre la nature : tout genre a
fa naïveté, & la naïveté plaît toujours.
On dit aux élèves : donnez du mouvement
à vos figures -, 8c ce précepte eft fondé ; mais il
faut ajouter : ne leur donnez que le mouvement
qu’ elles doivent naturellement avoir dans
la fituation où vous les fuppofêz.
Contourner une figure par des mouvemens
violens, lorfqu’elle ne fait qu’une a âion aifée
& fimple ; c’ eft commettre le même contre-
fens que fi on lui faifoit ouvrir violemment la
bouche pour indiquer qu’ elle parle.
Enfin, le peintre doit éviter conftamment les
formes contournées dans l’architeâure dont il décore
fes tableaux , dans les ornemens 8c les
meubles qui en forment les acceffoires. ( Article
de.M. L e v e sq u e ).
CO N T R A ST E , ( fubft. mafe. ) On peut ob-
ferver plufieurs fortes de contrafles dans un^ou-
vrage de l’ art/, contrafle des ombres & de la
lumière ? <foù réfui te le clair obfciir -, contrafle
j