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» parfondue» au f e u , comme difént les ou- ;
» v r ie r s , elles acquièrent cette parfaite union
» & ce grand poliment que l’on tâche d e
» donner aux autres peinturés, foit par le tra-
» v a i l , foit par le maniement du pinceau, foit
» par les vernis ou par le fecours du v e r re , &
» encore en s’aidant de l’ air qu’on ihterpofe
» entre l’oeil & l’ ob je t, par le moyen des dif-
» férentes diftances. ( L . )
N U
N U AN CE , (fub ft fém.) Ce mot défigne la
gradation d’ une couleur depuis Ion degré le
plus clair , jufqu’ à fon degré le plus fombre.
On l’ emploie aufîi pour exprimer la convenance,
l’ accord, l’ amitié des couleürs qui font
placées près les unes des autres. I l appartient
plus à l î langue commune qu’ à celle d'es arts :
on en fait fur-toutufage en parlant des étoffes,
de leurs teintures, de leurs deflins : on dit des
couleurs d’ une étoffe, de fon deflin, de fes
fleurs, de fes rayures, qu’ ils font bien nuancés.
Cependant l’ idée que ce mót exprime n’eft
rien moins qu’étranger à la peinture.) on peut,
dans le c la ir - obfcur, fuivre dés nuinces m-
fenfibles & graduées depuis le phis'grand clair
jufqu’à la demi-teinte & c . On obferve de même,
dans la couleur, des nuances doucës & in-
fenfibles qui conduifent d’ une teinte à l’autre/,
mais les peintres fe fervent plus volontiers du
mot pajjage. ( L. )
NUD & N U D IT É . O^i dit étudierr deffiner,
indique r, prononcer le nud : qn dit.jauffi dans
un fens fort différent , peindre des nudités.
Rien dans nos fociétés ne paroît plus contraire
aux ufages & plus choquant, relativement
aux bienféances, que la n u d ité ;^ .cependant
elle s’ offre fans celle dans .les arts dont
je traite, faits bleffer l’ opinion.
Dans nos moeurs, le feul mot nudité rappélle
à l’ éfprit l’ indécence & prefque l’obfcénité. La
nudité dans lés arts eft bien fouvent plus décente
que quelques hommes habillés ne le font
dans la fociété. Hébé, F lo r e , Vénus, lés Nymphes
chaftes & timides, les Dieux , les Heros
, nos Anges enfin , êtres fans ceffe reproduits
par la broffe & le cizeau de nos Ar-
tifte s, & vivant parmi nous, puifqu’ ils habitent
nos palais , nos jardins , nos temples , nos
tnaifons, s’ y montrent avec cette nudité dont
le mot réveille en nous des'idées qui ne ^3â-
roiffent bleffer la décence que parce que hos
moeurs en manquent:. Fort neureufement pour
la peinture & la fculpture, jufqu’ ici les déli-
cateffes, qu’ à certains égards on peut Regarder
comme fauffes, ni le rigorifme religieux,» qui
N Ü D
tend fi facilement à la barbarie, n’ont encore
profcrit la • repréfentajtion des beautés de la nature
, bafe principale de la perfection des
Arts. ! <
Il s’ eft donc é tab li, par l’ effet d’ une heu-
reufe contradiction entre les ufages de la fociété
& ceux des arts, que la nudité peut différer
& diffère fouvent de l’ indécence. Aufîi ,
comme je- l’ai fait appercevoir, là femme! véritablement
modefle y pourra jetter plutôt fans
rougir des regards curieux fur Apollon , fur
; Adonis, même fur Hercule fans vêtement,
qu’elle ne les fixera fur un de nos jeunes
Sybarites, dont les y e u x , le maintien <& les
vêtemens étroits prononcent ( pour më fervir
du langage de la peinture ) l’ indécence dont
ils font profeflion.
L’ indécence appartient' à T intention. L’intention
qui fe fait connoître , a une infinité
. (Je langages, d?aùrant plus multipliés & per-
fedîonriés: que les ’ fociétés ' fe montrênt plus
foumifes en apparence au joug des bienfe-
{ ahcés , tandis qu’elles font en effet plus portées
à s’ en affranchir. Les hommes qui font
dans cès dïfpofitions s’ efforcent, non de brifer
! leurs liens , mais d’échapper à ceux qu’ ils font
convenais de porter , & ce qü’ il ne leur eft
pas permis de mettre en exécution, fos en ma-
nifeftent l ’ intèntion. -Ce langage qui a pouf
moyens les regards, le maintien , le fourire,
les vêtemens, les coëffures , les ornemens &
diftribtitions des appartemens, paffe dans les
arts libéraux , lorfqu’ ils tendent aufîi à- fe corrompre
, & e’ eft lui qui affocie l’indécence à
la nu dité, & la donne même à la nature habillée'.
: : • Im
C’eft ainfi que dans les ouvragés & les conv
e n t io n s , un mot à double entente , une ex-
preflion détournée, une allufion fubftitue une
indécence qu’on nomme trop fouvent' fine &
fpirituelle, à la nudité du difcours 8ê de l’ ex-
preflion qui pafferoit pour groflièreté.
La moindre apparence de celle-ci feroit jëttèr
des cris de désapprobation -, les nuances les
plus hafardées de l’ autre, couvertes d’ un voile
fort tran fp a ren tn ’ eXcitent que le fourire1 ou
un férieux affëflé chez les femmes réfervées ,
un léger erubarras qu’elles favent bien ne témoigner
que -par convenance.
On peut dire cependant, à l’honneur de 9f6s
arts, que ‘ce langage d’ iritention, à l’ ufage de
| l’indécèncë , '-y'garde encore des ménagemeos’.
Une raifon, entr’àutres, y contribue■ : c’ èft
i que le s figures imitées & rèpréfentéeS: par les
arts dir dèflîn1 ont une fiabilité permanente,
Sc que l’ intention indécente, lorfqu’ elle eft
prolongée, défient choquante', parcequ’ elle
tient de l’ effronterie. C’ eft ainfi que la répéti,-
. tfion d’ une, phrafe à double ehtënte ou d’un
mot &: d’uije âllufion hafardée, le rapproche
N U Y
d e là groflièreté qui choque ou qui dégoute.
Voilà une de ces différences remarquables
qui exiftènt entre les productions permanentes
des a r r s ,'& entre les productions paffageres de
la fociété. . ‘
Je joins dans cet article au mot nudité J
celui de nud; mais ce dernier appartient plus
particulièrement au langage de l’art. On dit
cet artifte ne connoît p a s a jfti le nud. Sous
cette draperie on n’ entrevoit p a s , on ne fent
vas affex le nud.
■ Ces manières de s’ exprimer ont rapport a la
correction du deflin. Un artifte peu exercé à
deffiner la figure , ne repréfente que des figures
vêtues ; mais à travers les draperies de
les perfonnages perce fon ignorance.
Les vêtemens en effet ne reçoivent * leurs
principales formes que de celles des parties du
corps qu’ ils couvrent, de leurs proportions,
dès os & des jointures. Voilà ce qui décide
les plans, les effets, les plis des étoffes; & le
mannequin, (comme je l’ ai d i t ) non-feulement
ne fupplée pas à la Nature, mais trompe
8e égare le plus Ibuvent 1 artifte.
’ L ’etude du nud ( c’ eft aux jeunes artiftes fur-
tout que je m’ adreffe ) efMndifpenfable. Cette
étude lorfque vous la faites d’après les^ femmes,
eft non-feulement très-difficile, mais elle
ri’ eft pas fans danger pour les moeurs; & les
moeurs influent .beaucoup fur le talent.
Je n’ ai pas intention d’ affeCter une févérité
pedantefque qui me blefferoit dans les autres $
& qui feroit incompatible avec la pratique &
avec-quelques-unes des idées néceffaires à vos
arts; mais je m’ en rapporte à votre propre ex-
périence , & ,je vous laifie convenir intérieurement,
& feul à feul avec vous-mêmes, .de ce
que je m’ abftiens de dire ici.
Si vous voulez au refte , ;un préfervatif moral
le voici : lorfque vous n’ êtes pas enflammés
de cet amour pur & abfolument libéral de
yotre a rt; praignez, ou ne vous expofez pas.
Mais-pour revenir au n u d , regardé uniquement
du côté de l’art, ne peignez jamais une
figuré drapée fans l’avoir deffinée nue. Cette
fujetion eft grande; mais elle eft indifpenfa-
ble & aufîi effentielle que de bien connoître
la charpente d’une tnaifon, avant de la vouloir
couvrir.
î lie n u d deffiné & obfervé décidera naturellement
les maffes,, les plis & îes^, effets de
votre clair-ofcur, que fans c e la , vous chercherez
en tâtonnant. Par cette exaéfitude à
deffiner fans ceffe d’après le nu d, vous ne ferez
pas difparoître les formes des parties, leurs
proportions & leurs emboîtement.
Combien il eft facile à des yeux infiniits
de difcerner dans vos ouvrages une figure drapée
de pratique, fans que vous l’ ayez deffinée
auparavant d’ après la Nature.
N U I 5 ^ 7
Quand à ce qu’on appelle proprement des
nudités, ce qui entraîne toujours le fens d’obf-
cénités : ne vous prêtez pas aux defirs que des
moeurs corrompues infpirent trop fouvent aux
jeunes gens égarés, aux vieillardi blafés, ou
à des hommes d’ un rang ou d’ une richeffe qui
femblent donner le droit de n’avoir aucune
mefure. I l doit vous fuffire, pour réfifter aux
empreffemens qu’on pourroit vous témoigner,
aux ordres même que vous pourriez recevoir 9
de penfer que vous n’oferiez écrire votre nom
fur yotre ouvrage, ( Article de M. Watelet. )
N U IT , ( fubft. fém, ) Ce mot n’ eft pas plus
un terme de peinture que le mot jo u r ou le mot
aurore. Cependant cet inftant où la lumière de
la lu n e , ou bien celle du feu & des flambeaux
éclairent les objets , donne lieu à des
effets fi pittorefques, 8e fi neufs, oblige à des
études fi difficiles, fi particulières & fi intéref--
fantes, que nous croyons dèvoir en parler
ici.L
a nu it, ou plutôt les diverfes lumières qui
l’éclairent, offrent de brillantes occafions d’employer
ce qjue les couleurs ont de plus puif-
fant, & ce que l’art du clair-obfcur peut produire
de plus féduifant. Mais fans études affez
confiantes, fans obfervations bien précifes , il
feroit aifé de fe tromper dans l’ exécution des
fujets de nuit.
.Nous n’ entrerons pas ici dans tous les détails,
dont les effets de la lune &:des lumières
artificielles font fufceptibles. Nous ne voulons
pas di&er les teintes crue ces divers corps lumineux
répandent au milieu des ombres de la
nuit. I l nous fuffira d’établir que ces teintes font
variées, & fuivent la couleur des lumières dont
elles émanent : la nouvelle lune , par exemple:
étant à l’ horifon, colore les objets d’un ton
doré, cette teinte devient argentine & vive
auand l’aftre de la nuit eft au Nad ir, 8e que le
temps eft ferein.
Heureux l’artifte q u i, bien inftruit de la
marche des rayons de la lu n e , 8e de fes couleurs,
rencontre l’occafion de la faire contrafter
fur la même to ile , avec les effets d’une incendie,
ou ceux d’ un volcan dont l’ explofion répand
au loin les feux , & les pierres en fu -
fion : s’ il a bien comparé les forces diverfes de
ces dernières lumières, avec, celle de la lune y
il aura reconnu que celle-ci l ’ emporte toujours
en éclat , quelque brillantes que foîent les
flammes que vomit la terre : un rouge jaunâtre
très-clair, eft la couleur de ces flammes
dans le foyer de leur plus forte lumière ; l’ autre
au contraire préfente à fes copiftes une-couleur
bleuâtre , de la teinte la plus fraîche 8e la
plus vive.
Si l’on confidère pendant le jour la lunvère
d’ une lampe, elle n’offre qu’une teinte rouge ;