
éloignés dans lefquels les Arts ont atteint la plus
grande perfection. L e nombre des ouvrages antiques
, qui relient épars- dans les colieâions , dans
les cabinets , dans les différais pays & fur-tout en
Italie , eft confidérable ; mais ce qu’on entend
particulièrement dans la Peinture & dans la
Sculpture , lorfqu’on dit l'antique ou le bel antique
eft extrêmement borné. Nous n’avons point
de preuve authentique que les ouvrages des plus
fameux Artiftes nous foient parvenus. L e petit
nombre de ceux qui nous offrent des beautés fi
parfaites, que. nous ne pouvons douter qu’elles
n’appartiennent à des Artiftes célèbres & à des
temps où les Arts fleuriffoient, fe bornent principalement
à cinq ou fix ftatues dont les noms
font connus de tous ceux qui le confinèrent aux
Arts. L ’Apollon, la Vénus-? Médicis , le Torfç ,
le Laocoon, le Gladiateur toujours admirés depuis
qu’ils ont été découverts dans les ruines des Palais
©u des Temples, font propofés de génération en
génération à l’obfervation, à l’etude & à l’imitation
des Peintres & des Sculpteurs.
L ’on d it , & l’on répète fans ceffe a la jeuneflë
qui court en Italie chercher avec avidité des
talens qu’on n’y trouve point, fi l’on n’en porte en
lo i les femences : Obfcrv?\ , étudié\ , copie\
Vantique ; pénétrez-vous de /’antique. L ’antique
( J l le modèle de la beauté fu b lim e , de et beau
id é a l, perfection extrême que les Grecs ont atteint
p a r Vimpuljion du génie , & que nous
Rêvons pourfuivre p a r une jaloufe & noble émulation
de leurs fuccès. Enfin, l’on infifte encore
en difant : S i vous vous écarte£ de /’antique,
vous fere\ rétrograder U Art,
Mais ces confeils font-ils abfplument & généralement
propres à ceux à qui on les donne £
Voilà fur quoi il n’eft point du tout inutile de
réfléchir.
Les hommes qui s’adonnent aux Arts y font
ordinairement appellés par un penchant & des
difpofitions particulières ; mais ce penchant eft
toujours modifié par les facultés que nous a
donné plus ou moins libéralement la nature ; les
uns font doués principalement d’imagination, L ’imagination
fufèeptible d’en thoufia fine , s’élève à
des perfe&ions dont on ne voit pas même de
modèle, & certainement les Artiftes ou les vrais
Amateurs qui ont une imagination prédominante
& un penchant décidé pour les Arts , éprouvent
à la vue de Y Antique des impreffions qu’il
eft bien difficile (je rendre , & que_ ne peuvent
concevoir ceux qui n’en font pas fufceptible.s. Il
eft à préfumer que parmi ces hommes fenfîbles à
la beauté idéale , plufieurs feroient deftinés à
l ’atteindre, files circonftances heureufesqui ont ;
concouru à produira ies chefs-d’oeuvre antiques \
eur prétoient fecours ; mais ces circonftances !
ï exiftent pas ; & d’ailleurs , combien eft plus I
grand le nombre de ceux qu’un fimple penchant
a 1 imitation décidé à entrer dans la carrière deï
Arts. Cette clalfe, plus froide que la première,
eft cependant capable de bien voir la nature ;
mais fans s’élever au-delfus d’e lle , les Artiftes
nés avec ces difpofitions , doués fur-tout d’exaéti-
tude & de rai fermement, font deftinés à produire
des ouvrages infiniment eftimables, fans atteindre
à la perfeâion la plus fublime.
L etude obftinée de Y Antique leur convient
moins que l’obfervation & l’imitation de la fimple
nature, choifîe & reéhfiée par des réflexions &
des comparaifons habituelles. On peut même ajouter
qu un Artifte tel que je le défigne, fi on le
contraignoit par quelque autorité , à prendre pour
but les beautés idéales de l’Antique, qu’il admire
fur parole & fans les bien comprendre, verroit
fès travaux , non-feulement infructueux, mais
que la pourfuitç de perfections furnaturelles lui
feroit manquer les yéjfttés aimables que préfente
la fimple nature.
Ce n’eft pas le feul inconvénient qu’il y ait
à craindre, fùr-tout pour les Peintres , car l ’imitation
trop| continuelle des ftatues antiques ,
ou des figures moulées" fur elles ; cette étude,
dis-je , faite fans des difpofitions convenables ,
peut produire une affedation de formes qui rappellera
les ftatues, fans offrir leurs véritables
beautés. Au lieu de fe montrer l’émule & l’égal
des Anciens , l’Artifte qui n’eft point appejlé aux
perfections qu’iis ont conçues , ne fe montrer*
qu’imitateur de leurs imitations. Il eft des tem-
péramens qui ne fupportent que certains mets ;
il eft des efprits & des talens qui ne peuvent fè
rendre propres que certaines idées ; mais les tem-
péramens foibles , comme les efprits & les ,talens
dont je parie , tireront des mets Amples & des
idées purement humaines la nourriture & l’exif*
tence qui leur conviennent.
Il s’eft élevé, à l’occafion de l’étude de Y A n tique
, des difputes dans lefquelles les opinions
contradictoires ont été beaucoup au - delà des
bornes de la raifon. On a appelle Peintres ou
Sculpteurs naturalises ceux qui s’en tenoient aux
beautés & aux agrémens choifîs qu’offre la nature’
indépendamment de l’idéal ; les autres ont été
défigné» comme admirateurs & imitateurs exclu-*
fîfs de l’Antique. Les premiers rejettoient cette
étude, non-feulement comme inutile, mais comme
dangereufe; les autres ne connoiffoient que Y An*
tique pour modèle de perfection. Il eft en tout un
jufte milieu où la vérité & la raifon nous appellent
, âinlî que la fageffe. Il eft bon cepen*
dant d’exfiortçr tous les Artiftes à l’étude de
l’A n tiq u e , qui eft ' jyftement regardé comme le
fublime de la perfection ; mais , dans les Arts
libéraux , l’exhortation doit être relative à ceux
qu’on exhorte, & ne doit pas aller jufqu’à la contrainte
} l’intolérance dans les Arts eft auffi nul?
fîble^uç dans la fociété» Dirigez le jeune Arfifte .
dont les difpofitions ne font point encore développées
dans la route des plus grandes perfections.
Faites-lui deffiner des têtes, des parties
de figures antiques / s’il ne voit pas dans ces
objets ce que le génie y a répandu de fublime,
il pourra tout au moins y prendre l’habitude de
ia correction & de la belle fimplicité. Lorfque
fon intelligence, fon fentiment lui infpireront
quelque cnofe de plus , qu’il fix e , s’il n’eft pas
à Rome, un béait plâtre de l’Apollon y & fi ce
que le complément de toutes les beautés ajoute
à la beauté ne frappe ni fes fens ni fon ame,
s’il n’eft pas enflammé du defir d’approcher dans
les productions d’un aflèmblage divin des perfections
humaines , qu’il renonce au fublime ,
qu’il renonce à Y A ntique, & qu’il fe contente
d’attacher nos yeux ou notre efprit par des vérités
de formes & de couleurs , par des agré-
m.en? i f ^es grâces qui n’exigent que la jufteffe
d’imitation , la fineffe de taCt, & la connoiffance
pratique des moyens de l’Art.
, H ne pas Raphaël -, mais s’il étoit le Titien
il n’auroit certainement pas à fe plaindre de fon
fort. J e ne m’étendrai pas fur ce que pourroit
amener encore ici le mot Antique, L e Dictionnaire
de Sculpture & d’Antiquité fupplééra aux
details qu’il faut fe refufer i c i , pour éviter des
répétitions inutiles.
A P
APPRET , ( fûbft. mafe. ) Ce mot exprime la
couche de couleur dont on enduit la toile, le bois,
le plâtre , le cuivre, fur lefquels on entreprend
quelqu’ouvrage de Peinture. Cette première opération
ou préparation entièrement méchanique,
regarde parmi nous les Marchands qui fournif-
fent les toiles: ils mettent les apprêts ou premiers
enduits fur toutes les matières propres à
devenir ouvrages de Peinture. Ce. même m o t,
dans la fécondé partie de cet ouvrage , offrira
les détails qu’on a pu raffembler au fùjet des
apprêts. Cet objet n’eft pas d’une importance
médiocre, & peut-être ne's’en eft-on pas occupé
.allez, comme on ne s’eft pas encore affez occupé
de la nature phyfique des couleurs & de tous les
ingrédîens qui entrent dans les différentes maniérés
de peindre. L a Chymie pourroit , dans
ces parties rendre d’importans fêrvices à la Peinture
& les adminiftrations qui connoiffent le prix
des Arts, relativement à leur utilité & à la gloire
nationale , pourroient fayorifêr par des intentions
marquées & par des encouragemens les travaux
néceffaires & les foins trop négligés à cet égard.
Quant à Y apprêt dont on couvre les toiles &
les autres matières fur lefquelles on peint,pour
peu que ies Artiftes s’occupent de cet objet, ils
fentiront combien il influe , fur la facilité de leurs
travaux ou fur la durée de l’accord & de l’harmonie
de leurs tableaux. Auffi , la plupart dé-
terminent au moins la couleur de cet apprêt
relativement à leur manière d’opérer. Ceux qui
peignent facilement, & , pour ainfi dire, au premier
coup , préfèrent des apprêts clairs, parce
que les teintes deffinées aux maffes de lumières
& auxquelles iis çonfervent une forte de tranfpa-
rence , en les employant légèrement fur un fond
clair, te çonfervent plus brillantes.
Ces fonds font moins avantageux pour les
ombres ; mais auffi les apprêts bruns, plus favorables
à cet égard, font fouvent pouffer les
ombres, c’elî-à-dire , les rendent par leur influence
, plus fombres qu’elles ne devroient être
& même quelquefois noires en vieilliffant. L ’Ar-
tiffe a donc en général un intérêt bien grand ,
premièrement à veiller à la nature de Vapprêe
qu’emploie le marchand, & fecondement au choix
de la teinte de cet apprêt, relativement à fa ma-
mere d’opérer.
Apprêt , terme relatif à la manière de peîndré
fur verre. Vûyei partie, le même mot dans la deuxième
APPUI-MAIN, ( fubfl. mate. ) técours employé
par les Peintres pour procurer un foutien à J a.
main qui opère avec les pinceaux ; ce fecours
confifle ordinairement dans une baguette que là
main gauche tient par un bout, & dont elle appuie
l’autre [extrémité fur la toile, ou fur le chevalet
qui la foutienr.
Les détails de ce genre font raffemblés dans la
deuxième partie de ce Diâionnaire , comme tout
ce qui regarde la fimple pratique ou le. mécha-
nifme de l’Art : on y trouvera des renvois aux
gravures qui-mettront tous les yeux fenfiblemenc
les objets»
A PR ÈS , d’A PR ÈS , (prép.) On dit travailler,
deffiner , modeler d'après la nature , d’après
l’antique , $ après Raphaël, &c.
Cette manière de s’exprimer efl eonlacrée aux
Arts. Ceux qui n y font pas inities ne peuvent
bien la comprendre s’ils ne confultenr que le fens
grammatical. L e s Grammairiens qui ont voulu
l’expliquer, ont fuppofé un tour elliptique difficile
à énoncer clairement ; pour moi je ferois
ditpote à croire que cette manière de s’énoncer
efl imitée de 1 Italien, qui nous a fourni un très-
grand nombre de termes & de tours relatifs, à la
Peinture, mais que l’imitation a été altérée.- En
Italien , appreflô figpifie p r è s . auprès : je pente
qu’en francifant le mot appreffo , on a dit. mal-à-
propos après „ & enfuite tCaprès , au lieu de dire
près^ Deffiner ou peindre pries de la nature , près
de l’antiqjue, près de Raphaël, fa it entendre affez-
clairement le tens qu’on donne s cette expreffion.
Car , pour imiter un modèle , un objet quelconque
, il faut en être près, ou au moins n’en pas