
ou que fbn coloris eft trop blanc. On dit qu’un Ar-
tifte donne dans la fa r in e , qu’un autre donne
dans l ’encre, 11 faut offrir quelque notion de ce que
l ’on entend par ces expreffions, & de ce que c’ eft
en effet théoriquement dans la Peinture que le
b la n c , le noir, la farine & l’encre.
Tous les Arts libéraux font contraints par l’in-
fuffifance des moyens qui leur font accordés de
recourir à des approximations, dans les imitations
qu’ils entreprennent. Pour me borner à ce qui
dans la Peinture, a rapport au mot de cet article
je ferai obferver que. la lumière & l’ombre ne peuvent
pas être véritablement repréfentées par des
couleurs , parce que ni l’une ni l’autre, n’eft effectivement
une couleur. On a été induit cependant
à regarder le blanc matériel comme la-couleur
la plus fîgnificative de la lumière, & le noir,
comme la couleur la plus fîgnificative de la privation
de la lumière.
Cependant l’Art, en admettant ce moyen, &
cette approximation, prefcrit au Peintre , d’après
une théorie bien méditée, d’éviter avec le plus
grand foin de faire dominer trop le blanc dans
les lumières , le noir dans fes ombres , & fur-
tout de n’employer , s’il eft pofîible, ni l’une ni.
l’autre de ces couleurs pures dans fbn tableau..
L e noir abfolu , doit-on répéter fouvent aux
Elèves , n’exifte prefque point dans la nature
qu’imite la Peinture, parce qu’il ne peut fe rencontrer
que dans des points privés de toute lumière,
& que ces points où 1^ privation de lumière èft
complette , n’exiftent que dans des trous ou
profondeurs ifolés. D’ailleurs , l’air interpofé
entre l’oeil qui regarderoit ces profondeurs, &
les points les plus abjfolument privés de lumière,
modifieroit la couleur abfblumerit noire , qu’elle
femble devoir ^offrir, & de plus des atomes
imperceptibles répandus dans l’air , réfléchiffent
fans celle des portions également imperceptibles
de lumière, qui adoucilfent aux yeux l’effet des
privations les plus abfolues.
Quant au blanc matériel, il n’approche que
de l’éclat le plus brillant de la lumière, lo r f
qu’elle fe réfléchit fur quelques points d’une
furface extrêmement lilfe , telle que l’eau agitée
par le v ent, telles que l’acier ou quelques autres
fubftances dures & polies. Mais ce b la n c , ou
cet éclat de lumière , loin d’être prodigué dans la
rature, ne s’y montre que comme des points,
& ce n’eft que lors que l’Artifte imite ces fortes
d’effets , qu’il eft autorifé à placer à propos des
touches de blanc pur , qui rappellent, en effet,
l’idée de la lumière. Il a été naturel d’inférer, de
ce que je viens d’expofer, que le mélange gradué
du blanc avec toutes les couleurs des objets ,
qui dans un tableau^ doivent participer à la lumière
, eft un moyen propre de l’imiter, mais
dont on doit ufer avec une grande circonfpeétion ;
car il y a encore dans la nature une fi grande
diftance de l’effet du blanc matériel le plus pur à
l ’éclat de la lumière , que cette imitation eft toujours
infiniment incomplette : aufli plus il emploie
de b la n c , foir pur , en forme de touche , foit
mélangé dans' les teintes , plus il fait appercevoir
la différence défavorable qui exifte entre les
moyens de l’imitation & la réalité. Lors donc
que fArtifte ne fait pas cette réflexion élémentaire
, & que , rationnant mal fbn A r t , il prodigue
fa prétendue lumière, e’eft-à-dire , le blanc
de fa palette , fbn coloris, au lieu d’être lumineux
, devient fade & blafard, & c’èft alors qu’il
tombe, comme l’ on d it, dans la farine. Il s’égare
de même, lnrfqu’il prodigue le noir, en le regardant
comme un équivalent effedif de la privation
de la lumière; car alors il peint n o ir , au
lieu de peindre vigoureux , & pour comble de
malheur, fes ombres & fes touches , participant
de la couleur de l’encre ,- deviennent de plus en
plus féches , dures & crues.
Par une confequence de ces élémens , fi le
'Peintre offre l’image du difque du fo le il, il ne
peut guère avoir recours qu’à une couleur jaune ,
blanchâtre ou rougeâtre, q u i, fans imiter l’objet,
montre à découvert la mefure défavantageufe des
moyens de l’Art. C’eft ainfî qu’un homme, en
voulant dire tout ce qu’il fa it, donne la mefure
de fès connoiffances q ui, quelqu’étendues qu’elles
puifïent être, font toujours trop bornées.
D’ailleurs,' pour revenir au Peintre, en peignant
le foleil de la teinte la plus lumineufe de
fa palette, il fe prive, des fecours de cette même
teinte, lorfqu’il veut peindre les éclats que pro-
duifentles rayons du foleil ; car il faut lui laiffer
l’avantage qu’il a dans la nature d’être plus éclatant
que les objets qu’il éclaire. Pour parler exaéte-
! ment, la lumière & la privation de la lumière
n’ont donc pas proprement de couleur.
On ne repréfente donc pas réellement une
abftraétion , ni quelque choie qui femble immatériel
par des couleurs matérielles. On parvient
feulement par les efforts dé l’Art à en rappeller
l’idée, & il faut que cet Art foit favament médité
, & les plus grands ménagemens lui font
: nécellàires pour ne pas trop déceler fbn infuffi-
fance & les bornes de fes moyens.
Jeunes Artiftes qui Commencez à vous armer
de la palette , vous êtes embarraffés, & c’eft: avec
plus de raifon que vous ne le penfez encore,
fur les moyens d’imiter les couleurs de la nature,
éclairée par la lumière. Chaque objet y a fa couleur
propre , qui trouve toute fa’ valeur, ou qui
en dérobe une partie , fans autre moyen que la
lumière & la privation plus ou moins grande de
cette lumière.
L e defîr de parvenir à un coloris brillant, vous
égare fouvent ; vous vous éclairez dans Fatte-
lie r , de manière à favorifèr vos erreurs de coloris.
Vos tons blanchis ou noircis, s’ils font éclairés
d’une lumière artiftement^dirigée fur votre ouvrage
, font paroître vos blancs éclatans comme la
fumière , & diminuent l’âcreté de vos ombres.
Les parties faillantes que vous peignez âinfi.,
vous paroiffent avoir un relief qui vous'étonné
& vous fatisfait. Vous croyez avoir imité parfaitement
la nature, & lorfque votre tableau fe
trouve expofé à une lumière , généralement répandue,
ou dans des polirions moins favorables que
celles que vous fournit votre attelier , l’éclat dif-
paroît, la fa rine & l'encre fe font voir, les crudités
bleiïènt les y eux , & vos efforts font trompes.
B L EU . L e bleu pu la couleur bleue àont on fe
fert dans la Peinture , eft une dès couleurs que je
nommerai indifpenfables qui ont un droit abfom
d’avoir place fur la palette de FArtifte. On tire
cette coüléur de différentes fubftançes. Les details
& les préparations , auront place dans,le fécond
Dictionnaire deftiné au méchanique & à la
pratique de l’Art. Je me bornerai à dire ici que
la cpuleur bleue dont on fe fert dans la Peinture a
J ’huile, eft le bleu de Prujfe, ou Y outre-mer.
L e bleu de Prujfe. plus en ufage, parce qu’il
eft moins cher, demande des précautions dans la
manière de l’employer; & lorsqu’on ne les prend
pas, ou qu’il eft d’une mauvaife qualité, il eft
fujet à changer de ton, à verdir ou à noircir.
L ’outre-mer y moins fujet à ces ineonyéniens ,
eft tiré de la pierre qu’on appelle lap is a \uli. L e
bleu qu’on en tire s’altère p eu, mais par cette
raifon aufli fon effet fe trouve quelquefois peu
d’accord avec les autres couleurs , qui deviennent
à la longue ou plus vigoureufes, ou moins qu’elle
ne l’étoient lorsqu’on les a employées.
■ Cette relation des couleurs , confédérées dans
les changemens qui leur arrivent, dans un tableau
, eft un objet infiniment intéreffant, qui n’a
jamais été confédéré allez profondément, & qui
entraîne des effets, non-feulement très-nuifîbles
aux ouvrages, quant à leur perfedion & à leur
durée , mais encore relativement aux jugemens
qu’on en porte. Il faut , pour fe faire une idée,
de cette particularité de la Peinturé^ comparer
les couleurs & même les tons combinés d’un tableau
aux tons qui çompofent un clavecin. L e
tableau qui fort des mains d’un bon Artifte eft un
infiniment qui vient d’être parfaitement accorde.
Alors on juge fainement de fa- bonté. Cet infiniment
abandonné à lui-meme, fe défaccorde immanquablement
plus ou moins. Certaines cordes ,
certaines touches perdefit par leur nature, ou par
quelques circonftances leur juftefie de ton plus ou
plutôt que les autres. Alors il devient difficile ,
fùr-tout à ceux qui n’ont pas une profonde con-
léoiffance, ou une grande habitude d’apprecier
la bonté des inflrumens -, de juger du mérite que
peut avoir celui dont je parle. S’il fe défaccorde
entièrement, on ne peut plus le juger que par
quelques reftes des tons , & d apre^s la réputation
8c le nom de l’ouvrier. Il en eft: de même des tableaux
, relativement à l’accord des couleurs :
les tons font les cordes de l’inflrument ; mais la
différence eflentielle, c’eft qu’on ne peut pas raccorder
cet inftrument , qui fe défaccorde immanquablement
par l’effet d’un tems plus ou moins
long.
L e tableau fe défaccorde comme l’inftrument,
c’eft-à-dire , à-peu-près tout enfemble, & plus-
fouvent partiellement. Alors quelques couleurs
moins.inaltérables, gardent leur ton, & celles qui
le font plus le perdent. Lorfque ces changemens
font parvenus à un certain point, il devient difficile
à la plus grande partie de ceux qui s occupent
des tableaux de les apprécier, rela ive -
ment au coloris. Les Artiftes le peuvent encore.
Mais enfin , il arrive un temps où l'appréciation
devient impoflible , & Fon y fiipplee par l’idéè
plus ou moins avantageufe qu’on a du Maître.
Cette explication & cette aflimilation auroient
été plus à leur place au mot Accord ; mais
ne voulant , autant qu’il m’eft poflible , rien
négliger de ce qui peut donner des idées pré-
cifes de l’Art à ceux qui les défirent , je la
place ici , & je rappellerai, pour revenir au mot
de cet Article , que le bleu de Pruffe, qui
fe défaccorde aifément, fi l’on ne prend pas des
foins particuliers en l’employant, a l’avantage de
fiiivre au moins plus généralement les changement
qui arrivent à toutes les autres couleurs. L e bleu
(Loutre-mer au contraire , plus inaltérable, garde
plus exaâement fon ton ; mais par cette raifon
ne fuivant point du tout le changement générai
qu’éprouvent toutes les autres couleurs, il eft , fî
Fon peut parler ainfî, prefque toujours difcord a
leur égard, ce qui eft très-fenfible dans des tableaux
anciens , dont le coloris à généralement
pouffé, & dans lefquels Y outre-mer a gardé fes
nuances,
B O
BO IT E A C O U L EU R . L a boîte à couleur
eft deftinée à renfermer & les couleurs & les
autres uftenfîles néceflaires au Peintre. On trouvera
au même mo t, dans le fécond Dictionnaire,
les détails & les formes de la boîte à couleur«
Lés planches en offriront la figure.
BON. L a jufte application du mot bon à un
ouvrage de Peinture, n’appartient guère qu’aux
Artiftes & même aux Artiftes les plus inftruits
dans la théorie & dans la pratique de leur Art.
Les Amateurs & en général le Public fe fer'vent
également de ce terme; mais le plus fouvent
fans en avoir bien déterminé la lignification.
L a bonté d’un tableau , comme celle d’un homme,