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foient plus uniformes ,-les touches moins-fermes,
les effets nioins fenlibles. Enfin arrivez-vous à
la partie du fond ? Qu’on r fy diftingue plus
que des maftes' plates, des formes adoucies ;
prefque fans aucun détail , & que les objets les
plus reculés , fondus dans une efpece de vapeur,
n’y prennent que les nuances du lointain. ( Article
extrait du traité de peinture de M. DAn dré
B ardon. )
F A IT ( part.) mot fort en ufage aujourd’hui
dans nos écoles de peinture &fculpture. Nous
croyons qu’on ne doit pas l’omettre vu fon
énergique lignification. I l n’en a guère qu’avec
les adverbes bien & mal.
Ce mot eft d’autant plus nécèflaire à traiter ,
que, dansl’ efprit des apprentifs de l’ a r t , il renferme
exclufivement tout le bien, pu tout le mal.
Sa fignification ne fe rapporte cependant qu’ au
travail 4 e main i mais c’ eft celui que l ’ignorance
fait le plus facilement juger, comme nous
le dirons dans notre article frefque , & c’ eft
auflt l’ efpèce de mérite que bien des gens con-
noiffent uniquement.
Ce qu’ on appelle b ien fa it fe diftingue aifé-
ment par lesjyeux un peu exercés. Il confifte en
une facilité à manier l’outil , foit pinceau , foit
ébauchoir , à l’ employer avec une dextérité qui
fouvent tient lieu du fentiment , 8c avec une
netteté qu’on prend pour la connoiffance profonde
& le bon goût des formes.
Le plus haut degré du talent qui mérite
l’épithete de bien fa i t eft lorfque -la brillante
exécution eft foutenue dans tout l ’ouvrage avec
lin certain accord.
La forte de juges dont nous parlons, éten-
droit même le reproche de mal fa i t jufques fur
les tableaux & les .ftatues des plus grands
maîtres , fi le nom de ces maîtres ne leur étoit
pas connu , parce qu’ il ferait très-poflible de
trouver dans ces .ouvrages des inégalités de
fa i r e . La caufe en eft que fouvent occupé par
la nature de l’objet qu’ il traite , l’habile homme
l ’ exprime avec une chaleur proportionnée à fon
importance , $c que la manière de rendre ne
l ’occupant pas, la fienne devient molle &
indècife fur les points moins effentiels , & qui
fouvent font ennuyeux pour le favoir profond.
Nous avons dit que le bien fa i t ou le mal
f a i t occupoient exclufivement les ignorans ; &
voici comment nous avons eu occafion de le
conclure d’après nos obfervations fur les di-
verfes manières de confidérer les ouvrages de
l ’art. Lorfque le curieux , foit artifte ou autre,
fe trouvant dans un mufeum, commence par attacher
de près fa vue fur chaqse objet qui fe
préfente à lu i , & qu’il ne paroît pas prendre
d’ intérêt à le parcourir autrement, alors on peut
le regarder comme un connoilfeur fuperficiel.
Celui qui eftimera l ’ expreflion des pallions ,
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les beautés des formes, la poéfie , les convenances
8c les autres grandes parties de l’art
s’occupera peu du mérite de la main q*ji aura
produit un beau ou un foible réfultat,
Le curieux au contraire, dont j ’ai parlé, ne
fait guère cas de ces traits du vrai talent fi on
ne les lui fait pas remarquer, ou s’ils ne font pas
écrits , .comme il eft rare , en caraétères viélo-
rieux : ou plutôt il ne fait les reconnoître que
quand ils font l’ouvrage d’ un maître qui jouit
d’ une ancienne célébrité.
Tout cela explique ce que de Piles , dans
fon idée^ de la peinture, a expliqué lu i -
même bien foiblement ; c’e ft-à-d ire, le peu
d’ effet que produifent aux yeux d’ une infinité
de perfonnes' les ouvrages de Raphaël même
au Vatican -, & pourquoi dernièrement plufieurs
de nos grands juges prétendus ont été étonnés
du fuccès des meilleurs tableaux de Nôtres
Dame , quand , à l’occafion de leur réparation
ils ont été à portée de les voir de près. C’eft
que pour fentir la fc ie n c e , il faut être lavant
foi-même. O r , dans le fiècle palfécomme dans
le feizième fiècle, on s’occupoirpeu de la main
dans les ouvfages des arts ; on en auroit dit au
contraire ce que Montaigne difoit de l’ éloquence
qui donnoit envie de fo i & non de la chofe. Les
grands mots , la manière de remuer le pinceau
ne faifoient la fortune ni de l’écrivain ni du
peintre ; c’ étoit le fentiment & la penfée.
Ce n’ eft pourtant pas que le bieji fa it ou le
mal fa it dans l’art n’aycnt leur charme & leur
déplaifance -, rnais malheur à qui n’en fait pas
le dernier mérite ou le plus petit: vice d’ un
ouvrage.
A in fi, en traitant de ce mot, nous nous
fommes étendus fur l’abus qu’on en fait communément,
mais fans prétendre exclure l ’emploi
qu’on en peut faire avec jufteffe en parlant
des bonnes ou des mauvaifes parties d'un tableau
ou d’ un ouvrage de fculpture.
I l y a des grands rapports entre ce mot fa i t
& ceux exécution , fa i r e , manière , pinceau , 8tc.
( Article de M- R obin , Peintre dit R oi>-)
FA N T A IS IE (fubft. fém. ). On entend par ce
mot le produit de l ’imagination abandonnée a elle-
même , & cette exprefuon emporte toujours avec
elle l’ idée de quelque chofe de bizarre. On ;n|
donnera donc pas le nom de fantaifie à une
figure que l’ artifte aura faite de génie, & fans
prendre le modèle, parce qu’ il a cherché à imiter
de fouvenir les formes de la nature, 8c à éviter
toute bizarrerie. Une compofition qui eft due
toute entière à l’ imagination de l’artifte, mais
qui ne repréfente cependant que des chofes qui
ont pu f i paffer dans la nature , & qui par confé-î
quent n’a rien de bizarre, n’ eft pas une fa n taifie.
Mais une figure à tête humaine, à corps dé
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quadrupède , à queue de ferpent, fera une f a n taifie;
une figure d’homme term inée par une gaine
eft une fantaifie. Des figures d’ i r fins forçant dis
la tige d’une plante, font àes.fantaifies. Ainfi les
arabefques , les grotefques entrent dans la elafle
' des fantaifies ■ Ce font encore des fantaifies que
ceé.compofuions qui 1 epréfenrênt des (exiges dans
iefquels, on volt des figures fe rétrécir, s’ ai-
longer, 8c fe oerdre en vapeurs. Les repréfen-
tations des méiamorphofes commençantes, telles
que icelle dé Daphné dont les pieds tiennent
déjà a'la terre par des racines , &: dont la tête; les
mains pouüent des branches de laurier, çelle
de Syrinx qui eft encore femme en partie, &
en parde.un failçeau de rofeaux, ont un grand
rapport avec les fa n ta ifie s.
Comme l’imagination ne petit- rien créer, mais
feulement difpofer & compofer les objets que
lui a préfentée la nature fenfrble, le peintre de
fa n ta ifie ;èft encore fournis à la nature. Il fait
un tout compofi de parties qu’elle n’offi'e pas en-
femble ; -niais du moins ces différentes parties
s’y trouvent & doivent y être conformes. Ainfi
la partie de Daphné-, qui eft encore femme,
doit repréfenter une belle femme; fes pieds changés
en racines doivent être étudiés d’après des racines
véritables i les branches de laurier qui naif-
fent de.-fis mains 8c de fa tê te , doivent également
repréfenter la nature.
Le neïmve àe fantaifies crée quelquefois des
plantes , des fleurs qui n’ exiftent pas : mais leurs
tig e s, leurs calices doivent encore offrir une
idée de la nature -, 8c pour bien faire des plantes
des fleurs fantaftiques, il faut avoir bien étudié
dps ; plantes & des fleurs naturelles.
Quelquefois une fantaifie peut être une penfée
ingénieufe •, telle eft celle de l’amour nailfant
du calice d’une fleur.
Huré-j. graveur en pierres fines, a eu une fa n taifie
heureufe. I l a fait en agate une tête de
Momus.. La pointe de fon bonnet, qui eft celui
de la fo lie , fe terminoit par un ferpent qui
mordoit le front du dieu fatyrique. Momus con-
fervoit le rire de la méchanceté, avec l’ expref-
fion de la douleur.
Ou trouve d’agréables fantaifies dans l’oeuvre
de Gillot & dans celle de Piranèfe. ( Article de
M \ L ev e sq u e . )
FA R IN É (ad j. ) . On appelle fa rin é ou fa r ineux?
, un ouvrage de peinture ou les carnations
font d’ une blancheur qui n’eft pas dans la nature
, où les chairs inanimées ne rappellent pas
l ’idée du fang qui y circule. La peau la plus
blanche n’ eft pas cependant réellement blanche.
L’oeil attentif, 8c fur - tout celui d’ un artifte ,
y découvre une infinité de teintes différentes,
caufées. ou par l’impreflion de l’a ir , ou p ar le
féjour ou la tranfpiration de différentes humeurs,
ou par le plus ou nioins d’épaifleur des chairs qui
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recouvrent les parties ofieufes ou cartilagî-
neufes; & c Un Tableau généralement fad e , 8c
dont lès clairs font pouffes jufqu’ au b lanc , eft
fa rin eu x. On dit d’ un peintre qui fuit cette
manière vicieuf», qu’ il donne dans la furine. (L.)
FA T IG U E R ( v . a 61. ). Fatiguer un ouvrage,
fa tiguer la couleur ; voilà les phrafes du langage
de la peinture dans lefquelles on fe ferc le plus
ordinairement de ce mot figuré.
Fatiguer un ouvrage , un tableau , une compofition
, c’ eft travailler avec une obftination
pénible -, c’ eft changer , recommencer , tâtonner
les difpofitions des objets , le trait des figures
; fa tiguer la couleur, c’ eft peindre, repeindre
, changer les teintes, les rechanger encore
, mettre des clairs où l’on avoit mis des
ombres, 8c mêlant , fans une intention jufte
& bien préméditée , les tons entr’eux , leur faire
perdre la franchife d’ où réfulte leur fraîcheur
& leur éclat.
Changer, ou plutôt corriger, eft une peine
utile ; mais elle fuppofe que l’artifte a conçu
clairement ce qui manque a fon tableau^ 8c encore
plus évidemment ce qu’ il convient a’ y fubfi
tituer ; alors il ne fa tig u e pas fon ouvrage î
ainfi l’homme qui conçoit clairement l’action
qu’ il doit exécuter, après avoir mal réuffi la
première fois qu’ il l’a entreprife , l’ exécute enfin
fans paroître fatigué.
Changer quelques effets du clair-obfcur, 8c
fubftîtuer quelques couleurs plus claires ou plus
foncées les unes aux autres , eft aufïi un foin fou-
vent néceffaire & louable -, mais tâtonner fes tons,
en mêlant tantôt du blanc pour les éclaircir,
tantôt des teintes fombres, pour leur donner plus
de v a leu r, eft un travail incertain qui fa lit les
couleurs , & qui imprime dans Ie fa ir e le témoignage
de la peine & de la fatigue qu’on a éprou»
vées. Le méchanifme , ou plutôt la pratique ,
apprend aux artiftes que les tons pafle* trop
long-tems l ’ un dans l’autre, par le maniement
de la brofle , s allourdiffent 8c f e f i l i j f e n t ,
en prenant une couleur froùeufe , qui ne participe
d’aucune de celles qu’on a mêlées en-
femble.
La pratique apprend encore q u e , lorfque changeant
quelques parties du clair-obfcur d’ un tableau
, l’ on emploie des tons clairs fur des rons
obfcurs qu’on avoit déjà placés , les tons clairs
participent de ceux qui fe trouvent recouverts,
8c que le tems ajoute de plus en plus à cet inconvénient.
J ’ajouterai à ces obfervations qu’ il feroit fouvent
bien plus avantageux à un artifte q u i , par
incertitude de caraétère ou par d’autres raifens
jj fe détermine à faire dans un tableau de grands
changemens foit dans le clair-obfcur , foit dans
la' compofition, qu’il lui fetoit, d i s - je , plus
avantageux de prendre une autre to ile , que de