
EMULATION , ( fubft. fém. ) c’eft une forte
de rivalité tans jaloulie, une lutte entre des
hommes vertueux qui fe difputent le fuccès
dans un projet louable. L’ artifte languit s’il n’eft
pas excité par Ÿémulation ; mais il ne fuffit
pas que les élèves le propofent des rivaux dans
leur école, 8c les maîtres entre leurs contemporains.
Une viéloire facile remportée l'ur des
rivaux médiocres ne produira qu’une orgueil-
leufc médiocrité. L’émulation doit régner entre
les artiftes vivans & les plus grands des ar-
tiftes qui ne font plus. Le Pouffin prit pour
rivaux les grands maîtres de l’antiquité grecque
fuivant l ’idée qu’ il s’étoit formée de leurs conceptions
& de leurs talens; le Sueur choifk
Raphaël pour fon rival. ~
Ofez provoquer au combat les maîtres les
plus difficiles à vaincre. Traitez un fujet que
l’ un d’eux ait manié avant vous, & redoublez
d’efforts pour l’ emporter fur lui. Si vous
traitez un fujet différent, fuppofez que votre
tableau fera expofé en pendant avec un tableau
de Raphaël, du ©ominiquin , du T itien , de
Rubens. Votra ouvrage eft fini : comparez-le
à l’un des menleurs ouvrages dé l ’artifte dont
vous avez fait votre rival. Oubliez qu’ il s’ agit
de votre propre caufe, & rendez-vous un juge
impartial. Reconnoiffez les fautes qui vous ont
fa it manquer le prix , & propofez-vous de le
remporter au premier concours que vous établirez
vous-même. Faites mieiix-encbre : formez
vous la plus grande idée de votre a r t , &
rendez-vous le rival de cette idée. ( Article de
M . L e v e s q u e , )
E N
EN C A U ST IQ U E , peinture encaujlique, en
grec zyKctvçby où êyx.ctvçiKri , du verbe gyKetico ,
( inuro ) brûler, parce qu’on procède à ce genre
de peinture avec des cires qui doivent être
chauffées prefque jufqu’au point de l’uftion.
On ne peut fixer l ’époque de la peinture
encaujlique. Pline , l ’auteur qui s’ eft le plus
étendu fur cette manière de peindre , dit qu’on
ne favoit pas même de fon temps quel étoit le
premier qui avoit imaginé de peindre avec des
cires colorées & d’opérer avec le feu. (r) Quelques
uns cependant, continue-t-il, croyoient
qu’Ariftide en étoit l’ inventeur, & que Praxitèle
l ’avoit perfectionnée *, d’autres affuroient que
l’on connoiffoit des tableaux peints à Vèncaujti-
( i ) Ceris pingere ac picturam inurere qùis primus exco-
gitaverit non confiât Quidam, Ariftidis inventumputant 3 p ofi ta confummatum a Pra xitè le. Scd aliquantb vetuftiores
tncaufticapictura extitere , ut Polygnoti & Nieanoris &
A r c e f t la ïP ariorum. Zyjïppus quoque 3 Æginoe , pictura
fum injc)ipjit hixawû quod profcSb non Jecijfet nifi in-
cm fiâ inventa. Piin. Liv. 35 C, j j,
que long-tems avant, tels que ceux de Polÿg-
note , de Nicanor 8c d’Arcéfilaüs , artiftes de
Paros. Il ajoute que Lyfippe écrivit fur les
tableaux qu’il fit à Egine : I l .a bridé, c e qu’il
n,au ^ it certainement pas fait fi Vencaujlique
n avoit été inventé. Quelque peu certaine que
foit l’origine de la peinture à Vencaujlique ,
il parait cependant qu’ elle .prît naifiànce dans
la Grèce, & que l ’ art de peindre avec de la
c ire , des couleurs & le feu, devint familier aux
artiftes de ce peuple.
U feroit inutile de porter plus loin les recherches
fur l’antiquité de l’art d’ employer la
cire dans la peinture -, elles deviendroient non-
feulement infruétueufes;, mais elles ne répandraient
pas plus de lumière fur les moyens
d’exécuter les tableaux avec la c iré , les coupleurs
& le feu , puifque Pline , qui nous en a
tranfmis les efpeces , dit „peu de chofes du
moyen de les pratiquer. I l eft confiant, dit-il,
que l’on connoiffoit anciennement deux genres'
de peinture e n c a u jliq u e qui fe faifoient avec
la cire 8c fur l’ivoire., au cejlrum, c’ eft-à^dire
au viriculum ( z ) , avant que l’on connût la
pratique de la peinture fur l’ extérieur des
vaiffeaux, troifième efpèc# qui s’opérait avec
des cires q u i , ayant été rendues liquides par
l’aélion du feu , étoient devenues propres à
être appliquées avec le pinceau. Cette peinture'
étoit fi felide , qu’ elle- ne pouvoit être altérée
ni par le fo le il, ni par le fel de la me r, ni
par les vents. Quoiqu’il ne paroiffe pas dans ce
pa{fage qu’il foit fait mention de l’efpèce
à?encaujlique dont on failoit des tableaux portatifs
, on peut cependant préfumer que la
première efpèce étoit employée à cet ufage. Cet
encaujlique 8c celui des vaiffeaux avoient-ils
de l’analogie? Quoique cela puiffe être, nous
n’ oferions cependant trop l’ affurer, d’autant que
(2) Cefirum 3 viriculum., mots que fon n’enteni point
relativement à la peinture à Y encaujlique. c* Encaufto pin-
« gendi duofuijfe antiquitus généra confiat, cerâ & in ebore,
» cefiro , id e ft , viriculo , donec clajjcs pingi coepere hoc
n tertium acce jjit, refolutis igni ceris penicillo utendi
” quce pictura in navibus * net fo ie 3jtec fa le 3 ventifque
» corrumpitur. Plih. Liv. 35 , C. i l ».
* M. Mon noyé , qui a fourni Van encaujlique que Ton
trouve dans le. Dictionnaire Encyclopédique, a traduit les
mors in navibus dans les vaiffeaux. Il a fans doute eu fes
raifons; il a formé le plan d’accommoder Piine à la peinturé
au favori de M. Bachelier , peinture qui flyement né pou-,
voit pas refîfter au fel de la m-r atr foleil & aux vents
& encore moins à l’eau. Il ne faut pas croire que c’étoit
une faure d’imprefïîon , car lorfque M. Monnoye traduit
ce que dit Ovide :
E tp ic t a coloribus uftis
Caleftum matrem eoncava puppis habet.
E t la pouppe repréfente la mère des Dieux en couleur
brûlé e, il repète que cet encaujlique étoit bien plus praticable
dans les vaijfcaux*
ÏM. le Comte de Caylus & M. Majault, qui ont
beaucoup examiné' cette matière , paroiffent
mettre de la différence entre les moyens d’execution
de ces deux genres. ■ P~pye\ leur M é moire
, page 1 .6 .
O11 empioyoit auffi Vencaujlique fur les murailles
: cette pratique étoitre-Ue \u\e fuite de
Vencaujlique des tableaux , ou Vencaujlique des
tableaux avoit-il fuggéré aux barbouilleurs de
murailles d’en faire l’application à leurs trav
au x, pour rendre leur peinture plus lbli.de ?
U eft impoffible de décider la queftion, foit
que l’on confulte Yitruve ou Pline , qui en
ont parlé. Cependant, fi ces deux auteurs ne
difent rien qui puiffe éclaircir cette difficulté,,
ils nous en dédommagent par une defcription
très-e^aéle de la manière de pratiquer cette
efpèce i f encaujlique. Voici d’abord ce qu’ en
dit Vitruve ( 1 ) , L. V I I , C. I X , lorfqu’ il
parle de la préparation du minium : Cette coule
u r , dit-il , noircit lorfqu’ elle eft expofée au
fo le il, ce que plufieurs ont éprouvé, entr’au-
tres îé Scribe Fabérius, qui , ayant voulu que
fa maifon du Mont-Aventin fut ornée de belles
peintures fit peindre tous les murs des pé-
riftiles avec le minium, qui ne put durer que
trente jours fans fe gâter en plufieurs endroits,
ce qui le contraignit de les faire peindre une
fécondé fois avec d’autres; couleurs. Ceux,-qui
font plus exa&s & plus curieux, pour conferver
cette belle couleur, après qu?elle a été.couchée
bien également & bien féchée , la couvrent de
cire; punique fondue avec un peu. d’ huile, & ,
ayant étendu cétte compofition avec une broffe,
ils l’échauffent & la muraille auffi. avec un
réchaud où il y a du charbon allumé, fondant
la cire 8c l’égalant par-tout en la poliffant avec
une bougie & des linges bien nets , comme
quand onicire les ftatues de marbre. C elas’ap-
pëlle -xctvcriç en g re c. Cette croûte, de cire
empêché que la lumière du foleil & de la lune
ne mangé.,1 a couleur ( z ). Pline dit la même
chofe , quoique moins en détail •: ( 3 ) Que l’on
enduife la muraille de cire i lorfqu’ elle fera bien
* (x h T r a d u c iio n d e Pérraùlt./
(2) Ittique cum & alii multi 3 tune etiam Fabérius S crib a,
cum in Avèntino volüijfet habere doifium eleganter expo-
'litam} peryfiiliiparietes omnés inàuxit minio , qui poft dies
iriginta3facli funt invehufto Variôqué colore : itaque primo
locavit inducendos. alios colores. A t J i quis fubtilior fu erit
& voluerit expolitionem miniaceam fuum colorent reti-
nere, cum paries expolitus & aridus fuerit 3 tum ceram
puniceam igni liquefactain , paulo oleo temporàtam 3 fetâ
inducat. Deinde pofte a carbonibùs in ferreo vafe compo-
Jitis y earn ceram apprimè 3 cum pariete calcfaciendo 3 fu -
dare cogqt,, fiatque ut.perceque.tur. Poftea cum candelâ.
linteifquepuris fubigat uti figna marmorea nuda curantur.
H etc. autém xctvtris grace dicitur Vir. L.-.’j , C. 9. •
• (3) Solis atque lunce contactas inimicus : remedium-3 ut
parieti ftccato cera punica cum oleo liquefacla candens feti$
féchée, que l ’on la frotte avec un baron de
cire & enfuitc avec des linges bien nets, C’ eft
par ce même procédé que l’on donne aux marbres
de 1 éclat. Tl paraît, par conféquent, qu’ il n’y
avoit qu’ une feule manière d’employer 19encaujlique
fur les murailles.
Voilà tout ce que l’on peut dire fur l’hiftori-
que & fur le faire des différentes efpèces de
peinture à Vencaujlique, qui fe réduifent à
quatre -, favoir, la peinture a la cire , celle qui
fe faifoit avec le céjlrum ou le viriculum ,
peinture fur les vaiffeaux , & ' peinture fur la
muraille; 8c pour exécuter ces différentes e f pèces
, ils mêloient lés couleurs avec la c ir e ,
ou ils pénétraient la couleur de cire lorfque
la peinture étoit achevée.
Le bois étoit la feule matière fur laquelle
on peignît des tableaux portatifs. I l feroit trop
long de rapporter tous les paffages de Pline &r
des autres auteurs qui fourniffent la preuve de
cette vérité.
Paffons maintenant aux moyens que les anciens
employoient pour l’ exécution de leurs
encaujliques.
Les couleurs étoient contenues , comme le
dit Varron, dans des coffrets à petits compar-
timens (,4 ) .
On fe fervoit de broffesou de pinceaux pour
appliquer les cires colorées , comme le dit
Pline ( 5 ),., o,u la cire fur les couleurs comme
le dit Vitruve.
On empioyoit le feu , foit pour fondre les
cires colorées , foit pour liquéfier la cire pure
deftinée à être employée fur les couleurs pour
l.es rendre plus folides que la détrempe. Les
înftrumens deftinés à cet ufage portoient le nom
de cauteria , dont la forme devoit varier félon
les différens travaux auxquels on en faifoic
l ’application. Le cautere, dit P lin e , étoit un
des înftrumens des peintres avec lequel on
faifoit fondre les préparations bitumineufes les
plus tenaces , dont on faifoit ufage pour la
peinture appellée encaujlique. Cette peinture
s’ opère en faifant fondre des cires avec des
charbons allumés ( 6 ) . Si l’origine de la peiri.-
tiirë à Vencaaftique eft équivoque , l’époque de
fa décadence eft auffi fort incertaine. I l eft
néanmoins confiant qu’ elle fe pratiquoit encore
indue atur 3 iterumque admotis g a i l a carbonibùs aduratur
ad fudorem ufque ; poftea candelis fubigatur, ac deinde
linteis puris fijicut & marmora. nitefeunt. Piin. L . 33 , C. 7.
(4 ) Piclores loculatas habent ar cillas 3 itbi difcolor es funt
cera. Var. de re Ruft. L . 2.
,, .(5) Refolutis .igni écris penicillo—utendi. - -
(<?) Ç.auterium in pictorum inftrumentis continetur3 quo
bituminationes & fortiores quaque conglutinationes conco-
qüuntur j maxime in eâ piclurâ qua \yx<t<.vx» appellatur,
qua f i t carbonibùs inuftis 3 refolutis igné ceris. Piin. L . 32 3
C- 23,