
proportion , elles rendent petites toutes les
autres parties.
Les arbres fon» un des plus beaux ornemens
du payfage , & ce que de Piles en a écrit
eft: trop raifonnable & trop utile pour que
nous ne tranfcrivions pas en entier cette partie
de fon ouvrage.
» Quoique la diverfité plaife dans tous les
» objets qui compofent.un payfage , c’ eft prin-
» cipalement dans les arbres qu’ elle fait voir.
» fon plus* plus grand agrément. E lle s’y fait
» remarquer dans l ’efpece & dans la forme. ;
» L’ efpece des arbres demande une étude &
» une attention particulière du peintre pour les
» faire diftinguer les uns des autres dans fon
» ouvrage. Il faut q u e , du premier coup d’oeil
» on voye que c’ eft un chêne , un orme, un
» fapin , un cicomore , un peuplier , un faule ,
P un pin ,. ou tout autre arbre qui , par une
S> couleur ou une touche fpécifique , puifle être
» reconnu pour une efpece particulière. Cette
» étude eft d’ une trop grande recherche pour
» l’ exiger dans, toute ion étendue , & peu
» de peintres l’ont même faite avec l’exaélitude
» raifonnable que demande leur art. Mais il eft
» confiant que ceux qui approcheront le plus
» de cette perfed ion, jetteront dans leurs ou-
» vrages un agrément infini , 8c s’attireront
» une grande diftindion.
» Outre la variété qui fe trouve dans chaque
» efpèce d’arbre , il y a dans tous les arbres en
» particulier une variété générale. E lle fe fait
» remarquer dans, les differentes manières dont
» leurs branches font difpofées par un jeu de
» la nature , laquelle fe plaît à rendre les uns
» plus vigoureux & plus touffus, & les autres
» plus fecs 8c plus dégarnis ; les uns plus verds,
» 8c les autres plus jaunâtres.
» La perfedion feroit de joindre dans la pra-
» tique ces deux variétés enièmble. Mais fi le
» peintre ne repréfente que médiocrement celle 7> qui regarde l’efpece des arbres , qu’ il ait du
» moins un grand foin de varier les formes &
» la couleur de ceux qu’ il veut repréfenter :
» car la répétition des mêmes touches dans un
i» même payfage , caufe une efpece d’ennui
» pour les yeux , comme la monotonie dans un
» difcours pour les Oreilles.
» La variété des formes eft fi grande , que
» le peintre feroit inexcufable de ne la pas
» mettre en ufage dans l’ occafion , principale-
» ment lorfqu’ il ^’ apperçoit qu’il a befoin de
» réveiller l’attention du fpedateur. Car par-
» mi les arbres en général, la nature en fait
» voir de jeunes , de vieux , d’ouverts , de
» ferrés, de pointus ; d’ autres à claire v o ie ,
» a tiges couchées & étendues •, d’autres qui
» fo n t'l’ arc en montant , & d’autres en def-
» Cendant, & enfin d’ une infinité de façon
» qu’ il eft plus aifé d’ imaginer que de décrire*
» On trouvera , par exemple, que le carac*
» tère des jeunes arbres eft d’avoir les bran-
» ches longues , menues , & en petit nombre ,
» mais bien garnies ; les touffes bien refendues ,
» & les feuilles vigoureufes & bien formées.
» Que les vieux , au contraire , ont les
» branches courtes , groffes , ramaflees & en.
» grand nombre $ les touffes émouflees &
>i les feuilles, inégales & peu formées. I l
» en eft ainfi des autres chofes qu’ un peu d’ ob-
» fervation & de génie fera parfaitement
» connoître.
» Dans la variété des formes de laquelle je
» viens de parler , il doit y avoir une diftribu-
» tion de branches qui ait un jufte rapport 8c
» une liaifon vraifèmblable avec les touffes ,
» en forte qu’ elles fe prêtent un mutuel fe -
» cours pour donner à l’ arbre une légèreté 8c
» une vérité Tenfibl es.
» Mais de quelque manière que l’on tourne
» & que l’ on fafTe voir les branche* des arbres j
» & de quelque nature qu’ ils foient, que l’on
» fe fouvienne toujours que la touche en doit
» être vive & légère , fi l’on veut leur donner
» tout l’ efprit que demande leur caractère.
» Les arbres font encore différons par leur
» écorce. E lle eft ordinairement grife ; mais
» c e gris qui , dans un air grolfier , dans le#
» lieux bas 8c marécageux devient noirâtre ,
» le fa t voir au contraire plus clair dans un
» air fubtil -, & il arrive fou v e n t , que , dans
» fes lieux fecs, l’écorce fe revêt d’une mouffe
» légère & adhérente qui la fait paroître tout-
» à-fait jaune. Ainfi pour rendre l’ écorce d’ un
( » arbre fenfible , le peintre peut la fuppofer
» claire fur un fond obfcur & obfcure fur un
» fond clair.
» D'obfervation des écorces différentes mé-
» rite une attention particulière. Ceux qui vou-
» dront y faire attention trouveront que la
» variété des écorces des bois durs confifte
» en général , dans les fenres que le temps y
» a mifes comme une efpece de broderie &
» qu’ à mefure qu’ ils v ie illiffent, les crevafles
» des écorces deviennent plus profondes. Le
» refte dépend des accidens qui naiffent de
» l’ humidité ou de la féchereffe, par des ta-
v ches blanches 8c inégales.
» L’écorce des bois blancs donnera au peîn-
» tre plus de matière à s’ exercer , s’ il veut
» prendre le plaifir d’ er. examiner la diverfité
» ç^u’ il ne doit pas négliger dans fes études. »
On peut confidérèr fous deux points de vue
Vétude du payfage ; i° . par rapport à ceux qui
n’ont pas encore pratiqué ce genre de peintur
e ; x‘\ par rapport à ceux qui en ont déjà con-
traâé une affez grande habitude.
Le deffein & la peinture des arbres font ce
qui donne le plus de peine aux commençans*
On ne peut point leur donner P par é cr it, la.
étatique qui leut1 manque ; mais on peut le*
eîder à faire quelques obfervations.
Tout arbre cherche l’ air comme la caufe de
fa vie Audi dans leur accroiifement , tous , U
l ’on en excepte le cyprès & quelques arbres
du même g en re , cherchent, autant | | ils le
peuvent, ! s’écarter les uns des g M M H R
tout corps étranger ; leurs branches ,
lés montrent le même penchant. L a.t doit ex
primer dans la diftribution des branches des
touffes, des feu ille s , cet amour de la ltberté
qui fait leur cataftère ; il faut qu elles fe furent
qu’ elles s’écartent les unes des autres, quelles
tendent à fe porter à des cotes différons. Rien ,
en tout cela , no doit fentir farrangement
cette diverfité doit reflembler a un jeu du ha-
a a rd, à un caprice de la nature cçii.&uvent
paraît bizare , quoique jamais elle n agiffe fans
C iLes ouvrages des grands maîtres, la fpeaacle
de la nature, en apprendront, a ce fu je t, bien
plus que de longs aifçours. -
1 „ Parmi un affez grand nombre de ces mai-
» très de toutes les écoles, )e proférerais les
» eftampes en bois du Tiuen , o i les arbres
» font bien formés , & celles que Corneille
» Cort & Auguftin Carrache ont gravées. Ceux
» qui commencent ne fauroient mieux faire
» que de contrafter , avant toutes chofes, 1 ha-
i, bitude d’ iqiïter la touche de ces grands maî-
» t rè s , & , en les imitànt de réfléchir fur U
„ perfpeaive des branches & des feuille s, &
» Üe prendre garde de quelle maniéré o i es
„ garoiffent lotfqu’ elles montent & qu elles
â font rues par deffous , lorfqu’elles fe prefen-
» tent par deffus , lorfqu’ elles fe montrent de
» front & qu’ elles ne font vues que par la
» pointe , lorfqu’elles fe jettent de côte , &
» enfin aux differens afpeéls donc la nature fe
» préfente fans fortir de fon caraaere. •»
• On copiera donc au commencement les et-
tampes du Titien & des Carraches , & même
leurs deflins , fi l’ on peut s’ en procurer , &
l ’on tâchera énfuitç d’ imiter leur touche au
pinceau. Si l’on ne peut avoir pour originaux
le s tableaux de ces maîtres , on cherchera du
moins à étudier les ouvrages de ceux qui ont
le mieux réuffi dans ce genre. De ces etudes
préparatoires , xm paffera à celle de la nature
qu’ elles auront appris à bien; lire : car étant
impofiible , dans le p a y ja g e , de la copier avec
la précifion qu’on peut mérite dans 1 étude
- d’ une tête, il eft néceffaire d’apprendre d abord ,
par l’ exemple des maîtres , comment il faut
la voir E la choifir , la faifir & en reprefen-
ter une apparence léduifante , dans 1 impolli-
jailité ou l’on eft d’ en repréfenter une copie
î Ceux qui ont déjà quelqu’ habitude de def- fmer ou de peindre le payfage doivent amaffer
des matériaux, & enrichir leurs porte-feuilles
d’études faites fur la nature ; ces études, qu’il*
auront de fréquentes occafions d’ employer ,
répandront la vérité dans leurs ouvrages , 8c
leuT donneront un prix que ne pourront dif-
puter les arciftes qui fe livrent uniquement a
la pratique-. # 1
» Je fouhaiterois que le peintre copiât d âpre*
» nature les effets différens que l’ on remarque
» aux arbres en général , & qu’ il fit la meme
» chofe fur les différentes efpéces des arbre*
» en particulier, comme dans la tige dans la
» feuille & dans la couleur. Je voudrois même
» qu’ il en fît autant pour quelques plantes dont
» la diverfité eft d’un grand ornement pour les
» terraffes qui- font fur les devans. •
» Je voudrois encore qu’ il étudiât de la mê-
» me manière les effets du c ie l dans les diffe-
» rentes heures du jour , dans les differentes
» faifons , dans les différentes difpofitions des
» nuages , dans un temps fe re in, & dans ce-
» lui des orages & des tonnerres. J en dis
» autant pour les lointains , pour les differens
» caraétères des e au x , 8c des principaux objets
» qui entrent dans le payfage ».
Differens maî r^s ont employé des procédés
différens pour faire ces études. Les uns fe font
contentés de defliner les formes , les effets ,
les accidens dont ils é'oient frappés. D'autres
fe muniffant d’ une boëte à couleur portative,
les ont peints fur du papier fort ( i ) > d?autres
fe font contentés de tracer les contours des ob-»
jets 8c de les laver en couleurs a l’ eau ; méthode
par laquelle en n’ atteint pas à la même
vérité qu’ avec les couleurs a l’ huile , mais qui
offre du moins des foulagemens & des fecours
à la mémoire. Quelques-uns fe font contèntps
d’ obferver attentivement, & fe font fies a leur
mémoire du foin de conferver ces obfervations
; méthode hazardeufe , ou plutôt toujours
infuffifante. Quelques autres ont joint- enfem-
ble les paftels 8c le lavis. D’autres plus fo?-
gneux , traçoient la première fois à la campagne
le contour des objets qu’ ils croyoient dignes
de leurs études , 8c retournaient enfuite les
rèvêtir des couleurs qu’offre la nature, & des
effets que procurent les-'variétés de la lumière.
Mais fi l ’artifte ne peut pas toujours fe livret
à des pratiques qui fuppofent des préparatifs &
de l’ embarras , il peut du moins avoir toujours
fur lui du papier & du crayon. I l doit donc
1 fè tenir toujours prêt: à defkner ce qù’ ià re^-
marque d’ extraordinaire ou d’ intéreffant pour
fon art , & marquer chaque objet d’ un figne
qui en indiquera les couleurs, (a) mais pour tirer
( i ) M . V e rn e t , au tant qu’ i l l’ a p u , a toujours p e ine fes
études d’après nature. , ,■ r .. Va) C’eft ce qu'a pratiqué M. Vernet, quand il nayorî
pas !a qpsunpdijé 4e feindre, »