
414 I M A- L’ un des genres de peinture où le vrai eft |
le plus efl'entiel , c’eft certainement celui que
M. Vernet pratiqué avec tant d’éclat. Cèpe ridant
, quelque admirable que foit le degré de
vérité auquel il eft parvenu , fi la touche n’étoit
pas aufli fpirituélle, & Ton exécution aufli facile
& aufli animée, il ne feroit pas ce grand peintre .
li juftement admiré de tous les artiftes.
Concluons donc que les connoiffeurs & le
public font en droit d’ exiger ce vrai qui femble
rendre à faire illuüon ; que tout ouvrage qui i
s’ eri éloigne trop eft.très-répréhenfible, quelques !
beautés qu’ il ait d’ailleurs -, mais que cependant
ce n’ eft pas la feule beauté de l’a r t , que ce
n’eft pas même celle qui fert le plusàdiftin-
guer l ’ excellent artifte d’ avec le médiocre, &
que ce n’ eft point celle enfin qui conftittie le
fublime de l’ art. ( Article extrait des oeuvres
diverjts de M ' Cochin. )
I M
IM A G E , (fub ft. fém. ) Images qui fie' peignent
à l’ efprit, & qu’ on nomme plus ordinairement
idées. Voye\ Varticle Im a g in a t io n ,
Images ( icônes ) , nom que l’on donne aux .
tableaux qui font l ’objet du culte relatif'dès*
chrétiens du rit grec : ils regarderoient comme
une idolâtrie de rendre hommage à des’ figurés
fculptées. Leurs tableaux qui fe font aujourd’hui
comme ils fe faifoient il y a plufieurs fièclés,
fans qu’on fe pique ou qu’on fe permette d’ajouter
à l’art aucune perfection nouve lle ,
peuvent donner une idée de ce qu’étoit devenue
la peinture chez les Grecs du bas-empire. Le
deflin en eft roide , fans v ie , fans expreflion ;
la couleur en eft monotone & rembrunie. Ces^
mauvais tableaux font louv’ent très-richement
ornés. On a coutume d’entourer lés têtes d’ une
auréole en r e lie f : elle eft d’or, d’argefit, de
cuivre doré, fuivant la fortune du propriétaire ,
fou vent même .elle eft chargée de pierreries.
Quelquefois on recouvre le tableau en tier ,
excepté la face > d’ une plaque d’argent ou de
v e rm e il, fur laquelle eft indiqué en bas-rel
ie f le deflin de la draperie qui fe trouve peinte
fur 19image, & l’on encadre cette plaque de
pierres préciéufês. Ces tableaux. doivent être
peints fur bois , & fuivant les anciens procédés
& la vieille ignorance de l’art. La fuperfti-
tion grecque regarde comme profanes les productions
de l’ art moderne exécutées fur toile.
Dans les pays du rit g re c , où il fie trouve des
peintres a r t ifte s ,'ils ne font poiçt chargés de
peindre les images faintes; on s’adreffe toujours
peint, d’un plus beau faire f &c repréfenrant le même fu je t ,
mais inférieur de conception , d’expreffion & de deflin j
Raphaë l p e rd ra -t-il fa fupériorité l £ Hôte du Rédacteur. )•
I M A aux peintres imagers -, ils font une elafle à part,
& ne dégraderont jamais leur art facré par
aucune connoiffance d© l’art profane.
Parmi nous , on appelle images , les e(campes
groflièirement gravées., qui font offertes à
la dévotion ou à l’ amufement du peuple. Elles
font ordiaairement enluminées. Le commerce
de ces mauvaifes images a plus enrichi de marchands
que celui des eftampes. ( Article de
M . L evesq u e. )
IM A G IN A T IO N * (fubft. fém. ) Faculté que
poffède î’ efprit, de fe former dès images ,’des
idées, & dé les combiner entr’ elles» s Si- les
images fe fuccèdent avec une telle impétrio-
fité que l’ efprit‘ ne puilfe les combiner & en
former un jugement , l'imagination devient
folie.
Une grande vivacité à9imagination n’ eft point
une qualité néceffaire à l’artifte, e lle contra-
rieroit trop la lenteur des opérations devJ’art; Un
écrivain mettroit en peu de temps fur le papier
plus d’ images q ue le peintre n’en peut tracer au
pinceau dans île cours de la plus longue vie.
: Le Sculpteur, à cet égard , eft encore traité
' moins favorablement que le peintre , puifque
.fon art opère avec encore bien plus de lenteur.
L’a rtifte , tourmenté par l’abondance de fon
imagination, & plus preffé de repréfenter les
images qui s’offreat en foule à fon efprit, qu’occupé
de_ leur donner toute la valeur qu’elles
peuvent recevoir de fon a r t , ne fera que des
èfqùiffes»d’autant plus imparfaites, qu’au moment
même où il voudra les tracer, fa penfée
fe remplira d’images nouvelles qu’ il fiera impatient
de produire. I l fera fou comme a rtifte ,
parce que fon imagination nç lui 1 aidera pas
le temps de combiner-, fuivant leXmoyen»de
Ton art , lés images qu’ elle lui prpfentera trop
abondamment.^ " j
C’ eft la netteté , & , fi l’on peut parler ainfi,
la,fixité d’imagination qui lui eftJ néceffaire.
I l faut qu’ il fe repréfente bien clairement les
images qui appartiennent au fujet qu’ il veut
traiter •, qu’ il les voie comme fi elles avoient
une exiftence- phyfique ; qu’ il lés juge pour
adopter les unes & rejetter les autres ; qü’il.les
combine pour les ordonner de la maniéré la
plus favorable à fa compofition qu’ il fe les
rende fixes & permanentes, pour les examiner
dans toutes leurs parties, les éclairer, les colorer
de la manière la plus avantageufe à Ion
objet. . v .
Si le peintre voit les images qui deviendront
les figures defon tableau ,.àgilfantes comme elles
le feroient dans la nature , il ne manquera pas
de leur donner dé la vie* du mouvement, de
l’expreflion -, & ce mouvement fera ju f t e / &
cette expreflion fera précifément celle que
doivent avoir les perfonnages dans l’aétion (up-
I M i pofée. Te lle étoit fans doute l’ imagination fagè
de Raphaël, bien préférable à l’ imagination vive
8c abondante dè la F a g e . .
I l eft inutile d’avertir qu’ une telle imagina-
,ion ne peut être le fruit que d’une longue
étude bien faite. Pour fe former des images qui
aient dé belles formes , il faut connoître ces
formes, & par conféquent bien poïféder la partie
du deflin. Pour fe les former agiffantes convenablement
au fujet, il faut avoir bien examiné
I M I 44f l'attitude , la beauté dans les membres, la force
dans la poitrine, l’ agilité dans les jambes, 1 a-
dreffe dans les bras , la franchife furie front &
entre les fourcils, l’ efprit dans les yeux , la
fanté fur les joues , l’ affabilité Xur les lèvres.
- Que l’artifte donne de la force & de l’ expreflion
tous les mouvemens de l’homirie, fuivant l^s
diverfes aâions qu’ il fe propofe. Pour les voir
avec l’expreflion convenable, il faut avoir ob-
fervé les changemens que toutes les affections
de l’ame , & même leurs plus légères nuances ,
opèrent fur les traits 8c dans toutes les parties
du corps. Pour fe les repréfenter bien éclairées,
bien colorées, il faut connoître tous les jeux de
la lumière , tous les effets des couleurs. Mais
les études les plus opiniâtres feront ftériles,
fi l’artifte ti’ a pas reçu de^ la nature le gehre .
à?imagination convenable a fon art. ( slrtiàlt
de M. L evèsque. 1)
IM IT A T IO N , ( fubft..fém. ) L ’ artifte prend
pour objet de fon imitation ou la nature , ou les
artiftes qui l’ont précédé. Ecoutons Mengs
fur l’imitation de la nature.
(Imitation de la nature ). On dit que la pein- .
ture eft une imitation de ta nature. Veut-on
faire efttendre par ee mot imitation , que la na- ;
ture, qui en eft fo b je t , eft plus parfaite que
l ’art qui l’imite'? cela ne fera pas généralement
vrai. La nature , il en faut convenir , offre des
parties qu’il eft impoflibJe à l’art d’ imiter , ou
dans lesquelles au moins l’imitation reftera
toujours fort imparfaite : telle eft la partie du
clair-obfcur. Mais d’ un autre côté, il, eft une
partie-dans laquelle l’art peut fe montrer vainqueur
de la nature elle-même , & cette partie
eft la beauté. i
La nature , dans fes produélions , e f t fujette
à de nombreux accidens. L’ art , qui n’a pour
opérer que des matières paflives & obeilfantes ,
fe rend maître- des ouvrages de fa création,
choifit dans Ja nature entière ce qu’ elle -a de
plus parfait , raffemjil© d©s parties de plufieurs
tous, & la beauté de plufieurs individus. Il peut
donc repréfenter l’homme plus beau qu’ il ne
l’ eft en effet dans la nature. Où trouvera-t-on
réunis, dans le même fu je t, l’ expreflion de la
grandeur d’ame, les belles proportions du corps,
la vigueur jointe à la foupleffe, la fermeté jointe
à l’agilité? Quel individu jouit d’une fanté parfaite
qui ne ibit jamais alteree par les befoins &
les travaux , & dont les alterations n auront pas
en même teriips dégradé la beaute?' Mais l’art
peut exprimer confiarriment ce qui eft fi- raré
dans la nature : la régularité dans les contours ,
la grandioûté dans les formes, la grâce dans
à toutes les parties de l’ homme -, qu’ il
varie l’ expreflion & la fo rc e , fuivant les différentes
circonftances dans lefquelles l’homme
peut fe trouver ; & bientôt il reconnoîtra que
l’art peut furpaffer la nature. Comme ce n’ eft pas
dans une fleur que tout le miel fe trouve raf-
femblé, que chaque fleur en contient une partie
dont’ l’abeille compofe fon tréfor -, de même
l’ artifte choifit ce que la nature a de meilleur
& de plus beau , & , par ce moyeti, il répand
fur l’ouvrage de l’ a r t , une grâce ,- une expref-
fion, une beauté fupérieure à la nature.
Mais quoiqu’ il (oit accorde a l’art de furpalfer
la nature en beauté , que l’ artifte ne penfe pas
cependant que l’art eft aéluellement parvenu
à ce degré fuprême de perfeélion , & qu’ ôft ne
peut aller plus loin. Cette^ idée feroit fauffb ,
& ne pourvoit que. nuire a l’artifte. Jufqu a
préfeht , entre les modernes , aucun n’a pris la
route de la perfeélion que les anciens Grecs
avoient tracée : car , depuis la renaiffan'ce des
arts, on n’a eu pour but que le vrai & l’ agréable,
au lieu de prendre le beau pour objet. Et quand
même quelques artiftes modernes auroientporté
au plus haut degré les parties qij’ ils pofledoierit,
il refte encore à ceux qui cherchent la perfection
, à feuriir ces parties djlperfées, oc a èn
faire un enfemble. Loin qife 'l’artifte fe de-
courage , parce qu’ il s’eft vu dévarice par de
grands maîtres , il doit au contraire s’ enflammer
davantage par l’ idée de leur grandeur , & s’ animer
à lutter contt e eux. Ne fit-il que marcher
fur leurs traces, il lui feroit encore glorieux
d’ être vaincu en leur difputant la palme ■, car
celui qui cherche le fublime de,l’ art eft grand
même dans fes moindres parties.
Mais ce qui doit engager à faire de nouveaux
efforts, c’ eft que jufqu’ ici les efforts n’ont pas
été dirigés vers le véritable b u t , & q u e , de
tous les peintres dont nous avons les ouvrages,
aucun n’a cherché la route de la haute perfeélion.
Les Italiens , quoiqu’ ils aient tenu le premier
rang entre lès artiftes, en ont toujours été
détournés par la vanité , l’ indigence ou l’ appas
du gain.
Comme la perfeélion,eft purement idéale, &
ne fe trouve dans aucun individu , il en eft
de même de la beauté qui eft la perfeélion de
la matière confidérée comme figurée & vifible.
L’artifte qui veut produire le beau , doit s’élever
au deffus de cette matière imparfaite, ne rien
faire qui n’ait fa caufe dont il puiffe rendre
raifon, & ne rien fouffrir d’ inanimé. Son génie
doit donner à la matière, par le fecours du