
foibliroit le cara&ère d’une pafliori, fi Pôn 1
adouciffoit les traits, les teintes, les touches
dans les endroits où les mufcles font en con-
traôion : l à , on ne rifque rien de porter d’une
main hardie des travaux, des effets judicieusement
reffentis -, il faut au contraire paffer
légèrement les détails & les accidens de lumière
, affe&er même de ne pas les traiter
d’ un ftyle aufli prononcé , dans les parties qui
font moins intéreflées àf l’ aftion. De cet adroit
ménagement réfultent l’énergie fans dureté,
le caraélère fans manière & l’ expreflion lans
grimace. T e l l’habile déclamateur , pour donner
à fon rôle Famé & le fentiment, jette dans
fesàccens & dans fon gefte leÿ nuances convenables
à fà fituation & au caraftère du héros
qu’ il repréfente.
De férieufes réflexions fur les belles têtes
antiques de Mithridate (*) de Sénèque, d’A lexandre
mourant, de Cléopâtre, d’A rr ie , de
N io b é ,& c .> ; quelques obfervations fur les
mouvemens de la nature, telle qu’on la rencontre
fortuitement dans la fociété, feront, à
cet ég ard, d’ un très-grand fecours pour Far-
tifte . Qu’ il confulte lurtout fon miroir;; qu’ il
étudie d’après lui-même quels fo n t, dans telles
& telles ex préfixons , les mulcles , les traits ,
les tfeintes & les accidens qui cara&érifent la
fituation de l’ame. I l eft rare, ainfi que nous
l ’avons obfervé ’ ailleurs , qu’ un modèle qui
n’ eft affeâé d’aucun fentiment v ra i, préfente
celui que nous reffentous avec autant d’énergie
que nous pouvons l’exprimer, quand nous
Tommes notre propre modèle. Puget fit ; d’ après
fes jambes, celles de fon Milon. Plufieurs
habiles artiftes ont eu recours à de pareils-
.expédions. E n fin , être touché foi-même, c’ eft
le -v ra i moyen de toucher le fpeélateur. t ■
Ne négligeons point de tracer fur des tablettes
les -divers, caraélères que la nature préfente
dans mille occafions. Méfions-nous de notre
mémoire trop foüvent infidélité, & , dés ref-
fburces que l’on?rencontre difficilement, lorf-
qu’ on en auroit le plus de befoin. I l faut
épier les circonftances dont nous pouvons retirer
quel qu’ utilft é , les ; faifir quand elle s fe
préfentent , & craindre de perdre^ par une
négligence irréparable , le fruit des halàrds les
t^usi heureux. îi
'Tâchons'aufli de nous pénétrer du fentiment
de l’ expreflion qui fait l’objet de notre étude,
fbit èn noiis formant l’ image des chofes ab-
fentes, comme fi elles Jétoiertt préfentès à nos
y e u x , foit en nous affeétaiu pat l’ idée vive
<*) L’Auteur parle vraifemb'ablemenc de la belle tête
antique qu’on a cru être celle de Mithridate, Sc qui eft
plutôt une tête de Bac chus.
d’ une fituation que nous avons éprouvée, oir
dont nous, avons vu d’autres perfonnes fingu-*
fièrement touchées« N’oublions jamais que tous
ces mouvemens terribles ou agréables, violens
ou lé ge rs , doivent être naturels, & traites
relativement à l’ â g e , à l’état, au fexe & à la
dignité du perfonnage. Ces nuances, que l’ art
varie fuivant la nature des fituatioivs & le
caraâère des hommes qui s’ y trouvent, font
le chef-d’oeuvre du difcernement, de l’ intelligence
& du goût. Elles ont été l ’objet de
l ’ attention & des recherches que fe font pro-
pofées les Pouflin , les le Sueur, les Lebrun,
les Coypels , les Girardon , îles Pu ge t, les
Côyfevox , les Couftous, & c . Elles font d’une
importance extrême pour arriver au degré d’ excellence
où les grands maîtres ont porté la.
fcience de l’ expremon.
N u .A jf c e s des p a s s i o n s . Je vais
donner ici une, idée de quelques paffions•
principales; je les difpoferai par nuances, &
je fui vrai l’ordre que leur indique la nature.
Je crois avoir le premier établi ces nuances
dans les Réflexions fu r la peinture, que
j’ ai publiées à la fuite du poème de l ’Art de.
peindre. Je ne ferai que répéter ici ce que j ’ai
dit a lors, 8c ce que le public m’a paru recevoir
avec quelqu’ induîgence.
Lebrun a ébauché ce ,'fu jet ; j ’ai emprunté
de ce peintre célèbre ce que j ’ai joint à mes
propres idées.
Les malheurs ou la pitié font ordinairement
la caufe de la trifteffe,
L’ engourdiffement 8c l’annçantiffement de
l ’efprit en font les fuites intérieures,.
L ’affaiffement & le dépérifTemen* du corps
font fos accidens vifibles.
La peine d’efprit eft, une première nuance.
On peut ranger ainfi les* autres :
Inquiétude.
Xegrets.
Chagrin.
Déplaifance.
Langueur.
Abbâttemenr.
Accablement.
Abandon général.
Ad humum, motrore gravi, dedueit 6* angü;
: ,i Hor. de artt poSticiî.
L a peine d’ efprit rend le teint moins coloré^
les yeux moins brillans & moins adifs ; la
maigreur fuccéâe à l’ embonpoint ; la couleur
jaune !$c livide s’empare de toute l’habitude
du c,orps;. les yeux s’éteignent, la foibleffe
fait qu’on fe foutient à peine, la, tête refte
penchée vers la te rre ; les bras,, qui refirent
pendans, fe rapprochent pour que les mains
fe joignent; la défaillance, effet de l ’abandon,
laiffe tomber au hazard le corps, qui., par accablement
enfin , refte a terre etenau,. fans
mouvement, dans l’attitude que le poids a
preferire à fa^chûte. ■ -
Quant aux traits du vifage.,; les. fourcils
s’élèvent par la point® qui les rapprochera es
yeux , prefque fermés , fe fixent vers, la 1 terre »
les paupières abbatues font enflées, le tour.jdes
yeux eft livide 8c enfoncé, les narines s ab-
battent vèrs la bouche , 8c la bouche; élle-
même entr’ouvêrte , baille fes coins vers le bas
du menton; les lèvr-es font d'autant plus, paies,
;que. ! cette -paflion j approche plus dè> fon
période-. Dans la nuance .des regrets feulement,
le s yeux fe portent par intervalles vers le ciel',
8ç [ les; paupières rougesi s’inpndent de .larmes
qui fillonnent le vifage. : *
| Le: bien-être du corps;& le contentement
de l’ efprit produifent ordinairement la joie.
L ’épanouiffemënt de l ’ame l’accompagne; .
Les fuites en font la vivacité de î elprit &
F e m be 11 ifiem.ent du corps. .
Divifons cette partie en nuances : j\ >
; Satisfaction.
Sourire.
-Gaieté.. i. gl
D.émonftrations, comme geftés , chants &
dan fes. . " '
. Rire qui va jufqu’a lft convuîfion*
, Eclats. -, • . f i ..
Rieurs.
Embraffemens. , # -
Tranfports approchans de la folie & refr
femblans à ,l’ivreffe. - r
Les mouvemens du corps étant | comme je
viens de. le dire , des geftes indéterminés,
des danfes, & c . , on peut en varier l’ expref-
fion à l’ infini. La nuance du rire involontaire
a fon expreflion particulière, furtout lorfqu il
devient en quelque forte conv-ulfif : les veines
s’ enflent, les mains s’élèvent premièrement:en
l ’air en fermait les .poings, puis elles fe por-r
t ent fur les cojés, en s’ appuyant fur les hanches
; les pieds prennent une pofition fe rme ,
pour réfifter mieux à l’ébranlement des mufcles.
La tête haute fe penche en arrière;, la
poitrine s’ élève ; enfin, fl le rire continue, il
approche de la douleur. .s
Pour l’ expreflion des traits du vifage ., il
faut en ,d»ftinguer plufieurs.
Dans la fatisfaâion , le front e ft fe re in ; le
fo u rc il, fans mouvement, refte élevé par le
milieu ; l’oeil net & médiocrement ou ve rt,
laiffe voir une prunelle vive & éclatante ; les
narines font tant foit peu ouvertes ; le teint
v i f , les joues colorées & les lèvres vermeilles
: la bouche s’élève tant foit peu vers les
coins, & c’ eft ainfi que commence le fourire.
- Dans les nuances .plus fortes, la plupart de
ces exgreflions s’accrotffent. Enfin, dans le rir^
P A S
,& leê: éclats, les foeroils font élevé« Su côté
des teniDeSj & s’ abbaiffent du côté du nez; les
y e u x , prefque fermés, fe relèvent un peu
par les coins, du même fens que les fourcils;
la bouche; qui laiffe vo irie s dents, s’ entr ouyre
eij retirant les. coins & en les élevant en haut »
i l s’enfuit de là que.l^sf joues fe pliffent, > çn-
flen t, !& furniontent les yeux ; enfin les narines
s’ouvrent ;;i,es:;larmes, par cette contraction
générale, rendent les paupières humides,, oc
le vifage animé fe colore. ^
Parcourons / de même les nuancés que fait
éprouver à l’ame & au corps le mal corpprel
en différens-.dégrés. . . .. - .
La fenfifiilité éft , je crois , la première.
Après elle , viennent
; La fouffrance.
.. La douleur.
; Xes élancemens.
,Les dëchiremens.
Les tourmens.
« XÆS,angoifÇes.
f, :;Le,dé-fefpoir, ■ ; ; i .
. Les fignes . extérieurs de cés affeélipns font
des * crifpations, dans le,$, nçrfs , dès. tr.embie*-
mens , des agitations , fies’ pleurs ', des iptonf-
femens , des lamentations, des c ris?> dés grin-
cemens de dents. Les mains ferrent violemment
ce qu’ elles rencontrent; les yeux arrondis fe
ferment & s’ouvrent avec excès y fe fixent
avec immobilité ; la pâleur fe répand fiir le
vifage ; le nez fe contraéte & 'remonte ; la
bouche s’ouvre ^ tandis ,que lfes dents fo ref»
ferrent ; les : convulfions, l’evanouiflement, 8c
quelquefois là mort en.fontrles fuites. ,
■ L-ame , dans les fouffrancès'extrêmes, parole
éprouver un mouvement de contra&ion : elle
fe re tire , , pour ainfi d ire, 8r. tous lès efprits
fe concentrent. Les efforts qu’elle fait produï-
fent l’égarement ,& le déliré t enfin l’abbatte-?
ment & 1 a perteLae, la. rai fon font naître une
efpèce d’ infehfibiUtè- ,x. . . ,
I I eft une autre,forté., de mouvemens qu’oc-
cafionn.e. le plus ordinairement la pareffe & la
fpibleflè; tant. du. eprps que de l’ efprit. .
C’ eft de-là que nàiflènt :
L’irrélolution. .
La timidité.
L e faifîffement.
L a crainte.
La peur.
La fuite.
Lai frayeur*. . ;
Là terreur.
L’épouvante.
Les effets intérieurs de cette pafjton font
l’ aviliffement de l’ ame , ,,fa honte oc l’égare-1
ment de l’ efprit«
Les effets extérieurs fournifïerit des 'contraftes
dans les geftes , des oppofitions dansles'nvea^