
que la nature" varie les couleurs aux différentes
heures du jour.
: Ainfi les différents rhéâtres que vous'ferez
obligé de choifir demanderont un fyftême différent
de CQuleur. Après avoir établi dans votre
penfée le ton général avant de l’avoit porté
iur la toile, il faut penfer aux nuancés différentes
qu’ exigent les objets divers. Les nuances.
ne font pas les mêmes dans les clairs,
des hommes, des femmes , des enfans : elles !
varient encore dans les différants individus du
même âge 8c du même fexe > fuivant la couleur
qu’ ils ont reçue de la nature', fuivant le
climat qu’ ils habitent y la profeflion qu’ ils
exercent, l’habitude de vivre à l’abri de. l’ air
ou d’être expofés à l ’ardeur du fo le il, à la rigueur
des fai Ions. Ces variétés; de tons doiv
e n t , par des paffages très-doux &„ en quelques
fortes infehfibles , concourir à former la teinte
générale : des paffages plus brufques peuvent
lie r entre eux dés objets inanimés tels que les
métaux , les drapperies ; mais que les plus
fortes difcordances foient par-tout fauvées avec
art & rendent l ’accord général plus piquant,
fans jamais le détruire. |
Les différences qui diftinguent les tons de
deux objets, peuvent être fenfibles , quoique
douces & légères, fi elles font traitées par grandes
maffes : elles échapperaient à l’oe il, fi elles
ne lui étoient offertes que par petites parties.
I l faut" cependant éviter en donnant trop d’étendue
aux nlaffes brillantes , de nuire à l’équilibre
des nuances.
» Les couleurs claires , dit , M. d’ André-
» Bardon , que nous fuivons en général
» ici , parce que les préceptes font po-
» fitifs oc clafliques les cou leurs claires qui
» ont du rapport dans leurs nuances, doivent
» être employées à former les grandes maffes
» de lumière. Les couleurs fourdes qui diffè-.
» rent de ton feront deftinées aux parties
» de demi-teinte 8c à former les paffages ou
» les liaifons d’ un ton à l’ autre. Les couleurs
» vigoureufes qui feront oppotées quoique brunes,
» ferviront à établir les, maffes d’ ombres 8c
» à ménager les contraires dans ces maffes cc.
Elles fuppléeront aufïi , comme nous l’ avons dit,
aux effets que la diftribution générale ne permet
pas de trouve^ -dans le feul jeu des lumières
8c ■ des ombres.
» Chaque corps folide doit tenir fa' maffe
» de couleur fur fon fo n d , ajoute le même
» Profeffeur , & en être détaché d’ une ma-
» niera plus ou moins prononcée à proportion
» qu’ on veut le faire fa illir do la toile , ou
» l’éloigner plus ou moins de Poeii du fpec-
» tateur ».
Quoique la couleur brune piïiffe fupoléer
à l’ ombre & fervir comme elle à interrompre
la lumière , elle peut, cependant entrer
elle-même dans une maffe claire , parce qu’ elle
a les tons lumineux dans- fa partie éclairée.
Il faut feulement obferver que ces clairs foient
fu b Ordonnés à ceux des objets avec lelquels
Ils font contraire. Les couléurs les plus claires
peuvent réciproquement entrer dans les maffes
d’ombre } mais elles n’y ont qu’ une vigueur
lubordonnée & n’y prennent en général qu’un
parti de reflet.
Les chairs & fur tout les chairs délicates doivent
avoir un ton fuâve & tendre -, il faut donc rejetter
les tons fort bruns. C’éft l’exemple qu’ont donné
le Correge 8c Rubens. S i , comme lé Titien &
Paul-Véronefe, on dbnnoit aux ombres des carnations,
des teintes folides & vigoureufes, il faudrait
leur oppofer des fonds plus vigoureux encore
8c les détacher par le ton propre, ou par des bruns
fouillés au - deffoüs des parties que rien ne peut
refletter.
Les effets des couleurs doivent être variés
comme ceux de la lumière. Des objets détachés
en clair fur un fond brun, s’oppofent à des objets
détachés en brun fur un fond c la ir , des figures
colorées à des figures livides & grifâtres, des
grouppes d’ un ton lourd 8c vigoureux à des
grouppes d’un ton brillant 8c argentin.
Des tons colorés peuvent s’ introduire dans
le lointain , mais en ménageant des oppofi-
tions qui les tiennent à leur place. Un ter-
rein clair tient dans l’éloignement une forêt
obfcure, un ombre vigoureufe fait fuir un
temple lumineux, un horizon que le foleil
couchant teint' d’ une maffe de feu , femble
.être loin de l’oeil , parce que les objets qui
occupent les premiers plans font déjà abandonnés
de la lumière. Un objet coloré repouffe
un objet g rifâ tre -, 8c un objet grifâtre un
objet coloré.
Dans les fujets de n u it , les lumières re£-
ferrées 8c aigues né font diftribuées que pa$*
des échappées 8c des échos : les ombres font
larges 8c fourdes, les reflets font à peine, ap-
perçus. La lune colore d’ une lumière argentée
les parties qu’ elle éclaire : mais elle ne
darde pas comme le foleil un fluide lumineux
dont toute la maffe de l’air foit imbibée :
ainft les parties qui ne reçoivent pas fa lumière
immédiate, relient plongées dans une
ombre noirâtre & tranchante.
L a nature réunit les nuances les plus anti-
patîques : l’a r t , émule de la nature, fait concourir
à l’harmonie les nuances les plus discordantes
. Il y parvient en les groiippant de
manière qu’ elles fe mirent les unes dans les
autres, que la lumière ne prête qu’une nuance
prefque femblable aux premiers clairs , 8c que
les ombres ne préfêntent qu’une maffe uniforme
dans fon obfcurité, quoique l ’on y reconnoiffe
toujours la couleur propre de chaque objet.
Tous les objets ont 8c conferyent leur
leur propre. Us doivent être peints du ton que !
leur donne la nature, qui ne pouffe pas tellement
la lumière au blanc , ni l’ombre au
noir, qu’on ne puiffe toujours diflinguer cette
couleur. C’ efl ce que n’ont pas obfervé^ les
peintres dç l’école Romaine 8c leurs imitateurs.
Non-feulement une figure a fa couleur propre,
mais chacune de fes parties a aufïi la fienne.
Des teintes différentes doivent colorer les parties
expofées au fo le il, au fiâle , aux froiffements,
aûx effets d’ une tranfpiration plus abondante.
Certaines parties font revêtues d’une peau plus
fin e , d’autres d’ une peau plus épaifle ÿ la graiffe
n.-’efl pas répandue par-tout avec la même abondance
j le fan g ne fe perte pas par-tout avec la
même fo rce : toutes ces variétés en occafion-
nent dans la couleur 8c doivent être obferyees
par l’artifte-
Plufieurs objets voifins , plufieurs objets
grouppes enfemble, fe mirent en quelque forte
les uns dans les autres, fe reflettent mutuellement
8c produifent des nuances plus belles
que la couleur propre de ces objets en .particulier.
C’ eft ce qu’.on nomme couleur réfle'chië.
De deux tons réfléchis , le plus éclatant communique
de fa nuance plus qu’ il ne reçoit. Une
étoffe jaune prêté aux plus belles chairs un
ton doré fans rien recevoir de leur nuance,
La couleur propre , c’ efl - à - dire , .celle qui
appartient à chaque objet , éft affaiblie dans
les corps éloignés de notre vue par l’air intermédiaire
qui les enveloppe. Nous l’ avons
confidéré feulement comme un corps, en parlant
du cîair-obfcur : nous devons en parlant de la
couleur \ le confidérer comme un corps 1 qui a
fa couleur propre, fa teinte plus ou moins azurée
fuivant que fa maffe a plus ou moins d’épaif-
feur. Il faut donc teindre de cette couleur de
l’air les corps qui en font enveloppés , & rendre
cette couleur d’ autant plus fenfible qu’ ils
font dans un plus grand éloignement. C’efl :
ce qu’ il faudrait convenir d’ appellér la couleur :
locale } puifque. c’e fl la couleur que prend
chaque %bjet par le lieu qu’ il occupe à une
diftance plus ou moins grande du fpedateur.
I l faut convenir que c’ efl- un défaut de préci-
fion dans la langue de l’art, d’ avoir confondu
la couleur locale avec la couleur propre , celle
qui appartient aux objets 8c celle qu’ils doivent
à la diftance où ils font placés. Pour que
les idées foient nettes, il faut que les expref-
fions foient précifes•> 8c que chaque idée ait
fon nom qui n’ appartienne pas à une autre idée.
L ’ exaclitude de l’imitation ne confifte " pas
toujours à donner à la couleur locale la nuance
jiifte de la nature, mais à paraître la lui donner
, & à imiter l’effet de la nature par l’artifice
des oppofitions. En général la peinture
eft un menfonge adroit -, elle efl vraie quand
elle ment affez bien pour fembler dire la
vérité. v > #
Comme le ton le,plus v i f abforbe Celui qui
l’ eft moins, ainfi qu’on le remarque dans le*
reflets , la lumière abforbe en quelque fort©
la couleur des objets 8c leur prête à tous une
nuance prefqu’égale. Conduits par cette obfer-
vation , de grands coloriftes ont imaginé l’ emploi
des,couleurs changeantes, q u i, dans les
premiers c lairs, fe rapprochent au ton de la
lumière qui les frappe. Ce rapport de nuances
dans les jours , n’ eft pas moins effentiel que
l ’uniformité des teintes dans les ombres ; comme
l’ombre conferye la teinte de l’obfcurité, ce
qui eft éclairé porte celle de la lumière. Un
ton-'vermeil régnera donc fur un tableau éclairé
par l’aurore , une couleur dorée témoignera la
prëfencé du foleil , une nuance argentée fera
connaître que c’ eft la lune qui éclairé la Scène,
des lumières rouges feront communiquées par la
clarté d’ un flambeau.
Les matériaux colorans, qu’on appelle aufïi
couleurs? ne s’ employent guere par les, artif-
tes tels que la nature les produit, ou qu’ ils
ont réfulté de diverfes opérations chymiques.
j L’ emploi de ces couléurs fans mélange répand
A de la crudité, à moins qu’elles ne foient nuancées
avec le plus grand art. La vive enluminure
d’ un beau rouge, d’ un beau jaune, ne charme
que les regards du peuple : ' c’ eft à l’artifice
des couleurs rompues , c’ efl-à-dire mélangées ,
que l’art doit fâ féduélion.
.Les couleurs brillantes ne peuvent donc s’ employer
que dans le s malles dé lumières : encore'
exigent-elles des ménàgemens judicieux.
Elles font exclues des demi-teintes, des ombres
8c far-tout des reflets. On n’ y doit employer
que les couleurs rompues ? q u i , dans, la langue
des atteliers fe nomment couleurs fans couleurs.
On leur a donné ce nom, pareequè, dit D’André
Barde n , elles ne doivent pas être formées
de deux teintes entières, capables dé produire
une couleur capitale, quoique formées de deux
tons rompus l’ un par l’ autre.
De ces mélangés réfultent les couleurs tendres
8c les couleurs fières.
Les couleurs tendres font formées des couleurs
les plus douces, & les plus amies., c’ e fl-à -
dire de celles qui ont entre elles le plus parfait
accord. L es 'couleurs fières font produites du
mélange de couleurs lottes &: quelquefois d iscordantes,
& produifent, dés nuancés vigôureu-'
Tés. ' Les Couleurs tendres fé réfervent pour lés
plans reculés , les Couleurs vigoureufes ont
leur place aux premiers plans. Les unes 8c
les autres doivent être fi bien unies , qu’ elles
ne produifent enfemble qu’une nuance générale
qui forme l’harmonie. ‘
' Les couleurs trànfpannies font ainfi nommées
I parce qu’ elles ouvrent un paffagé a la lumière,
X ij