
tits ; s’il s’ arrête, fes jambes font un peu écartées
l ’une de l’autre. Cetté attitude V it celle des
femmes > & elle peint la douceur de leur fexe.
Un tête inclinée & tombante fur là poitrine,
des lèvres ouvertes, qui abandonnent le menton
à fon poids naturel, des yeux dont la prunelle
eft prefque cachée fous la paupière, des
genoux pliés , un ventre avancé, des brais tombant
le long du corps^despi.eds tournés en dedans,
ne permettent pas de méconnoître un ame molle
8c pareffeufe, incapable détention & d’intérêt,
qui n’ eft jamais bien éveillée , & qui ne pcffede
pas même la foiblé énergie,qui donne aux
mufcles la tënfion nécefiaire, Sc qui fait que
le corps fe foutierit en portant convenablement
fes membres. Cette attitude inanimée eft cèllë
de la parfaite imbécillité ou de l a pâreffe la
plus lâche.
Mais retirons l’homme de l’inaélion. Sup-
pofons que quelque chofe l’ invice à déployer
fon a&ivité extérieure : il fera Gonnoître fon
intention même avant que cette aélivité fe
manifefte. I l en préparera le développement
p rog re ffif, & l’on s’apperoevra qu’ il difpofe
fes membres à obéir au premier lignai de l’ame.
L ’attitude la plus nonchalante e f t , .pour le corps
aflis , de l’appuyer à demi couché en arrière >
de mettre les bras croifés dans fon fein , de
jetter un genou fur l’autre , ou de retirer les
pieds en arrière en croilant les jambes. Ainfi
le dernier temps de l’attitude tranquille, celui
qui tient le plus immédiatement à la prochaine
aélivité, eft de redreffer le corps en le
dirigeant vers le nouvel objet qui intéreffe ,
de placer dans une pofition plus droite lés
pieds féparés & affermis fur la terre , de féparer
auffi les mains, de les pofer lur les genoux ,
& de difpofer, par ces préparatifs, le corps à
fe le ver & à entrer fur lé champ en aélion.
S’ a g it-il de confidéret un objet , ou de
prêter fon attention à des difcours intéreffans ;
on fe tourne vers celui qui parle , ou l’on
avance la tête vers l ’objet : le corps fe met
dans un état qui annonce la volonté d’entrer
en aélion : l’ame patte, pour ainfi. d ire , dans
l ’organe qui lui tranfmet des idées intéreffantes,
foit celui des yeux , foit celui des oreille s,
& dans cet é ta t, toutes les forces extérieures
fe réveillent à la fois.
Les réflexions ou le raifonnement ont fou-
vent pour caufes les pallions ; c’ eft d’ elles que
le g elle reçoit Tes modifications , fes dégrés de
• chaleur, fes tranfitions, fes repos plus ou moins
marqués. Toutes ces nuances doivent être pui-
fées dans les qualités de chaque pattion.
Quand l’homme développe fes idées avec
facilité , fa marche eft plus libre , plus rapide ;
fa direélion , fon dégré de viteffe font plus
uniformes. Quand la férié des idées fe prér:
lente difficilement, le pas devient plus le n t ,
Jilus embarraffé. Qu’un douta impartant s’ élêva
loudain dans l’ eiprit *, la marche eft alors en-
tierement interrompue , on s’arrête tout cour;.
Dans les fituations où l’ame héfite entre des
idées difparates , & trouve par-tout des obfta-
cles & des difficultés ; lorfqu’ elle n’ atteint
qu’ imparfaitement chaque fuite d’ idées qu’ elle
pourfuit ; quand elle patte rapidement d’une
idée à une autre qu’ elle abandonne également
bientôt; alors la marche irrégulière, fans uniformité
, fans direélion déterminée , fe coupe ,
fe croife en tous fens. Delà cette démarche
incertaine qu’on remarque dans toutes les af-
feélions de Taine , où elle eft balancée par
l ’incertitude entre différentes, idées, mais fur-
tout dans ces terfeurs qui tourmentent la conf-
c ience, & dont elle cherche .vainement à fe
délivrer.
Le jeu des mains eft modifié de la même
manière que la marche ; lib re , aifé , facile
quand les idées fe développent fans effort 8c que
l ’une naît fans difficulté/de l’ autre-, inquiet
irrégulier , fi la penfée eft arrêtée dans fa marché
, ou pouffée vers des routes différentes &
incertaines : alors les mains,s’agitent dans tous
les fens , & fe meuvent fans deffein, tantôt
vers la poitrine, tantôt vers la tê te ; les bras
s’entrelacent&fe déployent. Du moment qu’une
difficulté fe préfente, le jeu des mains s'arrête
entièrement. La main étendue fe replie fur
elle-même & fp rapproche de la poitrine, ou
les bras fe croifent l’un fur l’autre comme
dans l ’état d’ inaélion. L’oeil qui, de même que
la tê te , avoir des mouvemens doux & faciles
tandis que la penfée fe développoit avec fa cilité
; ou qui erroit d’un angle à l’ autre
lorfque l’ame s’égaroit d’idées en idées -, regarde
, dans cette nouvelle fituation , fixement
devant lu i, & la tête fe jette en arrière, ou
tombe,fur la poitrine, jufqu’à^ ce qu’après le
premier choc du doute , s’il m’eft permis de
m’ exprimer ainfi,- l’aélivité fufpendue reprenne
fa première marche.
i l eft à remarquer que le corps ne garde
jamais la même pofition , quand les idées
changent d’objet. Si la tête étoit d’abord tournée
vers la droite, elle fe portera enfuite vers
la gauche., I l fe pourroit que dans cette variété
de fituation, il fe mêlât obfcurément un
deffein dont on ne fe rendît pas compte à foi-
même. I l eft certain du moins que celui qui
veut donner un autre cours à fes idées, faie
très-bien de changer auffi les impreffions ex térieures
auxquelles il n’a que trop fixé fa penfée
même fans le vouloir. Certain favant étoit
dans Tillage de fe fauver 9 avec fon pupître ,
dans un autre coin de fon cabinet , des que
le travail ne lui réuffiffait pas à la première
place où il s’etoit d’abord établi..
Un homme qui vient de trouver une idé#
a -laquelle il croit beaucoup de finette, prend
le gefte 8c la phyfionomie de la finette pour s’applaudir.
Un homme à qui fe préfente une idée
chagrinante , fait pour la repouffer le même
gefte que s’ il vouloît chaffer un objet importun
qui voltigeroit devant lui : fi cette idée, eft
affrenfe, fon gefte eft celui'qu’ i nfpii-.e un fenti-
ment d’horreur. En repouffant l’ idée de la main,
il jette la tête du côté oppofé , fe couvrant
même les yeux de l ’autre main , & faifant
quelques pas pour prendre la fuite. Des idées ,
oélàgréables , que la bouche rejette avec un
non répété, font en quelque forte chaffées par
la main qu’on agite de côté & d’autre.
Se préfente-t-il à l’efprit de l ’homme qui
médite, des idées plus importantes que les autres
; fon regard acquiert de la v iv a c ité , fes
fourciîs font attirés vers les angles du nez ,
& le front fe couvre de plis. Quelquefois
l’çeil fe rétrécit, afin de mieux concentrer les
rayons vifuels , comme .lors qu’on veut examiner
un objet d’une grande finette ou placé
à une grande diftance. Quelquefois , comme
pour impolër filence à toutes le,s idées étrangères
à celle dont on veut s’occuper, on pofe
l ’ index fur les lèvres fermées. D’autres fois
on pofe le bout du même doigt fur le milieu
du front, au-defliis de l’ entre-deux des fourciîs ,
comme fi le point qui femble être le fiége de
l ’ attention avoir befoin d’ être affujetti. Dans
une grande^xontention de la penfée , on fe bouche
les yeux , on fe couvre le vifage des deux
mains, parce que les opérations intérieures s’é-
xéçutent d’ autant mieux , qu’elles ne font pas
troublées par les impreffions extérieures dès fens.
. D e \zpantomime infpirée par la penfée, paf-
fons à celle qui eft infpirée par les affeâions
de l ’ame.
On peut appeller affèélion toute aélivité de
l’ame caufée par un degré fenfible de plaifir
ou de peine.
Le rire eft une affèélion de l’ efprit qui n’a
d’autre nom "que fon effet. E lle fe mêle quelquefois
à d’autres affeélions, comme au mépris
dans le rire ironique; à la h aine, dans
-le rire amer & Sardonien. Quand elle eft
fimple, elle eft excitée par la gaieté que
caufe l’ obfervation de petits défauts innocens,
de contraires inattendus, de difpofitions dont
on eft fubitement frappé, de petites erreurs
qu’il eût été facile d’é viter, de foibles accidens
dont on ne peut craindre les fuites. Les geftes
de cette affèélion appartiennent tous à la phy-
fiologie & font affez connus.
Dans Vadmiration, le corps répréfente l’ ex-
panfion de l’ame qui veut fàifirum grand objet
dont elle eft occupée. La bouche & les yeux
font ouverts , les fourciîs font un peu tirés 'en
h aut, les bras font à la vérité plus voifins du
corps que dans le défir v i f oc animé ; cependant
ils font tendus ; d’ailleurs le corps
& les traits du vifage font en repos. Les geftes
de cetté affeélion lui font parfaitement analogues
& imitent les meuvemens de l ’ame. L’oeil
s’aggrandit , parce que l’ame voudroic attirer
de l ’objet autant de rayons qu’ il eft poffible ;
il eft immobile , parce que c’eft par lui feul que
l’ame peut fe raffaffier de ce qu’ elle admire. Les
bras font étendus dans le premier moment, parce
que c’ eft fur-tout en ce premier moment que
i’ame s’ efforce à faifir l’objet dont elle commence
à jouir. Çe premier inftant patte , les bras
retombent doucement & f e rapprochent du corps.
L’admiration du fublime produit des geftes
différents , mais également analogue au lènti-
ment qu’on éprouve. L’oeil eft ouvert, le regard
é lev é , toute la figure de l’homme fe redreffe :
cependant.les pieds, les mains & les traits
du vifage font en repos; ou fi une main ,
ou même toutes les deux font mifes en mouvement,
elles ne fe portent pas en avant, comme
dans la fimple admiration, mais en haut.
Lorfque ce font des forces corporelles extraordinaires
que nous admirons, alors une ef-
pèce d’ inquiétude intérieure agite dans notre
corps des forces qui y font analogues, lu étonnement
, qui eft feulement un degré fupérieur
de Vadmiration , ne différé de c elle -c i qu’en
ce que tous les traits que je viens d’indiquer
font plus cara&ériftiques : la bouche eft plu*
ouverte, le regard plus fix e , les fourciîs plus
élevés , la refpiration plus fortement retenue;
elle s’ arrête même tout à coup, ainfi que la
penfée , à la vue d’un objet intéreffant qui
fe préfente d’une manière foudaine à nos yeux.
Un fuccès, peu important, 8c feulement
contraire à notre attente, caufe une furprife
qui fe manifefte communément par un léger
fourire mocqueur; fi le contrafte entre la
chofe 8c l ’idée qu’on s’ en étoit formée eft
au défavantage de la première , le fourire peut
être amer. Si l’on prenoit un v i f intérêt à l ’événement,
& que l’attente foit fubitement
trompée, les yeux 8c la bouche s’ouvrent ,
les bras tombent, 8c toute la machine du
corps femble être affaiflee par la nouvelle
qu’on reçoit.
Dans une furprife violente, toutes les facul-
tés*corpore.lles; & intelleéluelles font enchaînées
par l’objet qui la caufe ; il ne refte à Taine
aucune penfée étrangère , pas même celle d’un
changement volontaire de la pofition du corpsr
l’homme refte dans laTuuation où il fe trouve r
comme les malheureux qui étoient pétrifiés par
la tête de Médiife.
Le defir eft lufceptible de modifications très
variées. Une . de ces. modifications , c’eft celle
où l’ homme fent une privation fans en démêler
ou connoître l’ objet ; celle encore où il ne connaît
l’objet que d’une manière vague ; ou en