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mettant les raccourcis dans des figure* Réo rdonnées.
Prenez la belle tête de l’ Apollon du Vatican
ou de la Vénus de Médiçis : pofez-la de manière
que vous n’ en , voyez guere que le deflous •
du menton, les narines , une partie du front.
faites-en le dellin le plus précis : ce deflin :
pourra être fort favant, mais la tête ne fera
plus belle.
Choififlez dans la nature le plus beau bras,*
pofez-le de manière qu’ il fe préfénte dire&e-
ment à la hauteur de votre oe il, & faites-en un
deflin *, ce bras ne fera plus beau.
Mais changez la pofe, ou placez-vous de
manière que vous voyez ce, bras bien développé;
vous pourrez alors en faire un deflin
digne de plaire;
Toutes, les fois que les avtifbes travailleront
pour le petit nombre des hommes qui peuvent
juger la fcience, & non pour le grand nombre
de ceux qui font fenfibles à la beauté,
ils ne trouveront qu’un petit nombre d’approbateurs.
L’artifte eft obligé d’acquérir toute la fcience
& toute la manoeuvre de fon art : mais comme
ces. acquifitions lui ont coûté beaucoup de
peine, il eft porté naturellement à en faire,
un faftueux étalage , & même à les regarder
comme fon principal objet: cette difpofition
lui fait fouvent oublier le véritable but auquel
il doit tendre.
L’artifte favant recherche les applaudifle-
mens des artiftes qui en fa vent à - peu - près
autant que lu i , & méprifë le public qui ne
fait rien: mais c’ eft à ce public qu’ il doit
plaire.
De toutes les fciences qui tiennent à l’art ,1
celle d’ exprimer lé beau eft fans doute lai
plus difficile, puifqu’un fi petit nombre d’ar-
tiftçs l’a pofledé.
Pauci quos ce quus amavit.
Juppitér.
( Article de M . L e v b s q u e . )
M. de Jaucourt,' auteur de l’ article ordonnance
dans l’ ancienne Encyclopédie , diftingue
avec ra}fon deux , fortes de compositions, d’où
réfultent aufli deux différentes fortes 8 ordonnances.
Dans la première forte de compofition ,
qu’il appelle pittorefque, l’artifte s’occupe de
Vordonnance des objets par rapport à l’effet,
général du tableau; dans la fécondé, qu’ il
nomme poétique, l'artifte cherche furtour à
rendre plus vraifemblable & plus touchante
l ’aâion qu’ il veut repréfenter.,
Nous nous contenterons, ajoutp-t-il, .'de
remarquer ici que lç talent de, la çompbûtion
poétique, 8c le talent de la ç.çjnpofition pittorefque
font tellement fépàrés', qu’on cono
, R I ■ '
nolt des peintres excellens dans l’ une & quï
font gromers dans l’autre. Paul Véronefe, pat
exemple, a très bien réufli dans cette partie
de l’ordonnance que nous appelions compofition
pittorefque. Aucun peintre n’a fu mieux
que lui bien arranger fur une même fcèrie
un nombre infini de perfonnages, placer plus
heureufement Tes figures, en un mot bien remplir
une grande to ile , fans y mettre de con-
fufion : cependant Paul Véronefe n’a pas réufli
dans la compofition poétique ; il n’y a point
d’unité d’ aélion dans la plupart de fes grands
tableaux. Un de fes plus magnifiques ouvrag
e s , les noces de Cana, qu’on voit au fond
du réfeélpiré du couvent de Saint Georges à
Venife., eft chargé de fautes contre la poëfie
pittorefque. Un petit nombre des perfonnages
innombrables dont il eft rempli, paroît être
attentif au miracle de la çonverfion de l ’eau
en vin qui fait le fujet principal, & perfonne
n’ en eft touché autant qu’il faudroit. Paul
.Véronefe introduit parmi les conviés des R e ligieux
bénédiélins du couvènt pour lequel il
travaille. Enfin fes perfonnages font habillés
de caprice, 8c même il contredit ce que nous
favons pofitivement des moeurs & des ufages
du peuple dans lequel il çhoifit fes a&enrs.
Comme les parties d’ un tableau font placéés
l’une près de l’autre, & qu’on en voit l’en-
femble du même coup d’oeil, les défauts qui
font dans P ordonnance nuifent beaucoup à l’ cffer
de fes beautés.
O R IG IN A L . ( ad ) Un tableau original,
une ftatue originale, c’ eft-à-dire un tableau,
une ftatue pour lefquels l’ auteur n’a eu d’ autre
modèle que la nature & fon imagination*
On prend aufli ce mot fubftantivement, &
i alors on l’oppofe au mot copie. » I l eft: quel-
» quefois très-difficile de diftinguer une » copie de Voriginal. Voyez l’article Copie.
Le mot original ne s’emploie qu’ en parlant
d’un, ouvrage de l’a rt, & non d’ un modèle
qu’offre la nature. rLes artiftes ne difent pas
qu’une académie rend bien Voriginal pour
fignifier qu’elle rend bien le modèle vivant
d’après lequel on l’a faite. Ils ne difent pas
qu’un portrait reffemble bien à Voriginal, pour
exprimer , qu’ il eft reflemblant à la perfonne
qu’ il repréfente. Quan ils s’énoncent àinfi , ils
veulent faire entendre que l’académie, ou'le
portrait s’accorde bien avéc une autre académie,
ou un autre portrait dont l’ôUvràge qu’ils jugent
n’ eft. qu’ une copie. Lorfqu’ un maître copie
lui-même tin de fes ouvrages, ce fécond
ouvrage ne. fo nomme pas une copie mais
un double y & il confervé fon rang entfe les
originaux. - Uhe eftampe faite d’après I un. tableau
ou iiri deflin eft-originale. Une1 eftampe
faite d’après une autre eftampe, eft urté copie.
O R IG IN A L IT É
O R I
O R IG IN A L IT É . ( fubft. fera. ) Qualué par i
laquelle un homme le diftingue des autres I
hommes, & un artifte des autres artiftes, par
des traits de cara&ère qui lui font propres.
Quand un artifte fait b ie n , en dédaignant de
marcher fervilement fur les traces des autres;
quand le caractère particulier qu’ il imprime a
fes ouvrages, eft pour l’ art une nouvelle ac-
quifition , une nouvelle richefle, fon originalité
eft louable, & prend même le nom de
génie. Quand il ne s’écarte de la voie commune
que pour s’ égarer, quand il fait moins
bien que les grands maîtres, en piquant,
de ne pas faire comme eux , fon originalité eft
v icieufe , & prend le nom de bifarrerie* ^L. )
O R IG IN E Naturelle de la peinture \ Si
l ’on cherche l’ origine naturelle ou effentielle
de la peinture, je veux d ire , celle qui eft
fondée inaîtérablement fur la nature de l’homme
; & fi l’on veut appercevoir la deftination
univerfelle & également inaltérable de cet
art, il faut examiner quels font les befoins
& les penchans univerfels de l ’homme , foït qu’ il
vive en petites fociétés, loit que réuni à un grand
nombre, il devienne membre de ces affembla-
ges immenfes qu’on défigne par les noms de
peuples & de nations. Il faut encore obferver
en parcourant l’ hiftoire , qu’ il eft des ^inf-
titutions remarquables, en ce qu’-elles s’eta-
bliffent dans quelque forme de focîété que les
hommes vivent.
I l e ft néceflaire. enfin de reconnoître que
les arts libéraux , au nombre defquels la peinture
, colledivement avec plufieurs autres
branches du deflin, fe trouve comprife, font
des langages, & effentiellement les langages font
des inftitutions attachées à l’état de lociété in-
difpenlable à l’ homme. Je crois avoir ouvert
le premier la route qui peut conduire à ces
notions intéreffantes : fi ce fujet eft au*deflus
de mes forces, des efprits plus éclairés que j
le mien re&ifier6nt mes idees, ou leur donne-
ront l’étendue 8c la clarté neceflaires,
L’ hiftorique de la peinture confifte dans quelques
fragmens que les hommes ftudieux ont
recueillis & raflemblés en lifant les écrits des
anciens , & en appuyant fur les monumens * i
( * ) O n Tappeccevra que cet article aaroîe eu befoin
d’ être éclairci &c retouché par l ’auteur : mais près de fa
fin , quand i l le c om p o fa , i l lu i reftoic le befoin & non
la force de produire .* la défaillance de fon corps nuifoit
i la netteté ^de fo n e fp r it , Sc il ne pouvoir êtrè févère
pour lui-même. C e m o rc e a u , rempli de vues ingénieufes ,
e ft fo n dernier ouvrage , & piefqu’au x derniers inftans
de fa v ie , i l écrivit encore quelques lignes qu’ il avoir
defiein d’ y p la c e r , & dont on n ’a pu faire wfig e. JB eaux-Art s. Tome I»
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antiques qui exiftent encore , lês connoif- #
fances qu’ils y ont puîieçs.
Ces témoignages prouvent effectivement
d’ une manière indubitable , que la peinturé,
ainfi que les arts qui ont des rapports avec
e lle , remonte à-peu-près, à ce que nous nommons
une grande antiquité.
Cependant il faut obferver qu’ il ne refté
que des fragmens des peintures les plus
anciennes, & un nombre |>lus confidérable, à
la vérité, de tableaux déterrés de nos jours
dans les ruines d'Herculanum , mais dont la plupart
font altérés. D ’où il réfulre que l’hiftorique
de la peinture & les monumens de cet art que
nous pofledons, font aflèz inutiles aux progrès des
modernes & à l’ inftruélion des artiftes ; ils
font même infuffifans pour contenter la curiofité
raifonnée des efprits qui compareht ces frag-
raens de travaux de deux ou trois nations anciennes
feulement avec la malfe générale des
hommes, avec le nombre de peuples, q u i ,
depuis fi longtemps, couvrent fucceflivement les
differentes partios de la te rre , & avec la
fômme des temps, qui paroît à ceux qui la
confiderent philofophiquement, ce que paroît à
un Navigateur au milieu d’une mer immenfe,
l’étendue des eaux qu’ il croit fans limites.
Au re fte , les favans qui ont parlé le plus
des arts, & je penfe qu*on ne peut guère1
nommer que P lin e , n’ ont pu fans doute donn
e r, faute de matériaux, plus d’étendue qu’ ils
ne. l’ont fait aux notions hiftoriques qu’ ils
nous ont tranfmifes.
L’Art du deflin. eft la bafe & le principe
de la fculpture, de la peinture & même de
l’architeélure ; mais je dois me reftreindre à
la peinture & à lafoulpture, confidérées com-.
me provenans de l’art du deflin.
Quels font donc les élémens de l’art du
deflin? le ledeur avec un peu de réflexion
répondra en me. prévenant :
Les élémens de l’ art du deflin font des lignes
droites, courbes, de toutes les elpèces
& de toutes les courbures poflibles , q u i,
employées avec attention, avec adreffe, avec
intelligence, 8c combinées entre e lle s , parviennent
à imiter les formes des objets naturels
& vifibles. Je me ferai maintenant une
fécondé queftion plus embaraflante, fur la
réponfe de laquelle je ferois furpris d’ êrre
prévenu y parce qu’ elle fuppofe & exige des
obfervations. La vo ic i;
A quoi tient en nous, que tous les hommes
apportent en naiflant la faculté & la nécefiité
de créer les arts ? à quoi , d is-je , tient dans chaque
individu le penchant déterminant de tracer
ces lignes & ces traits imitatifs qui conftituent
| l’art du deflin? Après avoir obfervé 8c réfléchi,
D d d d