
meté en rentrant & nourriffant lés tailles juf-
qu’ à ce qu’ elles foient parvenues au ton né-
ceffaire. La première maniéré femble la plus
propre à Rendre un grand nombre de maîtres
moaerhes de l’école Françoife qui ont cherché
le ragoût -, la fécondé à rendre les tableaux des
anciens maîtres de l'Ita lie qui ont plus recherché
la fermeté. Puifque la gravure ëft une
manière de traduire, elle doit rendre la fermeté
ou la molleffe, l’auftérité ou le ragoût des ôri-
ginâux.
Les étoffes groffières feront bien rendues fur
les lumières & les demi-teintes par de petits
travaux combinés de butin & d’ eau-forte qui expriment
la furface ‘Velue de ces étoffes ; quelques
uns de ces travaux feront rappelles dans
les ombres. C’ eft en cette occafion qu’on pourra
placer, jufqués dans les parties obfcures des
points de toute efpèce, & des tailles courtes
qui tiendront lieu de troifième ou de quatrième,
ou qui feront même capricieufèment placés^
C’ eft: là' que les tailles des ombres , établies
avec peu d’égalité , acquerront le repos riécef-
faire à l’obfcurité par ce mélange de travaux en
défijrdre.
Mais les étoffes de foie peuvent être réler-
vées au burin ; ou fi l’on prend le parti de les
établir à l’ eau-forte, les tailles doiverit I être
fermes, propres, égales, n’offrir aucun tremblement
, & n’être pas trop mordues , afin que
le burin puiffe les reprendre comme s’ il fes
créoit lui-même. On leur donne l’éclat de la
foie en partie par le piquant des lumièfes, &
en partie par le moyen des entre-tailles. Quelques
graveurs, lans-recourir aux entre-taillés ,
ont fu donner à leur travail tout l’éclat des matières
brillantes.
On peutaufli employer les entre-tailles pour
les métaux polis ; mais on rendra peut-être encore
mieux leur fermeté par une feule taille
ferme , nourrie & ferrée : les lumières étroites
tk piquantes achèveront d’ en exprimer le caraélère.
Le verre eft brillant comme lés métaux -, mais
on exprime fa tranfparerice en lé gravant d’ un
travail plus fubtil, en laiffant voir lés fubftances
qu’ il contient, & en confervant dans le travail
quelques »unes des formes des objets qui font
derrière lui , & qui .s’ affoibliffént en proportion
de l’épaiffeur du verre.
Les eaux tranquilles fe gravent par des tailles
droites & horizontales. Les^objets qui s’ y peignent
fe repréfentent par des entte-tailles., par
le renflement des tailles principales, & quelquefois
par des fécondés beaucoup moins ferrées
que les premières.
Les grandes lames d’ unemeragitée s’ expriment
par des tailles qui fuivent le fens de ces lames.
On y peut gliffer des entre tailles parce que la
mer offre alprs l’apparence d’ un métal en fufion.
L’eftampe de Balechou reprélentant une tem>
pête eft une bonne leçon pour cette partie , &
elle a été fui vie avec fuccès par W collet &
d’autres habiles graveurs.
Quand on fe propoferoit même de graver une
eftampe au burin pur , .il y a des objets qu’ il
feroit bon d’ébaucher à Teau-forte , tels font
lés brocards d’ôr , les contours des grandes fleurs
des étoffes, les franges , les tapis, & à plus
forte raifon le feuillé des arbres & d’autres partie
l du payfage.
• Les roches dures feront bien rendues par lé
burin ; les roches de pierres molles feront mieux
caraélérifées par l’ eau-forte , que le burin lui-
même doit imiter en les terminant.
C’eft le tableau qui indique le procédé par
lequel il fera plus convenable de le graver. La
manière libre d’ un grand tableau d’hiftoireiindique
au graveur l’ emploi de la pointe , &
femble lui prefcrire même d’avancer fort ébauche
à l’ eau-forte. La manière fin e , détailléè
& très-terminée de certains tableaux de chevalet
peut faire donner la préférence au burin pur ,
quoique ces tableaux repréfentent desfujets hifV
toriques ; fur-tout fi l’auteur y a fait dominer
les étoffés, de fo ie , les métaux , tous les objets
enfin qui femblent réfervés de préférence au
burin, & principalement s’ il a plus affeélé le
précieux que le ragoût du pinceau.
1 Le portrait eft un genre particulier qui exige
une manière de graver qui lui foit propre. Le
peintre d’hiftoire eft cenfé être lui - même le
fpeéèateur d’ une fcène qu’ il porte fur la toile.
I l eft à une jufte diftance de cette fcène pour
ën embraffer toutes les parties. I l n’ eft pas
fuppofé aflez près des figures pour faifir tous
les détails des traits qui forment la reffemblance
individuelle ; il ne voit bien que la phyfiono-
mie , les traits caraélériftiques & l’ expreflion
des affe&ions de l’ame. Comme la diftance efface
les petits détails à fes y e u x , comme il les àp-
perçoit moins que les maffes , il peint largement
& il doit être gravé de même. Ces détails
qu’ il néglige font recueillis par le peintre de
portraits ; ils lui deviennent précieux lorfqu’ils
contribuent à la reffemblance de fon modèle 4
il s’ ën tient affez près pour ne- les pas laiffer
échapper, & voit ce que le péintre d’hiftoire
n’a pas dû appercevoir. Sa manière eft dons
moinà large , parce qu’ il voit moins largement
lès objets; il diftingue nettement des formes,
dès tons q ü e -lé peintre d’ hiftoire eft cenfé
n’avoir par même apperçus ; il les porte lur la
to ile , & il doit être gravé comme il a peint.
Malgré les exemples de beaux portraits gravés
avec fuccès à l’ eau-forte , on peut convenir que
pour rendre cette manière moins libre le burin
doit être préféré, parce que cet inftrument eft
moins libre lui-même , & parçe que fa marche
plus lente lui permet mieux de s’occuper des
détails.
■D’ailleurs , comme le peintre de portraits détaille
8c termine puis fes têtes que le peintre
d’hiftoire , il ne feroit pas d’ accord avec lui-
même s’il né terminoit pas aufli davantage fes
draperies. Ajoutons, comme nous l’ avons dit
a illeurs, que le peintre d’hiftoire, s’il eft fidèle
au comiîtie | a rarement l’occafion de venr
fes figures d’étoffes de fo ie ; mais le peintre de
portraits a chaque jour occafion de revêtir les
fiennes dus plus^ belles étoffes , de repréfentèr
des métaux précieux, des broderies , des perles ,
des pierres fines , de riches ameublemens, 8c
nous avons déjà dit que ces objets brilians font
mieux traités dans leur caraélère par le burin,
dont la coupe eft brillante elle-même , que
par l’eau-forte.
Le graveur de portraits ébauche par plans ,
avec autant de foupleffe- que de précifion , lés
parties ombrées de la tête , paffe aux détails des
demi-teintes', choifit un travail affez fin pour
ne laiffer échapper qu’ un très-petit nombre de
ces détails ; 8c comme il'en trouve encore d’ ef-
fentiels à la parfaite reffemblance fur les parties
éclairées, il ne laiffe de blanc que le point le
plus vivement frappé de la lumière..Pour s’approcher
par des nuances infenfibles & harmo-
nieufes de ce point lumineux '> i f grave fes demi
teintes les plus légères avec des points longs,
8c , s’ il a befoin de les reprendre pour ajouter
à leur couleur, il les rentre du même côté
qu’ il les a établis, eflforte que leur côté aigu
fe, rencontre avec le travail qui eft fait en taillés,
& en eft la continuation. Quelques-uns de ces
points fervent même d’entre-taülés &&x travaux
qui en font les plus Vbîfins , afin de ne
point paffer bmfquement d’ un travail à un travail
tout différent: Cës points peuvent être regardés
comme des tailles interrompues ; ceux qui com-
pofent une même taille laiffent donc un peu de
blanc entre eux ; & fi le blanc laiffé par uné
taille en points , fe rencontroit avec le blanc
de la taille qui eft.au-deffus, & de la taille
qui eft au-deffous , il en réfulteroit une ligne
blanche qui nuiroit à l’ouvrage. 11 faut donc
que ces points rentrent les uns'dans les autres
par digitation , c’ e ft-à-d ire, comme rentrent
les uns dans les autres les doigts ouverts des
deux mains , & que le milieu d’un point foit
oppofé à. l’ extrémité du point fupérieur & du
point inférieur , comme les briques fe rangent
plein fu r jo in t dans l’appareil des bâtimens.
Quoique, dans de très-belles eftampes, ces
points femblent établis avec une grande liberté
, ils exigent beaucoup d’art.
Pour qu’ il- y ait de l’accord dans le travail ,
tous les aceeffoires doivent être gravés avec le
même foin, la même propreté que la tête, excepté
dans les parties . qui demandent à être Beaux-Arts. Tome / .
facrifiées. Dali leurs la manière de les traiter
rentre dans les principes que nous avons déjà
établis. On obfervera feulement que tous les
aceeffoires d’un portrait étant plus détail lés que
ceux d’ un tableau d’ h iftoire , ils veulent être
gravés d’une manière moins ferrée. La manière
large dont F r e y , W a gn e r, MM. Srrange ,
Bartolozzi, Sfc. ont traité les draperies , feroit
peu convenable aux étoffés d’ un portrait.
Quoique ce foit de la tête que nous avons
parié d’abord, ce n’ eft pas ordinairement par
elle que commence le graveur. I l ébauche
avance auparavant les fonds, les aceeffoires ,
<$c rélerve pour fon dernier travail les chairs, les
linges , les dentelles & les travaux les plus délicats.
Ce procédé eft même néceffaire ; car s’il
commençoit par graver les parties qui exigent
le plus de fineffe dans les travaux, il les ter-
n iro it, les fatigueroit , les uferoit même parle
frottement de fa main , par celui de l’ébarboir,
parle fréquent nettoyement de la planche , & c .
I l arriveroit que , pendant le long travail de
la g ra vu re , les parties • délicates* iëroient plus
fatiguées par ces opérations répétées que parle
tirage d’ un millier d’épreuves. I l y a même des
graveurs qui , par tous ces moyens, ufent leurs
planches avant qu’ elles foient finies.
Ce que nous avons dit de la gravure des
portraits , fe rapporte à la pratique moderne
que les graveurs appellent par excellence la manière
dit portrait , quoiqu’ il puiflé y avoir des
manières non moins heureufes de le rendre.
On fen t, par les détails dans lefquels nous
l’ommes entrés , qu’ elle eft voifine de la froideur
: mais les Bolfw ert, les Vorfterman , les-
Pondus ou Dupont, les Pierre de Iode , les
Hondius , ont gravé avec chaleur les plus beaux
portraits de Vandyck. Infpirés par fes tableaux
de ce maître faits avec le plus grand art , mais
avec autant de feu & de facilité , ils laiffoient la
lumière large fur la tête , 8c fans compter , fans
careffer leurs travaux , ils exprimoient la forme'
de la charpente , le mouvement des chairs , le
chryftalin des yeux avec autant de vérité que
d’aifance. On ne remarque pas s’ ils ont fait de
belle gravure ; eux-mêmes ne paroiffent pas s’ en
être occupés , & ils ont fait en effet de la gravure
excellente , puifqu’ eîle femble la plus propre à
rendre ce qu’ ils voûtaient exprimer. On voit
dans leurs portraits un caraélère de vie qui fe
trouve bien rarement dans ceux qui ont été
faits avec un foin plus marqué. Ils ont employé
quelques points longuets pour approcher
des lumières, & ces points femblent placés
avec négligence ; mais ils peignent comme le
pip,ceau. Leurs touches mâles 8c hardies animent
tout. Les aceeffoires font traités avec la
même liberté que les têtes , & conlèrvent de
même le caraélère qui leur eft propre. Accordons
, fi, l’on : veut, qu’il faille avoir pour lg.
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