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mable * a développé les artifices qu'on employé
dans l’Art de conllruire. Cet exemple mériteroit
d'être fuivi; au refie on me rendra la juftice de
penfer , que tout ce que je dis du B roc auteur^ &
"de fès dupes, ne peut regarder ni la première
clafie des marchands, ni la première des Amateurs.
Il a exifté & il exifte des hommes intègres
dans toutes les profeflions, & de véritables con-
noiffeurs : les premiers exercent avec délicatefte
leur profeflion, fe refufent toute efpèce d’artifice,
& n’abufent pas de l’inexpérience & de l’aveuglement
des defirs. Les féconds n’ont pas bèfoin
dé vérificateurs.
L e feul point fur lequel on pourroit leur demander
des évaluations plus jufies qu elles ne
font ordinairement", mais difficiles a fixer , feroit,
à l’égard des ouvrages de Peinture , relativement
aux genres. On devroit fouhaiter que la mode &
quelques fpéculations de marchands ne portaffent
pas à une valeur arbitraire & difproportionnée a
leur valeur ariielle ou libérait, des tableaux de
genre, qui certainement ne demandent ni 1 étendue
des connoifiànces , ni l’élévation de genie
qu’exigent les plus grands genres. Aujourdhui,
malheureufèment pour les Arts , ce defîr ne peut
plus être accompli. Les ouvrages dont je parle
étant regardés plutôt comme objets de vanité &
de lu x e , que comme productions du genie , doivent
fubir nécefîairement le fort de tout ce dont
le caprice & la mode règlent l’eftime & la valeur.
Cet abus, bien plus- dangereux pour les Arts
qu’on ne le croit confmurièmêttt, a 1 inconvénient
de détruire les véritables bafes qu’on devroit
le former pour établir de jufies jugemens ,
& par conféquent d’intervertir les principes tires
de la raifon & de la connoiflànce des Arts.
BROSSE. On fe fe r t , en peignant à l’huile,
de brojfes & de pinceaux ; la broffe efi une efpèce
de pinceau moins fin , plus groflier que ce qu on
appelle plus ordinairement pinceau. L a broffe efi
formée de poils ou foies de cochon allez dures
médiocrement flexibles peu ^ difpofees a former
la pointe en le réunifiant a leur extrémité.
11 faut un art ou une adrefle particulière pour
faire parfaitement les brojjes, & furtout les pinceaux
; c’eft avec leur fecours que le Peintre,
après avoir pris Les couleurs ou les teintes qui
font difpofées fur là palette , les applique fur la
toile , pour les étendre enfûite , les mêler ou les
unir les unes aux autres. Il paroît qu’on a commencé
par faire des pinceaux, ou du moins que les
Peintres s’en font fervis avant de faire ufage des
brojfcs , parce que ces Artiftes ont dû être' portés
à opérer avec la couleur, comme avec le crayon
bien ai gui l e , .ou la plume. Ils avoient belbin
pour cela de pinceaux qui fiflfent la pointe : leurs
grands ouvrages mêmes etoient peints ainfi. Cette
' p e M . Camus d e Me ziere.
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façon d’opérer contribuoit, avec plufieurs autres
caufes, a la manière sèche qu’on remarque dans
leurs ouvrages. Leur trait étoit fin , la touche
étoit maigre, & par-là Ion effet manquoit de la
perfedion que l’ufage de la broffe a procurée à
cet égard aux Artifies.
L a brojfe.çeut être de différentes dimenfîons.
Il y en a de très-groffes , & elles font deftinées
pour les grands ouvrages & pour couvrir, comme
on d it, les fonds. Il y en a de petites pour les
parties qui demandent de la netteté & de-la pré-
cifîon ; mais comme les brojjes, de quelque di-
menlion qu’elles loient, ne font pas parfaitement
la pointe, le trait qu’on détermine par leur moyen
& la touche qu’on place , n’ont pas la maigreur
que la perfedion de l’Art exclud avec raifon.
Cependant cet avantage *de la bw jfe , plus
favorable à l’effet, ce moyen plus prompt , cet
outil qui peint p lu s large & p lus gras , pour me
fervir du langage de l’A rt, n’exclud pas abfolu-
ment l’ulage du pinceau, dont quelques Artiftes
encore favent corriger les inconvéniens ; mais ils
le reftraignent à certains détails, qui demandent
abfolument une grande précifion ; ce qui a lieu
lurtout dans les tableaux d’une dimenfion moyenne
ou petite, & dans ce qu’on appelle les petits
genres, parce qu’ils permettent ou femblent même
exiger une précifion de trait indifpenfable.
Plufieurs oblervations fepréfenterpient à cette
occafion. J e me bornerawà celle-ci : plus les
genres qu’on nomme précieux, relativement à
la manière dont ils font peints, plus l’imitation
fërvile enfin le multipliera, plus le Public reprendra
le goût de petits détails , goût nuifible
aux grands progrès & aux grands procédés de
l’A r t , plus auffi les Peintres reprendront l’ulage
des pinceaux en les lubftituant à la broffe; ce
qui les éloignera de la manière grande & lavante
d’employer la couleur. -
Tout genre a certainement fon mérite, toute
manière d’opérer a quelqu’avantage qui lùi efi
propre ; mais lorfque la théorie railonnée efi parvenue
à préférer ce qu’elle regarde comme meilleur,
à ce qui lui paroît l’être moins , on petit
affiirer qu’elle a fait un pas vers la perfedion ;
fi l’on rétrograde , on s’en éloigne.
Jeunes Artifies, qui alpirez à peindre d’une
grande manière, accoutumez-vous à aiguifer le
moins que vous le pourrez vos crayons en deffi-
nant, & à vous fervir le plus que vous le pourrez
de la broffe en peignant. Les grands maîtres , en
opérant ainfi, ont deffiné finement & peint auffi
précieulèment qu’il le faut , relativement aux
différens ouvrages qui les ont immortalifés.
Vous blâmez les Peintres anciens q u i, au
renouvellement de l’Art opéroîent autrement :
prenez garde de retomber infènfiblement dans les
mêmes défauts. Trop malheureüfement dans nos.
Arts, nous ne parcourons qu’un cercle plus oii
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moins grand, & le s derniers points de ce cercle
fe rejoignent aux premiers.
BRO YER. Broyer les couleurs, ou les matières
qu’on transforme en couleurs pour 1 ufage
de la Peinture, c’eft les écrafer, les divifer ,
les réduire en poudre '& les rendre abfolument
propres à l’Artifte , en les amalgamant , pour
ainfi dire, avec une "portion convenable d’huile.
On place les matières concajfées fur une pierre
très-dure & très-polie j on les écrafe avec une
molette ‘ on promène cette molette , qu on preffe
des deux mains, fur la pierre en tout fens, &
l’on continue cette opération , non-feulement Pendant
affez longtems, pour que 1 on puiffe meler
l’ huile aux matières pulvérifées , mais encore
lorfque l’huile y efi mêlée , pour les incorporer
parfaitement enfemble. g .
L a molette, dont il vaut mieux donner ici
une idée que de remettre à en parler a l article Molette, efi une efpèce de gros tampon, plus
large par le bas que par le haut, qui fert a le
tenir. L ’extremité balte de ce tampon efi plate
& fort unie, & c’eft en preffant la matière des
couleurs entre cette furface tres-fiffe & celle.egalement
lifte de la pierre à broyer, qu’on parvient
à jréduire prefque jufqu’a l’etat de poudre impalpable
les couleurs , & à les incorporer parfaitement
à l’huile , de manière qu’unè petite portion
prife & preftée entrer les doigts, ne fait fentir
aucun grain qui arrête les doigts. f
L a pierre à broyer peut être de differentes
matières, ainfi que la molette. L e porphyre,
l’agate, le crÿftal peuvent fervir a ces ufages ;
mais nous entrerons dans ces details dans le
fécond Dictionnaire , où nous donnerons auffi des
figures qui rendront les explications plus fenfibles.
Ce que je puis ajouter i c i , pour donner quel-
qu’idée théorique à ce fiijet, c efi que les^ couleurs
deftinées à exécuter des tableaux précieux ,
demandent à être parfaitement divifees & amalgamées
avec l’huile la plus choifie. On doit ai-
fément fentir que, plus l’Artifte s’engage àentrêr
dans les plus petits détails des .tons , des demi-
teintes , des paffages, plus il paroît fouhaiter que
l’oeil le plus clair-voyant juge de près fon ouvrage
, & plus il efi intéreflant pour fon fiiccès
que nul obftacle phyfique ne s’oppofe fon travail
, & que nulle inégalité , nulle .afpérité, nul
corps étranger ne fe fafïè appercevoir dans fa
couleur : c’eft par cette raifon que quelques Artiftes
, qui mettent un grand prix à ce^ genre de
Peinture, préparent & broyent eux-mêmes leurs
couleurs ; ils font un choix des portions les plus
parfaites des matières qu’ils emploient ; ils les
brifent, les pulvérifent, les broyent avec une
huile choifie, & cela dans un lieu propre & à
l’abri de la pouffière qui pourroit, par le mouvement
le plus léger de l’air , y porter des atomes
étrangers* Ces foins, qui paroiflent minutieux,
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ne font point blâmables, parce qu’effe.divement
les couleurs extrêmement pures fe confier vent
davantage , s’emploient avec plus de facilité &
font fufceptibles de plus d’éclat.
Dans les grands ouvrages-, ces mêmes foins
feroient difficiles & peut-être impoffibles à employer
j mais ils ne font point auffi necefîaires ,
parce que ces ouvrages fe voyent de plus loin.
Cependant j’obferverai encore que ces raifions
fervent trop fouvènt de prétexte a une négligence
nuifible aux Artiftes qui fe la permettent,
& blâmable dans plufieurs marchands qui préparent
les couleurs avec trop de négligence, fans
mettre affez de choix dans les matières/, & en
y en introduifant d’hétérogènes. L ’Artifte y perd
une facilité d’opérer nécelfaire ; fes teintes font
plus fujettes à fe falir ; enfin, fes ouvrages moins
phyfîquement purs , confervent moins 1 accord
qu’on leur donne 8c fe détruifent plus vite.
B RU N. On dit quelquefois , à l’occafîon d’un
tableau , dont le ton général eft fombre, & les
touches ou les ombres trop foncées : il faudroit
adoucir les bruns de ce tableau. V o ilà , à ce
qu’il me fiembie, à-peu-près la feule application
théorique de ce mot qui, d’ailleurs, eft fimple-
ment un nom , par lequel on défigne quelques
tons de couleurs, quelques teintes , quelques*
nuanèes. Car il n’y a parmi les couleurs fondamentales
de la palette du Peintre, qu’une feule
couleur dans la défignaticn de laquelle, entre le
mot brun , qui eft le brun rouge. On trouvera
dès détails fur cette "couleur dans le fécond Dictionnaire.
BRU NI & BRUNISSOIR. Ce que j’ai dit à
l’occafion du B e rc ea u , donne quelques notions
qui fe réunifient ici à l’explication fuccinte que
demandent les deux termes de cet Article. Ces
deux termes ont rapport à la gravure. '
L e Bruniffoir eft un outil d’acier ; fa forme &
les détails techniques qui lui font propres fè trouveront
dans le fécond Dictionnaire au même mot Brunissoir , & la figure de l’outil qui porte ce
nom fera gravée & repréfentée exactement dans;
les planches , aux renvois indiqués.
L e Brunijfoir s’emploie en le frottant à plat flic
la planche de cuivre qu’on, veut brunir ou polir*
On frotte plus ou moins fortement l’outil fiir la:
planche par le bout qui eft très-uni, très-lifle ,
& par cette opération, répétée avec patience ÿ
on parvient à détruire les afpérités & les enfon-
cemens , les traits qui fe trouvent altérer la per-.1
fedion de fon p o li. C’eft à-peu-près, par rapport
à la gravure , ce qu’on pratique lorfque pour
rendre un deffin qu’on exécute plus parfait, on
efface avec la mie de pain, & mieux encore avec
la gomme élaftique , ce qui n’eft pas affez net ^
affez précis, ou qu’on affoiblit des ombres trop
fortes.
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