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parce qu’ ils avoient parfaitement réuffi dans la
repréfentation de l’jhomme , font convenus d’admirer
tous les chevaux antiques que le temps
avoit épargnés. Les chevaux de S a in t-M a rc ,
malgré leurs têtes ignobles , le vice de leur
encolure 8c celui de leur pas, q u i, au jugement
d’-un arcifte dont on doit admettre la dé-
cifion dans cette partie de l’a r t , eft faux &
impoffible , ont été attribués par les uns à Ly-
fippe, & par d’autres à Zénodore ; ceux de
Monte-Cavallo à Phidias 8c à Praxitèle -, les :
centaures de la Ville-Borgh è fe , ceux du palais
F u r ie t t i, n’ont guère reçu moins d’éloges. Mais
fu r-tout le cheval de la Jla tu t é que (Ire de
Marc-Aurèle a réuni l’admiration des amateurs
6c même des artiftes , qui long-temps ont négligé
l’étude de la nature pour celle de cette
antique défe&ueufe.
Mengs témoigne que les Italiens modernes
ont eu peu de fuccès dans la repréfentation des
chevaux en lculpture. A Paris , on peut voir
le cheval de Henri IV fur le p ont-neu f, 6c
celui de Louis X I I I à la place Royale , qui
font des ouvrages de deux célèbres fculpteurs
Ita lien s , Jean de Bologne & Daniel de Vol-
terre : ces ouvrages confirment l’affertion. de
Mengs. S i , dans la patrie moderne des arts ,
des artiftes d’ ailleurs très-diftingués ont eu peu
de fuccès dans cette partie, on peut attribuer
leur malheur à la préférence qu’ ils ont donnée
aux chevaux antiques, & fur-tout à celui de
Marc-Aurèle , fur la nature.
Ce cheval , moulé à Rome fur le bronze
antique, fut apporté à Fontainebleau du tems de
François I . I l le fut de nouveau à Paris fous le
règne de Louis X IV , & placé dans une cour
du Palais-Royal. Perraut nous apprend que cet
ouvrage fut très-négligé dès qu’ il ne fut plus
néceffaire d’aller à Rome pour le voir. On trouva
que l’Empereur Marc-Aurele fembloit monter
une jument poulinière; on trouva que le cheval
levoit la jambe de devant beaucoup plus haut
qu il ne le pouvoit, & qu’ il fembloit avoir l’encolure
démife. On reconnut enfin tous les défauts
fur lefquels on avoit fermé les yeux à Rome.
On laiffa périr le plâtre du Palais-Royal, comme
avoit déjà péri celui de Fontainebleau.
Ain fi quand les fculpteurs François eurent des
chevaux à fa ire , ils ne purent prèndrè pour
modèle le cheval de Marc-Aurèle ni les autres
chevaux antiques, qu’ ils n’ avoient pas fous les
y e u x , & dont ils n’avoient confervé , depuis leur
retour de Rome, qu’ un confus fouvenir -, ils furent
donc obligés d’érùdier la nature. Auffi peut-on
dire que c’ eft à des François que la fculpture
doit les plusbeaux chevaux qu’ elle ait produits,
ceux des deux frères d eM ar fy, aux bains d’ Apollon
dansleparc de Verfailles, ceux desTuüleries
par les deux frères Coyfevox , celui de'Girardon
a la place Vendôme, celui de la place de Louis
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X V , par Bouchardon ; précieux chef-d’oeuvre
. de l’art, quoique des accidens arrivés à la fonte
n’ayent pas permis de laiffer fubfifter toutes les
fineffes qu’ offroit le modèle. Quand la Suède,
le Dannemarck, la Ruffie voulurent conlacrer
par des ftatues cqueflres la mémoire de leurs
plus grands Souverains, ces nations appellerent
de Pa ris, MM.Larchevefque,, S a ly , Falconet.
Quoique les beaux chevaux faits par les modernes
doivent ouvrir les yeux fur les défauts du
I cheval antique de Marc-Aurèle, cependant les
éloges qu’ il a reçus feroient capables d’ engager
de jeunes artiftes à le prendre fur tout pour objet
de leur étude, & cette étude pourroit leur laiffer
des impreflions dangereufes, s’ il leur arrivoit
dans la fuite d’avoir à faire des chevaux. Pourquoi
ne donnproient-ils pas dans un piège où
fe font laiffé prendre tant de grands maîtres de
l’ Italie? Nous ne croyons donc pas inutile de
rapporter ici les principales obfervations de M.
Falconet fur cette antique.
Pendant que ce célèbre fculpteur s’ occupoit à
Péterlbourg des études de la Jlatue équejlre de
Pierre le-Grand , il fit venir de Rome pour (on
inftru&ion , la tête, les cuiffes & les jambes
du cheval de M arc-Aurèle, moulées fur un beau
plâtre de l’ Académie, qui l’avoit été lui-même
fur le bronze original. C’étoit un maître qu’il
avoit cru mander ; mais en voyant ces parties
capitales, il reconnut qu’ il n’avoit pas de leçons
à en recevoir.
Quoique l’original, doré autrefois en entier,
& en partie dédoré par le tems , faffe, comme
o n l’ affure, une illuiiqn féduifante au capitole,
parceque l ’éclat de la dorure, & les taches des
parties qui l’ont perdue empêchent de bien lire
les détails, on peut dire que la tête en plâtre,
expofée à la même hauteur dans l’ attelier de
M. Falconet à Péterlbourg, ne pouvoit caufer
la moindre illufion mêmes aux plus ignerans.
Je me reffouviens que lorfque j’entrai pour la
première fois dans c e ta tte lie r, je ne fus au premier
coup d’oe il, fi j’appercevois une tête de
rhinocéros ou de vache ; l’idée d’ une tête de
cheval fut la derniere qui s’offrit à ma penfée.
M. Diderot éprouva à peu près la même impref-
fion.
I l eft peut être bon d’ avertir les perfonnes
qui ne connoiffentpas les procédés dés arts, qu’il
n’ en eft pas d’ un plâtre moulé fur une ftatue ,
ou même furmoulé, comme de la copie d’ un
tableau. La copie peut être infidelle ; mais le
plâtre eft l’ original lui-même, & l’on y perd
tout au plus quelques fineffes. Mais fuivons les
obfervations de l’ artifte.
La grâce ne manque pas moins dans le cheval
de Marc-Aurèle , : que les bonnes proportions &
lès belles formes. On n’ a pas même la reffour.ee
dé dire que le ftatuairc antique ait négligé les
I agrémens qu’ il auroit pu donner à fa figure vue
de près pour en mieux affurer l’effet dans l’éloignement.
» Elle n’ eft pas travaillée dans^ les
» règles de l ’optique» La touche 6c la faillie
» des yeux font au-deffous du naturel pour leur
» froideur. Les narines font un cercle fans
» mouvement & fans refpiration. Les plis for-
» mes par l’ouverture de la bouche font arrari-
7) g es comme on voit les brins d’ofier dans le
» tiffu d’ une corbéille. Geux du cou , au-def-
» fous de la ganache , font ronds , froids, fans
v inégalité, fans reffort, fans ce frémiflement,
» cette crifpation de la peau que fes plis oc-
» cafionnent toujours. I l fem.ble voir une deu-
» zaine de baguettes arrangées fymmétrique- .
»- ment les unes après les autres. «
En vain on Ibutiendroit que la tête fait bien
en place. La forme en eft défagrc'able de quel- j
que côté , & à quelque diftance qu’on la re- |
garde; elle ne refiêmble en rien aux belles têtes !
de chevaux naturels , 8c c’ eft en xherchant à j
l’ imiter que Raphaël 8c le Pouffin ont fait de
mauvaifes têtes de chevaux.
» L’ allure du cheval de Marc-Aurèle eft le
» pas. La pofition des jambes de derrière y eft
» conforme : la droite-eft convenablement
» éloignée' du corps, 8c la gauche eft fort
» avancée fous le v en tre ; la pince eft déjà
» pofée ; ( c’ eft un défaut qui fait nommer un
» cheval rampin. ) Enfin le pied ne peut plus
» changer de place qu’ en fe levant pour avan-
» cer un pas. Tout va prefque bien jufques-là :
» mais comme il faut une harmonie, une cor-
» refpondancé dès mouvemens qui fe croifent,
» le pas de la jambe gauche de devant, qui
» foutient l’ avant-main > doit dans cèt inftant
» être fous le ventre , & décrire une ligne
» oblique qui forme, avec la perpendiculaire
» prife au haut de la jambe , un angle au moins
» de quinze degrés. C’ èft ce qui ne fe trouve
» pas obfervé dans le cheval en queftion :
>•> l’angle que forme la ligne de fa jambe avec
» la perpendiculaire n’ eft au plus que de quatre
JP à cinq degrés. Voyons l’aiitre jambe, de cle-
» vant. Dans le pas, le fabot de la jambe qui
» marche ne' s’élève qu’ à la moitié du canon
» de l’ autre. I c i , le fabot d e là jambe levée
» eft à la hauteur du genou de celle qui pofe.
» Le mouvement outré de l’ un de ces mem-
» bres & l’ ina&ion de l’ autre, font une dif-
» cofdance entre eux par comparaifon avec
» l’ a&ion du train de derrière. N e voyez-vous
» pas que , par ce moyen, le cheval va au
» grana pas des jambes de derrière, & q u e ,
de celles de devant il ne fait que piaffer ?
» Ne voyez-vous pas auffi que Pietre de Cotr-
x> tone , & tan| d’autres , y ont regardé trop
» légèrement? Comment n’ a - t - o n pas vu ces
» .deux aélions auffi impoffibles a faire enfem-
» ble à un cheval , qu’à tout autre quadru-
» pede vivant ? V o jjà au inoiqs ce qu’il *urpjj
» fallu appercevoir avant que de dire à c®
» cheval *. Avance donc? ne fais-tu j)a s que
» tu es vivant 1 ( mot qu’ en attribue à Pietre
» de Corrone. ) Je le défie d’ avancer, puifque
» l’ ufage qu’ il fait de fes jambes de devant
» contrarie 6c arrête ce que font celles de
». dérrière. «
La partie la plus effentielle des obfervation*
de M. Falconet eft celle où il donne le parallèle
des proportions du cheval de Marc-
Aurèle avec celles,, du beau naturel, parce que
cette comparaifon peut devenir fort utile aux
artiftes qui veulent étudier les chevaux. Us
doivent trouver avec plaifir les proportions d un
beau cheval prifes par un artiffe qui en a lui-
même exécuté un fort beau.
» La tête du cheval de Marcr Au rè le , dit M .
» Falcone t, a deux pieds onze pouces : je l’ ai
» divifée en quatre parties. J ’ai fait la meme
» divificn fur la tête d’ un beau cheval naturel,
» & j ’ai pris ainfi les principales mefures & du
» beau naturel & du cheval antique; ]e n’ en
» garantis pas la jufteffe à deux ou trois mi-
» nutes près. Si I on croit que , n’ayant pas vu
» le bronze, il ne m’a pas été poffible d’ en
» favoir les proportions, je prie ceux qui
» feront à portée de s’ en affurer, de vouloir bien
» vérifier c e lle s -c i, 6c de me re&ifier où j’au-
» rois Commis de forte» erreurs.
L e cheval de M a rc - L e beau natureh
Aurèle.
» Largeur du cou à la
» hauteur du menton, 4
» parties .......................... ..
>> Groflèur du cou vers
» la ganache, z parties 1
» minute • • • • • • • • « . • •
» Largeur des épaules
» 4 parties i minutes . . .
» De la naiffançe des
» reins à celle du four-
» rèâii, 5 parties............
» Du milieu des reins
» au milieu du ventre ,
» 5 parties • • • . » . • • • . .
» D’ un côté du ventre
» à l’autre , 5 parties 8
» minutes • ..............
» Depuis le poitrail juf-
» qu’aux feffes, n par-
» ties 6 minutes. • • • • • •
» Le bras le v é , depuis
»( la pointe duçoude.julr
» qu’ au devant du genou,
l) 4 parties 4 m inutes.. *
» La jambe du même
» bras, depuis le deffous
» du genou jufqu’à la
» pointe fa£ot, 4 par-
2, parties 5 minute*;
1 partie 3 minutes.
z parties 9 minutes.
3 parties $ minutes.
4 parties.
4 parties.
1 0 parties.
3 parties 6 minute«;»
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