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quelques étincelles du feu de Ton auteur ; enfin
deux moyens combinés doivent mieux réuffir
qu un feul a' rendre dans un même ouvrage
tout ce qui peut être l’objet de l’ art de peindre.
Je lais combien eft impofant l’ exemple des Bolf-
Wert, des Pontius , des Worftermann , qui ont
traduit en gravure, à l’aide du burin feul les
chefs-d’oeuvre de Rubens 8c celui.d’Augtiftih
Carrache , des Edelinck , des R o u lle t, qui ont
multiplié avec tant de fuccès ceux des grands
, maîtres 'de la France & de l’ Italie . : mais fi
plufieurs de ces artiftès ont imité avec le burin
les travaux ,de la pointe, pourquoi n’em-
ployeroit-on pas la pointe elle-même-? Et fur-
tout à préfent qu’on fe feroft un fçrupule
d’animer le burin , & de J ù f donner une.chale
u r , un ragoût qu*on craindroit qui nuisît af
fon éclat lé plus b rillan t, a fa plus grande
propreté , il eft devenu moins convenable que
jamais à là gravure de l ’hiftoire.
Je ne dois pas omettre ici ce qu’on lit à ce
fujet dans l’ ancienne Encyclopédie , à l’article
Gravure , parce qu’on pourroit encore le répéter;
car on peut remarquer que la vérité fe
communique avec peine, & que l’ erreur éft
contagieulè. « L’hiftoirè éft l’objet principal
» de la peinture , dit l’auteur de cet article. On
» peut e x ig e r , pour qu’elle Toit traitée par-
» faitement par un peintre, que toutes lès par-
» ties de (on art y concourent; que le beau-
» f in i foit uni à la grandeur du fa i r e , à la per-
» feétiôn de l’effet , & à la jufteffe d é ’ l’e x - ;
» preftion. Un tableau de cetté efpècé'.,„a’U-y j
» en a , pour être gravé parfaitement, doit être :
» .rendu dans l’ eftampe par toutes lès parties ;
» de la gravure. Xe burin le plus fin,, le plus
» propre, le plus va rié , le plus fâvant fera à
» peine fuffifiant pour imiter parfaitement le
» tableau dont je parle. Le travail de l’è au -fo r t^
» donneroit trop au hafard , 8c je crois qu’UT*’
» nüiroit à l’ exécütion ».
L ’amateur qui a fait cet article àVoit de
grandes connoiffances , mais il ne Terrible pas
les avoir eu préfentes à l’ efprit au moment où
il écrivoit ce paragraphe, & il faut avouer
qu’ il s’eft trompé. Qu’entend-il , quand il ritt
que , dans lin tableau d’hiftoire , le beau fin i
doit être uni à la grandeur du fa ir e ? Comment
n’ a-t-il pas fenti que cette grandeur Refaire feroit
détruite par un fini extrême, ( car on ne peut ici
entendre autrement ce qu’ il exprime par un
beau fini ,) & qu’un tableau d’hiftoire perdroit
en effet du mérite qui lui eft propre , au lieu
d’acquérir une beauté nouvelle , fi le peintre
s’amufoit à careffer fon ouvrage^u lieu de le
couvrir de feu ? Vouloit-il donc qu’un tableau
d’hiftoire, pour être parfait, fût exécuté avec
la chaleur 8c la grandeur du fa ir e de Rubens ,
& avec le beau f in i de Vandèr-Werf? C’ eft
exiger deux qualités contradictoires, dont la
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i derniere a fon mérite quand elle eft bien placée’,'
mais qui ne convient abfolument pas au genre
dont noùs parlons.
En écartant, comme on le doit , de la pei'n-
turé d’ hiftoire ce rendu précieux, voyons fi
elle a d’ aiitres parties qui excluent la gravure
a 1 eau-forte; Le defljn (pra-t-il du pi;us .grand,
ftyle , 8c de ;1 à plus grande pureté? Gérard Àu-
dran a prouvé .que là pointe pouvoir , aufii bien
que le burin fuivre les .contours1 les plus purs.
L expreffion fera-t-élle ,dè la plus grande force ,
de la plus grande vérité > L’eau-lorte en ébau-
chera tres-bien le caràélère , le burin ajoutera
derniers traits. Aura-t-elle l’harmonie,du
Coriège r Duchang'e , en g r a v a n t e : Cortège ,
a rendu1 cette harmonie par le mélange de l’eau-
fôrte & du burin. Aura-t-elle l’ effet piquant
des tableaux de Rembrandt ? Lui-même a démontré
que'cet effet pou voit fe rendre à l’aide
de l’eau-forte & de la pointe sèche ; il peut •
donc fe rendre, à plus forte raifon , en y joignant
le burin. Mais fi dans le tableau fi parfait,
que fuppofe notre auteur, il fe trouve des
fabriques ruftiques , des palais .ruinés ; dpnt les
débris foient couverts d’ herbes & de moiifife!,
de’ vieux arbres dont les troncs foient rongés
par lë temps, des moutons à laine friféé. j des
chèvres à long p oil, des nuages tourmentésV
des eaux écuineufes , des terraffes inégales,
l’eau-forte qui, jointe au burin , a déjà pu rendre
l;es autres objets , fera néceffaîre pour ébaucher
ceux-ci avec tout l ’efprit , tout le fentimenc
qu’ y a imprimés le pinceau.
. L’auteur yepif que le tableau dont il parle
(oit rendu par toutes les parties de la gravurë.
Mais comme l’eau-forte en eft une partie con-
fidérable , comme cette partie , dans les objets
auxquels elle eft propre , ne fauroit être com-
■ plettement fijppléée , elle ne doit donc pas être
exclue.:, ,8c ç’ éft. Fauteur. lui-même qui a préparé.
c.efte conféquen.ce,
I l veut .que fon tableau fpît gravée dû burin le
plus fin , le plus propre le p lus varié. Mais
s’ il eft grave du burin lë plus fin & le plqs
propre, il ne fera donc pas gravé du burin le
plus large , le plus moelleux, le plus libre-*
le plus ragoûtant ; il ne le fera don« pas du burin
le plus .varié.. '
, « Lje travail dé l’eau-forte ,. ajoute-t-il, doti-
» neroit trop au hafard ». I l auroit dû fuppofer
qu’ un graveur habile dans .fon art & dans le
deffin, n’ ignore pas qu’ elles l’ont les parties où
il peut abandonner en quelque forte la pointe
à elle-même , & la laiffer fe jouer fur le vernis
; celles où il doit la contenir 8c ne, lui
permettre de tracer, que ,desr travaux purs ,
fermes & caraftériftiques..,' 8c. celles qu’il doit
réferver au butin. On ne voit pas dans les belles
eftampes de .Gérard Àudraii, dans celles, de
Duchange ? de Cars , des Dupuis*,* de Defplaces
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que l’e&u-fprte n’aitpas été conduite, pap l ’in telligence
des .artiftès, & qu’ elle ait .produit
des halârds malheureux; on voit au contraire
eue cette intelligence a réglé même les travaux
qu’ils femblent avoir abandonnés au ha-
fard.
Nous ne craindrons dofte pas d’avànqer que
le mélangé dçT’ eau-for,te & au burin con vient
en'général à la gravure de la grande hiftojre.
Nous,.avons déjà vu comment deyoit fe difpo-
fe f le travail de l’ eau - foftè : voyons maintenant
comment le burin doit le terminer!
Comme le burin fe pouffe ayec la paume de
la main , au lieu de fe conduire avec lés
doits , on fent que fa marché la plus naturelle
éfl la ligne droite. La premièré difficulté qui
fe rencontre dans le maniement de cet > o u t il,
eft donc de vaincre fa roideur. Quand on a fur-
monté eett'e difficulté & qu’ on eft parvenu à lui
donner de la'foupleffe , le plus grand danger
eft de fe livrer au defir de montrer fon adreffe
en lui faifant tracer des lignes circulaires.
■ C’eft line fuite dé l’amour - propre de vouloir;
dans quelque genre que'ce foit, montrer qu’on
eft capable de faire ce que? les autres trouvent
le plus difficile. Au mérite de fuivre la raifon,
on préfèi-e le plàifir d’étonner", 8c l’on abandonne
le vrai beau pour fe livrer au difficile.
Dans les écrits , on recherche les exprefïions
les-moins naturelles , les tours,, les moins familiers,
les idées les moins (impies ; dans la
mufique on remplacé par -des traits le chant &
l ’exprefiion ; dans la peinture , on afi’eéte des
pofes outrées , tandis que l’homme prend nar
turellement la pofition la plus commode ; dans
la gravurë au burin , oh fe plaît à montrer qu’on
peut faire fuivre à cet inftrument les chemins
tm plus bizarres., tandis qu’ il faudroit régler
fa marche fur celle qu’ indiquent les plans des
diffërens objets.
■ L’artifte fage évitera ces affe&^tiohs.. Quoiqu’
il n’ ait pas négligé de Te rendre le burin
affez familier poiir lui faire traces les .tailles
les.; plus difficiles , il n’abuiera pas';aë cette ai-
(ànce, 8c quittera fa taille commencée; /dès
qu’elle ceflërà de convenir au plan qu’il doit
fuivre. A,u,liéu dei s’ obftiner à prolonger la
même t a i l l p i l changera dérailles fu.ivarit lé
fens des mufcles, la march.e des plis , & x . Il
évitera cependant qu’ une fuite de travaux brusquement
abandonnés &: voifins d’ une au.tre,fuite
de travaux qui les contrarient , offre l’ apparence
d’une piece. Souvent il trouvera moyeft
de lier un plan à un autre plan, en reprenant
& continuant la première taille de l’ un , pour
la faire fervir de fisconde à l’ autre ; quelquefois il
fe contentera de.lui ménager l’office- de troifième.
Soit.donc que l’on prépare une première taille
a l’ eaur forte , ou qu’on l’établiffe au burin ,
c’eft à la forme qu’ elle doit exprimer à lui pref-
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crire le, fens qu’ elle doit fuivre , & la longueur
qu’ elle doit avoir en qualité do première. On
trouvera prefque toujours moyen dé la lie r ,
de quelque façon que cè fo it, aux fuites voi-
fines détaillés. Dans les draperies , il eft quelquefois
de l’ art de faire contrarier les travaux
en.tr’ eux , quand les plis Te contrarient eux-
mêmes au lieu de fe fuivre. La principale règle ,
en tout c e la , eft d’obéir à , l’ indication de la
natu rel ou du tableau.
Les tailles courtes plaifent dans les eaux-
fortes ! lorfqu’elles font établies par des artiftès
habiles , parce qu’elles defunent bien les plans.
Cet avantage doit le retrouver da^ns la gravure
au burin , .il, a , dans l’a r t , trop» d’importance
pou;r qu’on doive en faire le facrifiçe à la vanité
du métier. Le graveur qui manie bien le
burin ne’manqu,era jamais d’occafions de montrer
ce, talent-, 8c trouvera toujours moyen de
placer raifpiinablemënt dans fon ouvrage des
fuites de belles tailles.
Nous avons averti que le lozange outré fe
doit éviter dans l’eau-foc te , parce que lesfec-
tions des tailles mordroient trop. On doit aufli
l’éviter au burin , parce que ces mêmes fec-
tiotis. forment toujours des taches noires ,- 8c
que cette forte de combinaifen de tailles lai fie
des blancs prolongés dans la forme d’ un fer de
lance; on ne peut effacer ces taches 8c éteindre
ces blancs qu’ en multipliant les travaux. Les
travaux trop multipliés marquent' l’embarras de
l ’a rtifte ; il y a do l’art à bien faire avec le
Tmoins grand; nombre-de travaux qu’ il eft pof-
fiblë.
Les chairs ébauelïées; à l’ eau-forte , rentrées
au burin , & ’ accompagnées ,Tuivant fle?be(oin ,
de fécondés & de troifièmes , ■ ont b.êfoin d’ être
empâtées 6c conduites par cet inftrument juf-
qu’a la lumière. Les demi-teintes les plus vo i-
fines des lumières; 8c les ; jours. Tecondaires Te
traitent ordinairement,. dans la manière moderne,
avec des points longs-, 8c s’ empâtent
avec des points femblables , mais plus- légers
& mis en entre-tailles. Qn rontr-e ces points
du-coté oppofé à celui par lequel on les a étab
lis , pour les empêcher d’être aigus. Souvent
il faut achever de peindre avec des points faits
à la pointe sèche ou à la pointe du burin. I l
n’eft pas toujours néêëffaire de mettre; un grand
ordre dans ces derniers .travaux ‘d’empâtem'ent,
mais ils doivent toujours avoir de la propreté.
- On introduit quelquefois au (fi dfesy,poiri ts à
la pointe.; sèche 8c au burin & de formes différentes,
pour, éteindre les blancs qui fe trouvent
dans Tes ombres & dans les plus fortes
demi-teintes. Ce travail eft accompagné d’une
certaine molleffe qui ne Convient pas mal-à la
. c h a i r & qui ne manque pas de ragoût. Mais
il doit êtreTnfpiré par le tableau; On fera fou-
.Yeflt mieux de donner st l’ombre plus de fe r -