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qui la i viennent» d’ ailleurs le% procédé plus lent f
force le fculpteur à méditer davantage.
Je ne prétends pas cependant vous interdire ,
jeunes élèves de la peinture, la fatisfa&ion de
réalifer à vos yeux les differentes idées que
Vous infpire un lu jet •» mais je vous engage à
mettre toujours affez d’ intervalle entre le moment
où vous concevez par l’ invention , &
celui où vous enfantez par la dfpojirion ,
pour que vous ayez pu confidérer intellectuellement
d’ une façon diftincle ,•& non pas vague
& confufe, l’ enlemble de votre produftion.
Je ne vous parlerai pas des difpojîtions ,
prifes dans le premier fens que j’ ai traité dans
cet article. I l n’ y a pas de confeils à vous
donner fur cet objet -, vous êtes paiîifs , &
c’ eft aux Maîtres leuls qu’ on pourroit recommander,
les foins que fouvent ils négligent, de
démêler & de diriger les dons de la nature.
Ce que nous devons attendre d’eux , c’ eft
qu’ ils cultivent vos difpojîtions & qu’ils les
déterminent à votre plus grand avantage. Ce
qu’ils peuvent vous demander à leur tour ,
pour ce même avantage , c'eft q u e , lorfque
vos difpojîtions. leur font connues & vous,
font dévoilées, vous vous fafliez juftice en
prenant, fi ces difpojîtions font incomplettes ,
un genre fubordonné ou une profeflion qui vous
rende un citoyen utile ; car après les défoeuvrés
qu’on peut regarder, comme les plus nuifibles
aux fociétés, ceux qui leur font les moins profitables
& les plus incommodes, font ceux qui
fuivent avec obftination des états pour lefquels
ils n’ont point de difpojîtions -, mais ils ne font
pas toujoursabfolument coupables, car rien n’ eft
fi commun ( ofons le dire à ceux qui influent fur
le fort des hommes par les rangs ou par les ri-
cheffes ) que de décider fur les difpojîtions ,
fans avoir les connoiffances & le jugement né-
çeffaïres pour une décifion aulfi délicate & aufîi
importante.
Aufîi, pour l'ordinaire, jugent-ils aufîi légèrement
en bien, les talens naiffans, qu’ en mal ,
les talens formés. De ces jugemens , les premiers
font faux , les féconds font injuftes. Mais
d’où vient ce penchant qu’ont prefque tous les
hommes puiffans à décider ainfi fans connoif-
fance & fans juftice? I l naît de l’habitude de
protéger & de l’attrait qu’ a pour eux le caraâère
de proteéleur, parce qu’ il paroît établir ou confirmer
la fupériorjté qui les flatte.
Au refte , dans la plupart de ceux qui protègent
les talens, parce qu’ ils les payent, ç’ eft
vanité : dans ceux qui protègent par l’ afeendant
des titres & des rangs , c’ eft orgueil, & il faut
fe rappeller que la vanité eft la foibleffe de
vouloir paffer pour avoir des avantages qui
>fious manquent -, & l’orgueil , la foiblefïe de
proire de bonne foi pofféder des avantages que
U.QU& n’ avons pas. ( Artiçle de M. Watelet ).
D O U
D IS T R IBU E R , c’ eft difpofer, arranger les
objets & les effets de lumière dans un tableau,
de façon qu’ il en réfulte un grand effet. On dit :
Ce peintre entend bien à dijîribuer fe s grouppes ,
fe s lumières,
D IST R IBU TIO N fe dit des objets & des lumières
diftribués dans un tableau. I l faut remarquer
que lorfqu’on d it , une belle dijlribü-»
tion , on entend celle des objets & des lumières ,
au lieu que , fi l’on n’ entend parler que d’ une *
il fautlafpécifier. ( Article de Vancienne Encyclopédie,
i
D IV E R S IT É ( fubft. fém. ) , c’ eft cètte par-,
tie oeconomique de la peinture qui tiént notre efi-‘
prit attaché & qui attire notre attention par l’art
qu’a le peintre de varier dans les perfonnages
a’un tableau l’a ir , l’ attitude & les pallions qui
font propres à ces perfonnages : tout cela demande
néceffairement de la divejîte'àans l’ e x -
prefiion , & la chofe eft praticable. Il y a , par
exemple, une infinité de joies & de douleurs
différentes , que l’ art fait exprimer par l’âge.,
par le fexe , par le tempé 'amment, par le caractère
des nations & des particuliers , par la qualité
des perfonnes 8c par mille autres moyens :
mais cette diverjîté doit être vraie , naturelle ,
placée, & liée au fujet -, il faut que toutes les
figures paroiffent être rangées & pofées d’ elles-
mêmes fuivant leur caraétère , fans travail & fans
affectation. Nous ne manquons pas de modèles
en ce genre , mais il n’ y en a point de plus admirables
que le tableau de la Mejfe du Fape Jules ,
celui d’Attila & Ecole d*Athènes , trois chef-,
d’oeuvr'e de Raphaël, trois compofitions fublimes
qui n’appartiennent qu’ à lui. Comme la diverjîté
de la nature eft infinie, la diverjîté d é lim ita tion
peut l’ être de même -, cependant il n’ eft pas
poflïble de donner des règles pour enfeigner l’ arc
de diverfifier les perfonnages d’ un tableau , leurs
attitudes, leurs pallions : c’eft au génie à imaginer
•» les avis ne peuvent fuppléer au génie.
(Article de M. le Chevalier de J eaücourt dan$
V ancienne Encyclopédie.} Nous ajouterons plu-
fieurs chofes à cet article fous le mot Variété.
d o
DOUX ( ad]. ) I l fe dit de l’ effet. L’ effet d ’un
tableau eft doux quand des paffages infenfibles
conduifent des clairs aux bruns , quand, toutes
les couleurs font amies , quand on ne pafïe d’une
couleur à une autre que par des nuances. L’effet
très-doux ne peut être très-piquant. Le doux &
le piquant font deux moyens différens de plaire.
Le déux eft oppofé au vice de la dureté & à la
vertu de la Jierté. Le mot doux s’ emploie aufîi
en parlant des affe£tions de l’ame : on. dit une
i exprefîion douce• Les affeélions douces font les
D R A
plus difficiles à rendre ; parce que les traits ca-
raétériftiques en font bien moins prononcés que
ceux des paffions fortes. G’eft l’art d’exprimer
les affedions douces qui met Raphaël 8c un petit
nombre d’ autres peintres fort au - deffus de
leurs riyaux. Elles ajoutent un nouvel intérêt à
la beaüté qui eft altérée par les paffions violentes.
{Artic le de M . L ev e sq u e .
d R
D RA PER , couvrir une figure de draperies.
Pour bien draper , il faut que lés plis foient
grands 8c en petit nombre, parce que les grandes
formes produifent les grandes maffes d’ombres
& de lumières , & parce que de petites formes
multipliées égarent la vue 8c partagent l’attention.
Si le caractère des vêtemens & des étoffes
exige de petits plis , ils doivent au moins être
diftribués par grouppes , enforte qu’ un grand
nombre de petits plis ne foient que des parties
fubordonnées d’ une même malle formée par un
pli principal , & que les plis fubalternes ayant
moins de profondeur , ne nuifent pas à l’ effet
général de la lumière.
Nous avons obfervé ailleurs que les couleurs
des draperies peuvent contribuer à l’harmonie
du tou-t enfemble & fuppléer aux effets que le
clair - obfcur ne peut produire foui. Ajoutons
que les principes du clair-obfeur doivent préfider
ou régler du moins l’ art de draper. Si l’ on ombrait
trop fortement les plis des étoffes qui couvrent
les membres frappes de la lumière » il fem-
bleroit que ces plis entrent dans ces membres
eux-mêmes 8c les coupent.
Les draperies contribueront à la v ie , au caractère
, à l’ exprefiion des figures , fi tous les mou-
vemens des plis annoncent le mouvement plus
v i f ou plus tranquille de ces figures. La couleur
8c le genre des étoffes concourront à l’ expreffion
générale : on n’introduira pas des draperies fines
& brillantes dans un fujet trifte ou terrible.
Thyeftene fera pas vêtu de couleurs gaies dans
le moment où il entend en quelque forte gronder
dans fos entrailles les chairs de fon fils qu’il
vient de dévorer. La couleur des vêtemens de
Torde ne rejouira pas les y eu x , lorfque l’ame
du fpe&ateùr doit être faifie de trifteffe, en la
voyant avaler des charbons ardens. Mais dans
' un fujet qui ne doit infpirer que de la g aieté,
toutes les draperies feront brillantes &*légères.
Les draperies doivent auffi s’ accorder avec l’âge
& le caractère des figures qu’ elles revêtent. Des
couleurs gaies , de légères étoffes conviennent
à»la jeunelfe -, des couleurs fombres, des étoffes
épaiffes l l’âge avancé. Un perfonnage grave &
auftère ne fera pas vêtu comme un perfonnage
léger ou voluptueux. Une princcffemajeftueufe ,
unefage mère ne fe confondront point par-leurs
-yetemens ayec unecoiirtifanne.
D R A îpp
Si l’on objeCte que la nature ne s’ accorde pas
généralement avec ces principes , on répondra
que ces principes fe rapportent à l’idéal de l’art,
oc que c’ eft à l’ idéal que l’art doit fa perfection.
L’ artifte repréfente - t - il une figure qui volé
dans l’ air ; il doit faire reconnoître par la draperie
fi elle monte ou fi elle defeend. Si elle
monte, une colomne d’ air fupérieur pèfo fur la
draperie ; fi elle defeend, une colomne d’air
inférieur la foutient 8c la foulève. Les plis pofds
fur chaque membre, & le jeu général de la draperie
doivent auffi indiquer fi la figure eft en
aCtion ou fi elle vient d’ être en aCtion , fi l’aCtion
' eft à fon commencement ou à fa fin , fi le mouvement
a été le n t, v i f ou violent. Tout cela
i tient à l’ obfervatîon , à l’imitarion de la nature ,
mais en même temps tout cela tient à l ’ idéal ,
puifqu’on ne peut le copier fur la nature. L’ a r-
tifte ne peut pas pofer , pour le copier à loifir ,
un modèle qui s’ envole, qui court, qui fe r e mue
avec plus ou moins de violence.
» La richeffe des draperies 8c des ornemens
» qui font deffus , dit de P ile s , fait une partie
» de leur beauté , quand le peintre en fait faire
» bon ufage. » Senfible à l’éclat de l’école Vé nitienne
, de. Piles aimoit les étoffes riches 8c
ornées. I l avoit cependant le bon efprit de fen-
tir que ces ornemens , ces fleurs, ces defiins
des étoffes ne convenoient pas aux vêtemens
on couvre les divinités > 8c î^urs draperies
ne doivent être r.Ciies que de la grandeur & de
!» ncbleffe des plis qu’ elles forment. Cette jufte
ebfervation auroit pu le conduire plus loin 8c
lui faire reconnoître que , dans les fojets qui
portent en eux-mêmes leur grandeur, ces ornemens
font également déplacés , que ces fujets
ne doivent être parés que de leur propre nobleffe
& de l’ exprefiion qui leur convient, & que
l’art fhbalterne des fabriquants d’étoffes n’ eft pas
d igne , dans le genre fublime , de s’ affocier
avec l’art de la peinture.
Si quelquefois le peintre fait un ufage diferec
: des belles” étoffes, c’ eft parce qu’ elles offrent
de beaux tons & de beaux p lis , & non parce
qu’elles font ornées de belles fleurs. I l ne doit
pas oublier enfin que , dans les fujets de l’hif-
toire ancienne, il ne peut guère employer les
étoffes de foie fans pécher contre le coftume,
puifque, dans l’ antiquité, elles » ’étoient fabriquées
que par les Seres>
, La vanité fe pare, là vraie grandeur eft.
fimple , & c’ eft. la grandeur véritable que le-
grand peintre doit repréfenter : c’eft la be lle
nature1 phyfique 8c morale qui eft l’objet de
fon imitation. L’ idéal de l’art ne confifte-'pas
à faire Hélene rich e , mais à la faire belle.
Moins un fujet aura d’ ornemens étrangers ,. 8c
. plus il fera beau fi l’artifte a du gén ie. Une
belle femme, noblement drapée d’ une étoffe
: fimple , fera bien plus npble dans un tableau.,