créon fait l’éloge des fourcils arqués & qui ne
font pas trop éloignés l’ un de l’ autre.
La levre inférieure eft plus pleine que la
fupérieure, d’où naît cette inflexion qui donne
au menton un arrondiffement plus complet.
I l eft très rare qu’on voye les dents aux boucnes
riantes même des fatyres. Une ftatue d’Apollon,
au palais C on ti, eft la feule qui ait cette ex-
preflion. Les levres font ordinairement clofes
aux figures humaines, & entr’ouvertes à celles
des divinités.
Dans les figures idéales, les anciens n’ont
point interrompu la forme arrondie du menton
par ce creux fi agréable aux modernes , &
qu’ ils nomment follette. C’ eft un agrément
individuel qui n’ entre pas dans l’ idée générale -
de la beauté : on peut même dire que c’ eft
un défaut, puifqu’ il interrompt L arrondiffement
d’ une forme qui tire fa beauté de Ton unité.
La foffette doit être mife au rang de ces petites
formes qui ne trouvent place que dans les
portraits , pour caraélérifer une reffemblance
individuelle. On la trouve cependant à quelques
antiques de divinités -, mais, dans plufieurs,
on peut foupçonner qu’ elle eft l’ ouvrage d’ un .
reftaurareur moderne*
On en pcjn-roit dire autant des foffetres qui
fe trouvent quelquefois aux joues. Quelque
grâce qu’ elles puifient avoir , elles ont le défaut
de détruire la plénitude & la rondeur de
ces parties.
Les oreilles , fi fouvent négligées par les
modernes , ont toujours été traitées avec le
plus grand foin par les ar lift es de l’antiquité.
S i , fur une tête gravée, l’ oreille , au lieu d’ être
finie , eft Amplement indiquée , on peut foute-
nir que l ’ ouvrage eft moderne. Les anciens
avoient même l’attention d’iipiter les formes
individuelles de cette partie dans les portraits ,
au point qu’on peut quelquefois reconnoître
dans une tête mutilée , à la forme feule de
l ’oreille , la perfbnne qui étoit repréfentée :
par exemple, une oreille dont l’ ouverture intérieure
excède la grandeur ordinaire , indique
une tête de Marc-Aurele. C’ eft du moins
une règle de connoiffance qu’établit Winc-
Icelmann ; nous laifferons juger à d’autres fi
e lle doit être regardée comme infaillible
La manière dont les anciens trâitoient les
pheveux , peut aider à diftinguer leurs ouvrages
de ceux des modernes. Cette manière
que ces têtes ne foiént des portraits : car l’ar-
tifte le conformoit alors à la nature du modèle.
Aux têtes virginales des femmes, où les cheveux
différoit fuivant la nature de la pierre. Sur
les pierres les plus dures, les cheveux étoient
courts, & comme s’ ils enflent été peignés avec
un peigna f in , parce que cette forte de pierre
étoit trop difficile à travailler pour qu’on pût
en faire une chevelure bouclée & flottante.
Mais dans les figures d’hommes exécutées en
marbres, & qui datent du bon temps de l’a r t,
les cheveux font bouclés & flottans , à moins
font relevés & noués' derrière la tête ,
toute la chevelure eft traitée par ondes &
forme des cavités confidérables qui répandent
de la variété. & produifent des effets de clair-
obfcur. Ainfi font traités les cheveux de toutes
les Amazones.
Quoique dans les antiques , le temps ait
rarement confervé les extrémités , on fait que
les artiftes cherchoient à donner la plus
grande beauté à ces parties importantes. Une
main du jeune âge doit avoir un embonpoint
modéré. De petits trous aux jointures des doigts '
produifent, parleur foible enfoncement, l’ ombre
la plus douce. Les doigts éprouvent une
diminution infenCible depuis l’origine jufqu’ au
bout, telle que la donnent les architectes aux
colonnes d’ une belle proportion. Les articulations
ne font point indiquées , & la dernière
n eft pas, chez les anciens, recourbée, en avant
comme chez les modernes. Quoiqu’ en général les
fculpteurs. é tudiaffent foi gn e ufemen t cette partie,
Polyclete avoir cependant accruis, par excellence
, la réputation de faire de belles mains.
Dans les figures des jeunes hommes , l’ em-
boiture 8c l’articulation des genoux font foible-
ment indiquées : le genou unit la cuiffe à la
jambe par une éminence douce & unie , que
n’ interrompent pas des concavités & des convexités.
Notre, antiquaire regarde comme les
plus beaux genoux qui nous reftent de l’ antiquité
, ceux de l’Apollon faurochtonios de
la Villa-JBorghefe , ceux de l’ Apollon qui a
un cygne à fes pieds de la Vilïa-Médicis, &
ceux d’ un Bacchus de la même vigne. Il re-r
marque auffi qu’ il eft bien rare , dans la nature
& dans les ouvrages de l’ a r t , de trouver de
beaux genoux du jeune âge.
La poitrine des hommes eft grande 8c élevée.
La gorge des femmes n’a jamais trop
d’ampleur. Dans les figures divines , elle a
toujours la forme virginale , & les anciens
faifoient confifter la beauté de cette panie
dans une élévation modérée : on fait même
j que les femmes, employoient des moyens pour
I empêcher cette partie de prendre trop d’accroif-
fement. Les mamelles des Nymphes & des
Déeffes ne font jamais furmontée* par un mamelon
Taillant ; cara&èré qui ne convient;
qu’aux femmes qui ont allaité. C’ eft une faute
que commettent les modernes, quand ils donnent
ce cara&ère à des figures qu’ ils doivent
fuppofer vierges : le Dominiquin l’ a donné à
la figure de la Vérité. ( Article extrait de
W l N C K E L M A N N * )
P A S S A G E S ( fubft. mafe. ) Pajfages &
1 nuances ont des rappprrs affez prochains ; mais
les
les nuanets font lès différens degrés d’ intenfué
d’ une couleur, & les pajfages fignifient en
peinture l’ ufage qu’on fait des nuances pour
parvenir à l’harmonie & la vérité que préfente
la nature.
On dit d’une tête .peinte avec fihefle quant
à Ja couleur , qu’il y a. dans la carnation ,
dans la manière dont cette tête, eft peinte ,
des pajfages d’une fineffe , d’ une legerete ex-
trême ; des pajfages furprenans.
Les pajfages font donc , comme je viens de
le d ire, des nuances dégradées ou des tons
mêlés, rompus, qui donnent à la couleur .générale
& au clair - obfbur, une harmonie &
une vérité dont on eft frappé.
Ce que je dis aux articles demi-teinte, i
accord 8c harmonie, * les rapports les plus
immédiats avec le fujet dont il eft queftion
ici. -
La nature offre fans ceffe au peintre des
tons imperceptiblement dégradés oc c’ eft ce
qui fait la difficulté pour les artiftes qui commencent
à peindre, de diftinguer & de faifir
les pajfages fins du clair-obfcur qui donnent
le parfait relief aux objets, & les pajfages
fins de la couleur, qui en font le charme.
La connoiffance de ces procédés de la nature
s’ acquiert par l’obfervation 8c par l’ étude
des ouvrages des maîtres qui en ont été les
mieux inftruits. L ’heureufe application qu’ en
fait l’Artifte dépend de l’habitude qu’ il
contraéte de peindre d’après la nature, en
méditant attentivement fur certe partie. Cette
habitude particulière conduit à finir 8c quelquefois
même à trop terminer. Les Plollandois
& l’école Lombarde offrent des artiftes qui ont
fait l’ ufage le plus favant de la fineffe des pajfages. Rubens en a fupérieurement connu
l’art, mais il le laiffe fouvent trop appercevoir.
On peut, à l’aide de ce défaut qui fe fait
fentir dans quelques-uns de fes ouvrages, étudier
l’ artifice des pajfages, parce qu’ ils font
défignés d’ une maniéré plus fenfible que dans
les tableaux de plufieurs autres maîtres. Van-
Dyck les cache plus finement; on a peine à
les appercevoir dans Gérard Dow & le peintre
le plus parfait à cet égard feroit fans
doute celui dans les ouvrages duquel les paf-
fages 8c les dégradations feroient aufli inpercep-
tibles que dans la nature.
Les pajfages font donc , en quelque fo rte ,
les tranfitions de la couleur & l’ on fait que les
tranfitions font d’autant plus parfaites qu’ elles
fon infenfibles.Le plus fouvent dans les ouvrages
d’ e fprit, elles font trop vifibles ; mais il eft
vrai q u e , lorfqu’ elles font heureufes, on leur
pardonne ce défaut : c’ eft que 1 dans les Arts
que j’ a’i en vue , l’imagination peut avoir
une grande parta l’ artifice des tranfitions, au lieu
que dans les pajfages des tons & des copieurs,
Heaux-ArtS'lQnu h
la nature feul’e impofe des J dix’fié ver es/ Aufli
les tranfitieinsoont-ellefe, dans - les ouvrages
d’ e fprit, des différences plus marquées que le»
pajfages n’ en ont dans la peinture; car il e f t ,
comme ont le fa it , des tranfitions qui appartiennent
au plan bien médité, des tranfitions
ingénieufes,. qui tiennent à l ’ordre!des idées,;
enfin des tranfitions qui confiffent dans les
tours, & même qu’ on .établit par les differen-»
tes acceptions des mots,.
‘ On peut bien dire aufli qu’ il y a des pajfages
qui tiennent à la compofition & (à la dilpofirion
des objets d’ un tableau; mais ce qu’on entend
pour l’ordinaire & le plus généralement par le
mot pafjages\ en peinture, reft Amplement la
tranfition d’ umton à un autre & des lumières
aux ombres; Je ne me;permets ces. raprochemen»
des parties des différées arts, que pour montrer,
par les détails dans lefquels.-j’ eritre, combien on
s’ expofé à en afin fe r , lorsqu’ on n’ a pas affez
de connoiffance de leur théorie & de leur
pratique.
( Article de M- Wate le t. )
Addition au mot pajfages (*).
On fie fert de ce mot dans l ’a r t ; d’abord,
dans un fiens général, pour exprimer la tran-
fition d’ un effet à l’ autre dans différentes parties
de l’art : ainfi, en parlant du deffin, on doit
dire le paffage du mufcle deltoïde au biceps
doit êvre très - fenfible à raifon de leur fitua-
tion & de leur formes differentes. Rubens a
fçu rendre merveilleufement le pajfage de la
douleur au plaifir dans Vexprejfion de Marie de
Médicis à l’ inftant où elle vient de mettre un
fils au monde. On dit le pajfage de l’ ombre au
clair doit être infenfible, fiurtout dans les objets
circulaires.
En fécond lie u , on fe fert du mot pajfage
dans un fiens abftrait, par rapport au coloris^
L’admiration que les artiftes donnent aux pajfages
fins , légers , &c . dont parle M. "W atelet
dans l’ article précédent, ne fe rapporte qu’aux
j pajfages d’ une teinte à une autre dans lé même
objet. Tachons de rendre cette définition fenfible.
Far exemple : la couleur des tempes eft
d’ un violet fin dans les belles peaux : lorfqu’ il
eft queftion d’ en joindre la teinte avec la
couleur plus rouge des joues, & aufli avec
la différence que produit la naiffance des cheveux
, il faut pour réuflir excellemment que cette
variété de teintes foit fenfible fans être tranchée,
& que l’ artifte paffe de l’une à l’ autre,
(ans que le mélange leur faffe rien perdre de
leur fraîcheur, & de leur franchife. Le même * 1
( * ) N ou s remarquerons ic i q u e , fuivant les circonftaa-
I ces , c e mot s’ em ploie au fin gulie r & au p lu riel dans tous 1 le s fens.
G g g g