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facilité à tracer des idées informes'd’ un poème ,
ou d’ un ouvrage qu’on ne feroit jamais en
état d’ exécuter , au lieu que pour défigner les
formes des objets, ou une compofidbii quelconque
, il faut néceffairement avoir pratiqué
un arc qui n’ eft exercé que par un petit nombre
& n’ eft pas à la portée des,autres. D’ ail
leurs un croqzrs de compofition , par exemple
, rend fenlible aux regards, & prefque
au premier coup d’oeil, l’ idée de toute une
compofition , tandis que le. brouillon qui con-
tiendroit la première penlée d’ un Poème, eft
fouvent difficile à déchiffrer & n’eft jamais
un garant aufli valable de l’ exécution de l ’ouvrage
que celui du Peintre.
On appelle donc brouillon en littérature ,
à peu près ce qu'on nomme croquis en peinture.
I'efquiJJe , comme je le d ira i, a un fens plus
nn peu plus étendu; elle équ i vau droit, pour
fuivre le rapprochement , à ce qu’on entend
par un plan détaillé. Aufli le mot efquifie a-t-il
lieu au figuré dans le langage de tous les
Arts libéraux.
On dit Pefquiffe d’ une tragédie, d’ un Poème»
d’ un difcQurs, d’un grand ouvrage, comme
on dit, V efqidjje d’un tableau.
Pour revenir à ceux qui ordinairement
font plus de croquis que d’efquijfes, je parle
des jeunes a rtiftes, je hazarderai de leur
dire : fi rien n’ ëft fi attrayant & fi commode
pour v o u s , que de produire^ en un inftant
vos conceptions, peu méditées, par des croquis
qui leur reffemblent , foyez affûtés que rien
n’ eft plus nuifible à vos talens naiffans, que
d’en faire une trop grande habitude.
Cette habitude flatte votre penchant & votre
amour-propre ; mais elle, met obftacle à un
développement qui eft nëceffaire. I l n’eft
que trop ordinaire dans la jeuneffe , de fe croire
Peintre & Poète , pour avoir eu quelquesJdées
vagues , & tracé quelques indications de ees
idées , foit avec le crayon , foit-avec la plume.
Cette marque fi incertaine du talent coure peu;
mais il en coûte fouvent beaucoup, à ceux , qui
ont un talent véritable pour mettre la dernière
main , ladernière çorreélion à leurs ouvrages,
& la diftance du premier de ces deux points
à l ’ autre eft grande.
Je ne prétends pas, par cette observation
priver entièrement le- jeune artifte du plai-
fir d’ effayer fon génie i mais fi j’étois digne,
de voiis guider dans, vos études^ & de. con- .
duire votre talent, je ne vous permettrais
de vous fatisfaire par quelques croquis , que
pour vous récompenfer d’avoir terminé d’ une
manière fatisfaifante , la copie de quelque beau
-deflïn des grands Maîtres, parce que vous
eonferveriez , en vous, livrant à votre imagination
, Pidéç de ce qu’il faut ajouter de
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foin’ 3 pour tirer d’un croquis , un ouvrage
terminé.
Le Genie eft un feu dont l’apparition la
plus légère eft toujours brillante. S'i vous êtes
doués de ce feu , 8c fi vous lui avez préparé
quelqu’ aliment, il conservera fa chaleur &
vos croquis enfin auront d’autant plus de
mérite que vous ferez plus en état de les
exécuter. Ceux de Rubens,, de Tintoret, de
Jordans de Naple , de la Fagc même , qui
s’en eft permis jufqu’à l’abus, ont droit d’ intéreffer
les amateurs qui ont des connoiffances & les
Artiftes qui ont affez de talent pour les bien
déchiffrer.
Mais gardez - vous de la manie de grofllr
les porte-feuilles de ces demi-connoiffeurs, qui
fuppoient du mérite à ramaffer dans les atteliers
une multitude de croquis qu’ils baptifent de
noms impofans & qui ne valent pas mieux que
les brouillons de nos jeunes Poètes.
' Ne croque\ pas fur-tout ce qui doit 'être
exécuté avec foin , car fi vous vous ^permettiez
quelquefois de croire qu'une manière expéditive
eft fuffifanee pour montrer du génie , & que la
facilité fait tout excufer, vous ne vous tromperiez
pas moins que le jeune Auteur, qui le;
croiroit d’autant mieux Poète, qu’il compofe-
roit plus promptement ou qu’il écriroit plus rapidement
des vers.
Si c’eft par négligence que vous prenez l’habitude
de croquer vos ouvrages, vous perdre^
votre talent. Si c’eft par le défir du gain , vous
aviliffez l ’Art 8c vous finirez par vous avilir
vous-mêmes. ( Article de M. Æ^a t e l e t )
C ROU TE (fubft. fem. ) On appelle de ce
nom certains tableaux anciens , prefque toujours
noirs & écaillés , quelquefois eftimés des
curieux & méprifés des connoiffeurs. Ce n’eft
pas qu’il n’y ait des croûtes dont le fond foie
; véritablement: eftimable. I l y en a des plus,
grands maîtres; mais I© temps, ou les brocan-.
jteurs les ont tellement altérées;, qu’il n’y a
qu’une ridicule prévention qui puiffe les faire
acheter. ( Arti.de de V'ancienne En cy é lo -
■ pédie)
Le mot croûte eft plus ordinairement employé
pour exprimer tout, mauvais ouvrage de deflïn
ou de peinture. . On dit ce tableau , ce deflin
eft une croûte. On appelle même croûton celui
qui fait dès croûtes. Mais ces deux, mots, font
plutôt.du jargon des atteliers, que de la langue
des Ar.ts., Les jeun es élèves prennent l’habitude/
d’en faire ufage , 8c la confervent dans un âg©
avancé (L.)
CRUD , crue adjeélif. Un ton cmd eft celui
qui ne fe marie pas, ne .fe perd pas avec
le ton qui l’avoifine. Une couleur crue eft
une couleur tranchante , discordante. , trop
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"entière ; c’eft le contraire d’une couleur rompue.
On dit qu’une lumière , qu’une embre,
eft 'crue , lorfque les grands clairs ne font
pas fëparës des grands bruns , par des paf-
fages. (L.)
CRUDITÉ ( fubft... fem. ) l’effet de ce qui
eft criul- .Cette couleur, n’ eft pas affez rompue
, elle fait des crudités. II. y a des crudités
dans ce tableau, (L.) -
CUR IEUX ( adjeéUf pris fubftamivement. )
Un curieux en peinture eft un homme qui
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amaffe des dèflins , des tableaux , des marbres,
des bronzes , des médailles , des vafes 8cc.
Ce goût s’appelle curiofité. Tous ceux qui s’eh
occupent ne font pas connoiffeurs ; 8c c’eft
ce qui les rend fouvent ridicules , comme le
feront toujours ceux qui parlent de ce qu’ils,
n’entendent pas. Cependant la curiofité, cette
envie de pofféder, qui n’a prefque jamais de.
bornes, dérange prefque toujours la fortune ;
8c c’eft en cela qu’ elle eft dangereufe. ( A n i -
cle de l'ancienne Encyclopédie )
, On eft connoiffeur par étude, amateur par
goût, & curieux par vanité (L.)