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près 'd’ y joindre aufli les mots fp irituel & meme
cslefîe.
Nous regardons généralement l’ air comme
ce qui exifte de plus léger, quoique nous le
mettions au rang de la matière. Un objet aerien
nous reprétente donc une fubftance légère, prel-
qu’ invilible & célefte.
Dans la peinture, où l’ on'crée des êtres qu’on
anime à ton g ré , l’ artifte qui donne à fes figures
des formes légères , à fa couleur la légèreté avec
laquelle la nature nous la préfente quelquefois ,
& aux ombres fur-tout ces tons qui fontfentir
qu’ elles ne font que des privations , cet artifte ,
d is-je , eft un créateur intelligent & fpirituel.
Le lég e r , dans la peinture, lorfqu’ il eft
appliqué à la touche & au trait, eft donc à-
peu-près lefynonyme de fpirituel', & lorfqu’ il
a rapport à la couleur , à la lumière, il fè rapproche
des mots aerien & célejle.
Les objets qui demandent particulièrement
de la légèreté dans le tra it, dans la touche ,
dans la couleur, font les c ie ls , les eaux , les
fleurs, les formes de la jeunefle , les. draperies
de gaze , les cheveux , & c.
Lourd eft relativement à l’ a r t, le contraire,
de léoer, comme il l’ eft au phyfique & au moral.
Mais en imitant par la peinture des objets phy-
fiquement lou rd s, il n’ eft pas permis à l’ artifte
d’ emplover un pinceau lourd & une touche
privée de légèreté.
L ’artifte dont l’ intelligence eft lente & la
main peu légère , donne aux objets qu’ il repréfente
un caraÊtère lourd qui peut être un
peu moins fenfible dans la repréfentation des
objets matériels & pefans, mais qui eft abfolu-
ment repréhenfible dans tout ce qui rappelle
l ’ idée de la mobilité.
Dans les autres arts , les mots léger & lourd
»nt à-peu-près les mêmes lignifications. On dit
la légèreté & la pefanteur du ftyle. , des vers
levers \ une expreffion- lourde , ; un tour plein
dè légèreté, une compolition qui aflomme; enfin
dans la converfation même, la meilleure doit
le diftinguer par la légèreté, &: le contour, ou
le raifonueur qui s’ appelantit femble furcharger
ÿu n fardeau qui devient de plus en plus lourd
à ceux qui l’éeoutent.
On pourroit cependant ajouter, à ces -observations,
que je crois ju^ftès en elles-mêmes,
en difànt que fou vent parmi nous on exigé, trop
à cet égard, parce que le léger eft bien près,
du fuperficiel, du frivole dans la converfatiçui
ou dans le récit-, par exemple, il conduit à ce
qu’on appelle le découfu-, c’ eft-à-dire , à ce
paflàge trop prompt d’une idée oii d’ un objet
à' un autre.
Heureufement ce qu’on ne tolère pas encore
L I B
c’ eft: que le léger s’étende au cara&ère , & s’ il
s’ agit de l’ame & du coeur, on exige de la
fo lid it é , parce que le léger alors eft abfblument
i’y non y me de fr iv o le *
Que la jeunefle ait pour appanage la légèreté :
c’ eft le droit de cet âge. A u fli, jeunes artiftes,
fi vous aviez la main pefante & l’ efprit lourd,
vous tromperiez l’ intention de l’arc & la loi
de la nature. Cependant que cette légèreté ne
vous empêche ni d’être correét en deffinant,
ni de vous aflervir aux convenances morales,
à quelque âge & dans quelque circonftance
que vous fbyez : la légèreté en ce génre feroic
un défaut. ( Article de M. IVa t e l e t. )
L i
L I B E R T É , (- fubft. fém.). On entend par
ce mot non-feulement l ’état oppofé à celui d’ ef-
clav ag e , mais encore l’exemption de tous les
aflujettîflemens, de toutes les craintes, qui
rendent là fituation de l’ingénu femblable, à
quelques égards, à celle de l’ efclave.
Ç’eft une qualité importante dans l’ exercice
des be aux-arts. I l faut que le peintre & le
fculpteur, comme le poète & l ’orateur, en.
jouiflent d’ une manière indéfinie, pour produire
des ouvrages d’une grande diftinélion. Tout ce
qui gêne le moral ne peut qu’arrêter les fuccès
qui dépendent de l ’efprit.
Alexandre., d i t -o n , vouloir que les fetils-
nobles, puflent exercer la peinture & lafculpturei,
C ar. les nobles font fenfés jouir d’ un degré de
fortune qui les met au-deflus des befoins. Ils '
i peuvent créer , fans., attendre qu’un homme
opulent les gêne par des ordres ridicules ,
, ceux qu’ ils pourroient recevoir leur font donnés
avec plus de circonfpeétion que ceux qu’on
prefcriroit à un efclave forcé par la nécefïité1
de fubir le joug. Les nobles élevés commune-1
ment avec des.lentimens plus fiers que les gens
du peuple, Te doivent prêter plus difficilement ài
un maître, peu raifonnable qui voudroit contrarier
leur goût, •& leur réfiftance doit contribuer
à lès faire réuflif, en. les laiflant plus libres de
fuivre la pente de leur inclination dans le choix
du genre, où des parties de l’art.
A in fi, en laiflant de côté tout ce qu’une éducation
noble & foignée porte d’avantages avec
elle par les diverfes lumières qu’ elle donne,
on fent combien une honnête extraâion peut
influer fur le fuccès, par l’ efprit de liberté qu’elle
infpire aux artiftes bien nés.
Tout ce que nous difons ici fur le bonheur
d’être noble quand on embrafle les proférions
des arts, s’ éntend de toutes perfonnes qui ont
été élevées & qui vivent noblement. E h ! quel
feroit le leéleur capable de croire que tout c e c i
L I B
„ e peut s appliquer qii’à ceux qui, dans nos
moeurs, tiennent de leurs peres des degrés de
noblefle prouvés par des parchemins. , -
Quand on a dit qu’ Alexandre ne permettoit
qu’ aux nobles d’ exercer les beaux-arts, on a
entendu fans doute que cette loi n’ excluoit que
le s hommes en fervitude ou ceux que la misère
met dans la dépendance. L ’hiftoire des peintres ;
de: ce temps-là prouve cette conféquence raifon-
11 Les Gre c s, imbus de préjugés fùfavorables
au progrès des productions de l’ efprit humain ,
les ont élevées à un point fi éminent, que
depuis elles n’ ont pu que déchoir. Nulle parc les
arts n’ont été fi libres & fi honores que chez eux.
Ils lés ont portés dans l’ Italie ; mais lorfqu ils y
parurent, les Romains , tous guerriers, ne permirent
qu’ aux efclaves de s’occuper des travaux
du génie qu’ ils regardoient comme futiles. De là
vient que, dans ces commencemens, les Romains
n’ eurent point d’artifto-s diftingués. Les
feuls Grecs enrichirent Rome de chefs-d’oeuvre.
Mais lorfque raflafiés de conquêtes , ces maîtres
du monde fentirent le prix des arts, les hommes
libres s’ y adonnèrent, difons plus, la liberté
elle-même fut le prix des fuccès pour le s ’ enclaves
à qui on procuroit les facilités de s’inl-
truire. . .
La liberté eft néceflaire aux talens , parce
qu’ elle élève l’ame & qu’ elle laîfle marcher
Lefprit à fon gré. Ce précieux apanage de notre
imagination eft fur-tout avantageux dans le choix
des fujets & dans la manière de les préfenter. -
Prefcrire impérieufemerit ces premiers travaux ,
c’ eft bien peu connoître leur influence fur le
fuccès, ou bien c’eft avoir formé Pinjufte &
barbare projet d’avilir les beaux-arts par un joug
deftruéieur. ^
I l eft cependant des hommes d’ une ame élevée,
femblables à ce poète qui préféroic les chaînes à
la honte de célébrer un tyran : l ’hiftoire des.
grands artiftes fournit nombre de traits de cette
noble fierté , & il eft commun de les voir
v ivre obfcurément, plutôt que de fubordonner
leurs talens aux caprices de protecteurs ineptes
ou tyranniques.
On objeCte que le maintien des moeurs exige
une févère & exaCte infpeétion. Le refpeét des
moeurs publiques doit fans doute donner des
entraves aux coeurs corrompus toutes les fois
qu’ ils fe mettent en évidence ; mais c’eft aux
éphores, c’ eft à l’aréopage à prévenir & à punir
les éclats licentieux : & fous prétexte de prévenir
ces excès , il ne faut, pas prétendre fou-
mettre les artiftes, dès leur entrée dans le lic é e ,
à la tyrannie d’un ch ef opprefleur, au lieu de
leur donner un Mécène ou encore mieux un
aini.
Artiftes , -voulez | vous donner à vos talens
tg\xte l’ extenfion dont votre efprit eft capable ^
L I C 4 7 ;
ne vous foumèttez pas en efclave s , & tenez-
vous libres dans l ’ éxércice des arts, comme
vous l’ êtes dans l’ air qui vous environne.
Confidérez le Pouflin, Holbein, Michel-Ange,
& ne faites de tableaux & de ftatues qu’ avec
un amour aufli ardent que le leur pour la liberté,
& une égale horreur de tout afferviflemeiit.
Ç’ efl: ainfi que v.os. études produiront de beaux
fruits ; mais foyez sûrs qu’ ils déchéeront dès
l ’ inftant q u é , perdant le goût de cette pré-
cièufe liberté, vous mêlerez à vos propres pen-
fées les caprices des modes ou le goût des per-
fonnes à qui vous voudrez plaire pour obtenir
de petits honneurs ou fatisfaire un vil in-
;térêt.
• Le mot liberté a une autre acception relative
à là pratique des arts : il lignifie aifance, facilité
dans l’exécution ; & , dans ce fens , on d i t , ce
tableau , , cette ft.atue , font faits avec une
grande liberté de main ou de pinceau. On die
aufli liberté de c rayon, peindre, defliner librement,
un pinceau libre , & c .
La liberté naît ordinairement ou d’ une grande
pratique , ou d’une adrefle naturelle, ou d’ une
heureufe vivacité d efprit.
Quoique cette liberté d’ exécution ne fe rencontre
pas toujours avec les grands talens , ainfi
que le prouvent les chefs-d’oeuvre duDomini-
quin & d’ autres hommes habiles ; il faut avouer
qu’elle répand un attrait enchanteur fur les
ouvrages de l ’ a r t , fur-tout pour les perfonnes
qui l’ exercent, & qui feules en connoiflent
bien le méchanifme.
Mais ce genre de liberté eft un vice quand
il n’ eft pas fbutenu d’ un folide favoir.; I l eft
fur-tout funefte au jeune élève à qui la nature
l’ a donné, qui en retire des éloges trop fédui-
fans , & qui n’a pas le courage d’y renoncer
toutes les fois que la fcience & la réflexion ne
dirigent pas les opérations de là trop heureufe
main. V o y t\ l’article I nstru ction. .( A rtic le
de M. R o &im . )
L IC EN C E ; ( fu b ft. fém.) l ’art tient à des
conventions fans lefiquelJes il nepourroitexifter.
Voyey l’article C onventions. I l fe permet des
fuppofitions qui lui prêtent des beautés. On de-
mandoit à Paul Véronèfe la caufe d’ une ombre
qui fourniflbit une mafle a fon tableau : C e f l y
répondit-il, un nuage q u ip a jfe : il fuppoioit
hors de fon tableau un nuage qui produifoit cette
ombre. Mais il eft toujours dangereux de fe donner
des licences \ car enfin elles font réellement
des fautes qu’ un grand fuccès peut feul exeufer.
On peut définir la licence, une faute que l’Ar**
tifte fe permet pour en tirer une beauté. Nou*
n’ entrerons pas dans le detail des licences , puifi-
qu’ il en exifte autant que de fautes qu’on peut
fe permettre : mais nous pbferverons qu’une /i-
cc/icc fuppofe toujours l ’orgueil d’ un Artifte qui