la fréquence de ces. mouvemens câufe à la
peau , &: que rend plus profonde le defféche-
ment des parties charnues. Loin d’être au
nombre des caufes du mouvement & de la vie ,
elles doivent être confiderées comme une dégradation
commencée , qui amènera la cefla-
ti'on de la vie & du mouvement.
I l eft vrai que , pour repréfenter la v ie il-
le f le , il faudra imiter ces dégradations. Mais ,
dans ces détails mêmes, le peintre.d’hiftoire ,
l’ artifte qui ne s’ occupe que du grand , négligera
les rides fubordonnées, les plis de la peau
q u i , dans les vieillards , croifent les grandes
rides : il ne rendra, par exemple, dans le v i-
fage que les rugofirés q u i, par l’â g e , font pref-
que devenues de grandes formes, 8c dont^on
apperçoit déjà le principe dans la force de 1 âge
v ir il. E nfin, il montrera de la vieillefle ce qui
la rend vénérable , & non ce qui l’annonce décrépite
: il n’ affligera pas le fpeélateur par l ’idée
de la deftruéliôn j & lui mettra fous les yeux
non la décrépitude de T ito n , mais la vieillefle
immortelle de Saturne. Cette convenance deviendra
un devoir s’ il veut peindre lé créateur
fous la figure d’ un vieillard.
Nous avons dit que l’artifte doit repréfenter
le s objets dans leur beauté. Or , la beauté des
contours confifte dans une ligne continue,
ondoyante, ferpentine, toujours tendante a
la rondeur, & toujours empêchée d’y parvenir
par des méplats. La beauté de cette ligne fe
perdroit, fi elle -étoit fans cefle interrompue
par les petites formes , lés petits plis , enfin-les
petits détails que les amftes appellent fi énergiquement
les pauvretés , les' miseres de la na-*
ture : expreffion pleine de vérité -, car lorfque
la beauté de nos grandes formes pourroit nous
enorgueillir en témoignant notre force, notre
agilité , l’ efprit de vie qui nous anime , ces
formes fubalternes nous humilient en n’annonçant
que notre misère & la mort qui nous
menace.
Si des contours nous paflons aux parties qu’ ils
renferment, nous fentirons combien 1 art de-
viendroit froid ,. fec & mefquin, s’il vouloir
exprimer à petits coups de pinceau tous les
petits détails qu’on- peut y appercevoir en les
regardant de fort près.
Pour que les formes, aient la plus grande
beauté , il faut qu’elles aient le plus de gran^
deur que leur permet leur proportion reTpec-
tive ; de petites formes interrompant fans cefle
cette grandeur , ajiéantiroient èn même - tems
la beauté. , . %
Les détails dans les accefloires nuifont a
l ’impreflion que doit caufer l’ enfemble. Si l’artifte
charge un v a fe , un aute l, un le&ique
d’ornemens , de dorure, de . bas-reliefs bien
terminés, a-t-il intention que le fpeélateur s’ y
arrête , ou ne s’ y arrête pas ? S’ il veut l’appel-
1 er à ces détails , il veut donc le. détourner
des principaux objets de l’ a&ion : fi c’ eft à ,l’action
principale qu’il veut l’ attacher, pourquoi
s’ expofe-t-il à lui caufer des diftraftions par
ces détails ?
Voyez le peintre des convenances, le Pouflin j
s’ il met. de l’ archirecture dans fes tableaux *
elle lui procure de belles mafles *, elle laifle re-
pofer l’oe il, 8c ne l’attire pas par des ornemens
déplacés. S’ il repréfente des figures majeftueu-
fement vêtues, c’ eft par la beauté des plis
qu’il indique celle de l’étoffe , & il fe garde
bien de la charger de fleurs & de broderies.
Toute partie acccfloire qui fe fait trop remarquer
, arrête l’ attention oc détruit l’ unité,
Paulanias nous a tranfmis une longue deferip-
tion de tous les ornemens qui accompagnoient
la célèbre ftatuë de Jupiter Olympien, ch ef-
d’oeuvre de Phidias. I l paroît que ces ornemens
ne manqueront pas d’admirateurs dans
l’antiquité p parce que ces fortes de fautes
contre le véritable efprit des arts charmeront
toujours le vulgaire de tous les temps, oc Tâ -
» chez d’ appercevoir, dit M. Falconet, .fi cette
» quantité d’ornemens de toute efpèce con-
» couroit au vrai but de l’art on s’ en éloignoit;
» laiflez-là les éloges que les écrivains ont
» pu faire de cet enfemble, ces éloges fufleht- 1
» ils l’écho de l’ admiration des contemporains ;
» & fi après ..en avoir jugé par le goût univerfel
>5 qui l’ emporte fur les fantaifies des temps &
» des pays particuliers, vous trouvez que le
« Jupiter, avec tous fes ornemens, étoit encore
« grand , majeftueux , fublime, vous pourrez
" » trouver qu’ en retranchant une partie de ces
» fuperfluités, il eût été en proportion du
» retranchement, plus majeftueux & plus
» fublime encore. »
: Nous tranferirons ici quelques lignes de M.
Watelet : il les deftinoit à l’article Détails
qui ne s’eft pas trouvé dans fes papiers.
« Les peintres, dans l’ enfance de leur a r t,
» copioient avec foin les détails : c’étoit le
» premier effort d’ un art qui n’ofoit abandon-
» ner un inftant la nature & qui l’ imitoit fans
» principes &: fans choix. L’a r t, dans fa force ,
» né s’ attacha qu’au grand, & négligea, tout
» ce qui pouvoit l’ en écarter ou l’ en diftraire.
» Mais quand les arts ont atteint à la përfec-
» tion qu’accompagne toujours le grand.&r le
» fimpîe, fi l’on en revient à l’imitation des
» petits détails, c’eft un figne de décadence
» que l’ on peut comparer à l’ enfance des vieil-
» lards*
» Je crois qu’ il en eft de même de la poéfie.
» Les premiers poètes s’ étendent fur les details
» aux dépens du goût & de l’ effet. La poéfie
» plus parfaite s’affranchit des détails qui n’ont
» de mérite qu’au tant qu’ ils font bien choifis, » bien placés, ménagés avec diferétion , oc • » qu’ ils
» qu’ ils ne nuifent pas à l’effet principal. Elle
» revient aux d é ta ils , quand le génie eft
» épiiifé.
» On peut faire encore la même obfervation
» fur l’art dramatique. Les premiers drames fe '
» cohtenoient dans les bornes d’une imitation
» fcrupuleufe. Les drames plus parfaits imi-
,» tèrent ce qui étoit grand, exprefîif, utile 8c
» beau. Les drames reprennent enfuite la route
f> des détails communs que leurs auteurs ap-
>» pellent des vérités, 8c font retomber l’art
» au-deflbus de ce qu’ il étoit dans fa première
» barbarie ».
I l eft des vérités dégoûtantes., il en eft de
fades, il en eft d’horribles : elles ne font pas
l ’objet de l’imitation des arts. Ne transportons
ni fur la toile , ni fur la fcène , les gueux
8c les pendus de Callot. ( Article île Æl. L e -
r E S Q U E ).
D EV AN T de tableau ; on nomme ainfi la
partie antérieure du tableau , celle qu’ il préfente
d’abord aux yeux pour les fixer 8c les
attacher. Les arbres s par exemple , qui font
rout à la fois la partie la plus difficile du pay-
fage , comme ils en font le plus fenfible ornement
, doivent être rendus plus diftinéls fur
le devant du tableau-j 8c plus confus à me-
fure qu’ on les préfente dans l’éloignement.
Peut-être que les payfages d’ un des plus grands
maîtres de l’école françoife, du peintre des
batailles d’Alexandre ( Lebrun ) , ne font pas
l’ effet qu’ ils devroient fa ire , parce que ce célèbre
artifte a employé les bruns fur le devant
de ces fortes de tableaux , & qu’ il a toujours
placé les clairs fur le derrière. I l eft donc de
la bonne ordonnance de ne jamais nég lige r,
dans les parties d’un tableau , les règles du clair-
obfcur & de la perfpeâive aerienne,. Ajoutons
en général que le peintre ne fauroit trop étudier
les objets qui font fur les premières lignes
de fon tableau., parce qu’ ils attirent les yeux
du fpeâateur, qu’ ils impriment le premiercarac-
tère de vérité , & qu’ ils contribuent extrêmement
à faire jouer l’artifice du tableau , & à
prévenir l’ eftime en faveur de tout l’ouvrage :
en un mot, il faut toujours fe faire une loi
de déterminer les devans d'un tab leau, par
un travail exa£t, & b ien entendu. ( Article de
M le Chevalier de J au court dans î ancienne
Encyclopédie ).
I l faut obferver fur cet article que ce n’ eft
point un défaut dans un payfage de placer les
bruns fur le devant du tableau , comme l’a infinité
M. de Jaucourt. On voit de très beaux
fpleils couchant de Claude le Lorrain & d’autres
payfagiftes où cette diftribution eft loin de
nuire au tableau. Mais ce feroit en effet un défaut,
en. plaçant la lumière fur les fojids de fes
payfages , de trop forcer les’ brun* fur les 4z~
■ jieaiix-Afts. Tome I.
vans , de ne les pas refletter , & de ne pas obferver
fur les objets qui ne font pas frappé*
de la lumière, l’ effet que produilènt les parties
lumineufes dont toute la mafle de l’air eft
imprégnée, ( L . )
D i
DIMENSIONS. Les dlmenfions relatives
entre l’objet qu’imtte la peinture & l’objet
imite, influent fur l’effet & fur les moyens
qu’employe l?art.
Cette partie n’a peut-être pas été confidérée
autant qu’ elle mérite de l’ être.
I l n’ eft qu’un certain nombre d’objets dans
la nature qui puiflent être imités dans les
mêmes dimenfions qu’ ils préfentent ; il en eft
un bien plus grand nombre que le peintre eft
obligé de repréfenter dans des dimenfions plus
petites. Ces deux fortes d’ imitations doivent
agir & agiflent en effet par leur dimenfion
avant de produire aucun autre e ffet, parce que
la dimenfion eft ce qui nous frappe meme avant
que nous ayons fixé nos regards fur l ’objet
imité.
I l paroît naturel de croire, & je penfe
même qu’on ne peut douter qu’un objet, une
figure d’homme ou de femme, par exemple ,
repréfentée dans la grandeur & les proportions
naturelles , ne tire au profit de l’illufion un
premier avantage de la conformité des dimenfions.
I l eft une infinité de circonftances où cet
avantage eft fenfible. En effet on ne peut douter
que la repréfentation que Rembrand fit de
fa fervante dont il expofa le tableau à fa fe nêtre
n’auroit pu tromper lespaflans, fi l’ imitation
avoit été plus grande ou plus petite de
proportion que la nature.
Mais il faut obferver que plus ce moyen
fert de bafo à l’illufion, plus cette illufion fe
détache pour ainfi-dire du libéral de l’art*, &
en effet rien de fi commun que de voir des
repréfentations peintes qui , découpées 8c placées
avec adrefle, trompent ceux qui les apper-
çoivent fans avoir , à beaucoup près, les
perfeélions qui font eftimer l’art. La repréfentation
d’ un homme aflis dans un cabinet, tenant
un livre , celle d’ un chien , d’ un ch at,
d’ un amas de papiers 8c de livres placés bien
avantageufement dans les endroits où on doit
naturellement les rencon:rer , obtiennent afleis
facilement l’hommage d’ une illufion comple.tte,
8c cependant ces ouvrages ne méritent a l’art
8c à l’artifte que l’ applaudîflement qu’pn,donne
à une malice adroitement concertée , & quir
réuffit comme on l’a defiré.
I l faut penfer qu’on fait naturellement alorr
une diftfo&ion trè« - fine entre tromper avës*
B b