êc de nuances , de jours & d’ombres., te s
lo ix 8c le procédé de la lumière , exigent
qu’il n’ y ait véritablement dans un objet éclairé
, qu’ un point où cette lumière frappe plus
directement ; en partant de ce point, la lumière
, ainfi que la couleur qui reçoit d’ elle Xes
modifications , fe dégradent ou fe graduent en
raifon des plans , mais par des progreflions
multipliées & fi inappréciables à notre organe
vifue l , que les regards les plus attentifs &
les plus perçans ne peuvent fixer les limites
de chacune d’ elles.
Les peintres occupés à lesobferver, parviennent,
infenfiblement à les diftinguer, non pas
avec une précifion géométrique, ce qui eft
impoflible -, mais affez fenfiblement pour les
im ite r, autant que l’ art l’ exige & le comporte.
Mais ceux qui ne s’ exercent pas autant
qu’ e u x , n’en ont qu’une idée vague , & ne
diftinguent réellement que les différences très-
marquées de ces progreflions. On peut obfer-
ver à cette occafion que l’ufage que nous fai-
ions communément de nos organes & de nos
fens , eft pour le plus grand nombre l’ouvrage
de l’ inftinCt , & que l ’ufage perfeftionné par
l ’obfervation, 8c fur-tout par la compàraiion,
méditée & raifonnée, exige que nous foyons
conduits à cette obfervation attentive par quél-
qu’occupation qui nous la rende néceftaire
8c nous en faffe contraâer l’habitude. I l pa-
roîtra fans doute extraordinaire à ceux qui
n’ ont pas réfléchi fur ce fu je t , de me voir
avancer que la plus grande partie des hommes
ne lavent ni v o i r , ni entendre , encore moins
toucher, goûter & fentir.
Ils adopteront cette vérité , s’ ils voyent avec
difeernement opérer un peintre j s’ ils font témoins
de la finefl'e avec laquelle un habile
Muficien diftingue un comma, c’ eft-à-dire,
une nuance prefqu’ inappréciable d’ un fon ;
enfin, ils n’auront plus de doute fur mon
affertion, s’ ils obfervent les fecours qu’ un
aveugle tire de fon taél , le fin gourmet de
fon palais & le voluptueux Afîatique , amateur
des parfums, des organes de fon odorat.
Si l ’ on palfe un moment des organes phyfi-
ques de nos fens aux organes intellectuels ,
c’ eft-à-dire, aux facultés de notre efprit, on
verra combien l’ homme commun ( ce qui em-
bralfe la plus nombreufe partie des fociétés ,
même les plus inftruites ) , eft loin de jouir
de la perfedion dont eft fufceptible fon
intelligence. J ’appelle ici perfedion d’ intelligence
, celle que chaque individu pourroit
acquérir par l’habitude.
Chacun de nos fens (pour revenir à mon
fujet ) , a donc fon ufage d’ inftind , ou ufa-
ge commun , & fon ufage perfectionné.
Le peintre colorifte exerce & perfedionne
le fens de fa' -/ue, c’ eft-à-dire , qu’ il obfervfc
8 c' compare , & peu-ù-peu fes yeux s’ouvrent ,
pour ainfi dyr%f : il diftingue enfin affez
pour établir des divilions de nuances dans les
progreflions des lumières & des couleurs.
Celui qui eft plus propre à ce perfedionne-
ment de fes organes, devenu beaucoup plus
clair-voyant qu’on ne l’ eft ordinairement, croit
avoir pénétré le feeret de la nature-, mais combien
il en eft encore loin ! car s’ il employé
les fecours que peuvent lui fournir les verres
convexes , il apperçoit aufli-tôt un aufli grand
nombre de nouvelles divilions à faire qu’ il en
a déjà faites , & il doit finir par penfer que
l’homme fuppofe le plus fouvent à la nature
des marches qu’ elle ne fuit point, 8c que les
divifions font des fecours que notre foibleffe
nous fuggère lorfque nous nous efforçons à con-
noître 8c à fuivre nous-mêmes cette nature qui
unit tout, fépare tout, qui n’a point de nomenclature
, de graduation marquée , de féparations
fenfibles. Nous fommes enfin, à ces égards,
comme le géomètre qui fuppofe le cercle une
figure compofée d’ une infinité de côtés, pour
parvenir à des approximations de mefures qu’il
defire fe procurer, fans pouvoir arriver à une
évaluation précife.
Les dégradations de la lumière , de l’ombre
qui en elt la privation , & des couleurs , eft
donc en effet progreflive <à l’ infini, fans divifions.
Si le peintre y établit des divifions , c’ eft
qu’ il ne peut procéder autrement. Plus il les
multiplie méthodiquement, d’après le foyer
du jour 8c les plans , plus il approche de l’imitation
vraie du relief des corps. ( Article de
M. /P^ATBLET, )
DEGRÉ , ( fubft. mafe. ) I l rfefi point de
degré du médiocre au pire , a dit Boileau , en
parlant de l’art des vers. C’eft qu’un art dont
le but e ft de plaire ne remplit point ce but s’il
n’ eft exercé qu’avec un talent médiocre. Le
public a confirmé l’arrêt févère prononcé par
Boileau -, il ne lit plus que les vers des grands
poètes. De la foule innombrable d’écrivains en
vers que la France a produits dans le dernier
fièclé, il n’en eft guères refté plus de fix qui con-
fervent des lçCteyrs.
L e même jugeaient fembleroit devoir s’étendre
fur Jes ouvrages de peinture, ma s commerie
luxe donne la qualité d’ utiles à bien des objets
fuperflus, & que les tableaux ont l’ utilité
de meubler des appartemens, on a jugé moins
févèrement les tableaux que les vers. Un poème
médiocre n’a pas l’utilité conventionellç d’être
regarde comme un meuble, & ne pare pas un
fallon comme un médiocre tableau. Ajoutez
que tout homme qui fait un peu fa langue a
les premiers élémens. de la connoiffance des
vers 9 & que peu d’hommes ont les premiers
élémens
élémens de la connoiffance de la peinture*
A in fi, faute de ju g e s , des tableaux médiocres
font mis au nombre des excellens tableaux , 8ç
le propriétaire a la fatisfaClion de les regarder
8c de les faire regarder à bien d’autres comme
'des chefs-d’oeuvre. Mais comme un livre n’ eft
pas d’ un grand prix , que la multiplicité des
exemplaires lui ôte le mérite de la rare te ,. &
qu’il a un grand nombre d é ju g é s , la vanité
de celui qui le pofsède.eft plus intéreffée a le juger
févèrement qu’ à le prôner comme^ un chef-d’oeuvre.
Le propriétaire d’ un tableau cherche a
en relever toutes les beautés véritables ou imaginaires
, pour prouver qu’ il a un meuble de
prix,* le propriétaire dun livre cherche a en
faire remarquer les défauts , pour prouver qu’ il
eft homme d’ un goût délicat.
Cependant, fi l’on confidère le petit nombre
de peintres dont les noms font connus des hommes
qui ne font pas en quelque forte un métier
de connoître les noms oc la manière de
tous les artiftes , on avouera qu’ il en eft de la
peinturé comme de la poéfie, & que , dans ces
deux genres de talen-s, le médiocre ainfi que
le pire eft confacré à l’obfcurité,
Four décider cette queftion , e’eft la voix
publique qu’ il faut conliilter , & non la vo.x
d’un petit nombre de curieux qui fe piquent
de connoître ,au moins par leurs noms , ou tous
les peintres ou tous les poètes.
I l a paru dans le fiecle dernier un grand
nombre de peintres d’hiftoire qui ne man-
quoient pas de talent. I l n’ en eft guère que
trois dont les noms foient connus aujourd’ hui de
. ce qu’on peut appeller le public .a joutez encore
à-péu-près le même nombre qui eft connu des
hommes qui aiment particulièrement les arts.:
le refte leroït oublié s’ il n’ y avoit pas des gens
qui mettent de l’ importance à connoître la nomenclature
pittoresque, comme il y en a qui ,
fe piquent de pofféder la nomenclature biblio- I
graphique.
. Le fiecle où nous vivons a produit encore
plus de peintres que le fiècle dernier *, il ne
parviendra peut-être pas un plus grand nombre
de leurs noms au fiècle futur.
Je ne crois pas que cette obfervation foit
inutile j elle doit engager les artiftes , amis
de la gloire , à ne pas fe contenter de ;cette
médiocrité de talent qui leur procureroit un
rang eftimable entre leurs contemporains. Ce
n’eft qu’ en s’ élevant au-deffus de leurs éiimles
qu’ ils fauveront leurs noms de l’ oubli. Qu’ ils
lâchent qu’un bon peintre n’ eft qu’ an artifte
eftimable, 8c que les grands peintres feüls in-
térefferont la poftérité. De fort bons peintrês
décoraient les palais du monarque , leshôtels
des grands, & les murs.de nos temples fous le
règne de Louis X IV : mais ce lie font plus que
les noms du Pouflin , de Lefuçur, de le Brun
Beaux-A /ts. Tome L
que; nous prononçons . av.ee refpeCt. ( A rticle
d e .M . L e v e sq u e . )
D É L IC A T E S S E , ( fu b f t . fém. ) La délicate
(fe , dans fon acception propre, eft oppofee a
la force : un enfant délicat eft le contraire d un
enfant robufte. On d it, en parlant d’ une étoffe ,
que les couleurs en font délicates , pour faire
entendre’ qu’ elles doivent, fe paffer aifement :
une fleur délicate eft celle qu’on ne peut toucher
fans la flétrir *, une plante délicate ^ eft
celle dont la foibleffe ne peut réfiiftçr a la
moindre intempérie.
Les mots délicat , déliedtejje, en paffant dans
la langue des a r ts , ont conlervé leur première
fignification. Ainfi , dans lès arts > la delica-
tejje exclut la force 8c la grandeur. Ce feroit
faire un bien mauvais éloge, d’ un plafond,
d’ un tableau d’ autel que de dire qu’ ils font
peints délicatement, -■ ^
Mais la délieatejjc, peut convenir a^une miniature^
à un petit tableau , qui doit etre considéré
de fort près, 8c dans lequel l’auteur s eft
propofé. de plaire par un pinceau délicat. On
loué un tableau de fleurs , en difant qu’ il eft
peint délicatement, que la touche en eft délicate
: dans ce g enre , le mérite de l’auteur eft
d’exprimer la délïcatejfe des objets qu’ il re-
préfenté.
Le fo ign é n’ eft pas toujours délicat ,* mais
le délicat eft toujours foigné.
On peut dire en parlant d’ une affeCtion douce
8c agréable, que le peintre l’ a délicatement
exprimée, .
Quant aux genres qui exigent des qualités
bien différentes de la délieàtejfe , on a dit avec
raifon , dans la première Encyclopédie , que le
délicat eft une façon de peindre 8c de defliner
qui approche du mefquin, fans qu’ on puiffe
cependant lui reprocher ce vice ( A rticle de
M. L evesque. )
D EM I-T E IN T E . Ce terme de l’ a r t , compo-
fé de deux mots, s’ explique de lui - même ,
quant à fon fens le plus général ; mais pour en
donnër une idée plus précife, il eft néceffairo
d’ entrer dans quelques détails.
Chaqiie couleur peut fe divifer en nuances ,
ou teintes , & les teintes fe peuvent fubdivifer
encore : mais le fens du mot demi-teinte no
doit pas être pris à la lettré *, car toutes les
couleurs peuvent être modifiées ou rompue#
dans diverfes proportions , & toutes les teintes
peuvent, fuivarit l’ emploi qu’ en fait l’a rtifte ,
prendre le nom de demi - teintes lorfqu’ elles
fervent dans l’ harmonie du tableau de paffage
d’un ton à un autre.
Ainfi quelqùès ouvrages de peinture qu’on
appelle heurtés , offrent louvent certaines cou--
I leurs entières, qui y tiennent lieu de demies.
a