
tions trop dures, les ombres devenues noires,
ont rendu, avec le teins, Tes tableaux de deux
feules couleurs,*le blanc & le noir y dominent,
& ces ombres ténébreufes que fa prétention à
un certain effet ^répandues fur fes ouvrages, ont
enveloppé dans leur obfçurité les parties excellentes
, dont cet habile Artifte devoit tirer fa
gloire. I l eft donc de juif es bornes qui limitent
la perreftion en tout genre, 8 c les excès font
fes ennemis redoutables.
Au r e l ie , un tableau qui offre un effet général
, produit fur tout. le monde une fenfa-
tion intéreffante, comme une pièce de théâtre
jntéreffe, lorfqu’ il y domine une.intention marquée
, une moralité & un çaraébère auquel toutes
les parties concourent.
Le çaraéfère doit être exprimé par les principaux
traits qui le diffinguent, par l’ art de la
difpofition des objets, par leur enchaînement,
leurs rapports & les oppofitions qui leur conviennent.
Quoique la nature- femble autorifer
l ’excès des détails , cet excès eft un obftacle
à l'effet théâtral, & à Veffet pittorefque.
Cependant, cette obfervation n’autorife pas
à les fouftraire indiftinélement, mais à choiftr
peux qui font effentiels ou favorables, pour établir
ou rendre plus frappant le çaraétère qui do it'
dominer. Se déterminer avec juftelfe , c’ eft le
propre d?un génie grand, qui danscechoix, em-
braffe les details d’ un objet, mais qui ne s’arrête
qu’ à ce qui lui convient. I l ne fe laiffe
point féduire parce qu’ il ne perd jamais de vue
le but où il tend. Un peintre à’ effet, eft ordi-„
nairement un homme de génie ; 8 c dans tous les
arts, le g énie, lorlqu’ il eft fupérieur, dévoile
la feieneè des effet s ; la poéfie, ainfi que la peinture,
la mufique, ainfi qu& fes deux fe eu r sn e
pourront jamais prétendre que par cette voye
a des fuccès éçlatans & à çette approbation genera
le , qui eft fi flatteufe. Les autres parties auront
des adminiftrateurs, les grands effets réuniront
tous les fuffrages. L’ hommage qu’on leur
rend e ft , pour ainll dire, involontaire : il ne
doit rien à la réflexion-, e’ eft un premier mouvement.
( Article de M. e l e ? ).
E f f e t . Les vues ingénieufes que renferme
l ’article qu’on vient de lire , ont befbin d’être
accompagnées de principes plus poûtifs : ils nous
feront fournis par un profeffeur de l’art.
Quoique fes principes des effets fbient écrits
dans la nature, il faut, pour les y lire & les imiter
exa&cment, faire attention que foit qu’on éclaire
une figure du jour naturel, ou d’une, lumière
artificielle, il doit y avoir un premier clair,
qui domine tous les autres. Ce jour principal
doit être? placé fur la partie la plus propre à
le recevoir d’ une manière large. I l ne doit
point être répété, mais on doit le rappeller fur
Ja figure par dès échos qui empêchent qu’étant
|>ul jl fie prpdulfg une crudité défagréable.
La principale lumière étant aînfi bien diftrr*
buée , on aura foin de la faire valoir par de
grandes parties de demi teintes qui la furpaffenc
en volume. Pour lui donner le dernier piquant,
on l’accompagnera de' maffes d’ombre qui équivalent
en étendue & Je volume que la lumière
occupe, 8c celui qu’occupent les demi-teintes.
Nous prévenons le leéleur, & fur-tout les
artiftes q ue , par malfes d’ombre, nous n’ entendons
pas ici des malfes noires, mais de fimples
privations de lumières, des parties fourdes qui
doivent leur vigueur à leur étendue plutôt qu’à
leur obfçurité. Elles doivent être toujours relatives
à la vivacité du jour qui les produit, à la
difttance doù ce jour agit fur elles, & aux reflets
qui les environnent. Airifi les ombres en pleine
campagne ou dans les airs font vagues 8 c légères;
elles font plus fourdes dans les endroits fermés;
mais elles ne lont noires que dans les caveaux;
Les ombres trop obfcures rendent l’ouvrage
trifte , fombre, aifgracieux ; les ombres vagues
le rendent aimable, vigoureux & vrai. Les
maffes brunes doivent être d’autant plus vagues
qu’ elles font plus la rg es; d’ où il s’ enfuit que
plus les maffes feront grandes, plus le tableau ,
fans manquer de vigu eu r, fera fuave 8c lumineux.
Cette propofition qui d’abord paroit tenir
au paradoxe , devient une vérité décidée dès
qu’ on l’approfondit. .
Les reflets, néceffaires au parfait arrondiffe-*
ment des corps , feront placés dans les parties
tournantes. Comme ils ne font que la réverbération
des rayons de ce qui les environne, ils feront
d’autant plus vifs , qu’ ils feront produits par
une lumière plus brillante , & fe perdront dans
l’ombre lorfqu’ils ne feront oçcafionnés que par
une foible lueur : obfervons que les reflets étant
les lumières des parties ombrées, doivent être
placés fur le milieu du corps pour en former
l’arrondiffement, comme on y place les lumières
dans les parties éclairées par le- jour.
Les lumières, lçs demi-teintes, lçs ombres
& les reflets auront leur é cla t, leur fraîcheur,
leur force & leur beauté relativement au voifi-*
nage ou à i?éloignement du principe qui les
produit.
Qu’ il y ait toujours une demi-teinte entré
les lumières & les ombres , pour que leur opposition
ne produife pas des duretés. I l eft néan-*
moins des occafions où. l’ombre peut trancher
fièrement fur la lumière ; mais çe n’ eft guère
que lorfque deux çorp3 contigus agiffent l’un
fur l’autre*
Que les ombres portées fbient plus fortes
que çelles des fobjets qui les portent , & que
leur force foit altérée dès qu’ elles recevront quelques
reflets pu du fol de la terre ou des corps
qui leur font voifins.
Tous les objets fe détacheront de leur fond
par
par des partis décidés. Leurs contours & leurs ]
détails ne feront prononcés .qu’ a ratfon de la -lumière
qui les éclairé: Ce n’ éft ’pas toujours, la
pirtie'jà plus proche de i’oeil dû iÿéâate.iîr‘ «psi
doit être la plus arrondie , la plus' i'echerchêe ;
c’ eft Usité que' lé* jour frappe de'l’éclat le plus
lumineux. '
On ne doit jamais affecter dé détourner les
lumières & les ombres des endroits où la nature
les place. En vain voudroit-on prétexter la Angularité
de quelcju’ accidén.t p ifto re fq iiem faire
valoir le droit & les licencel du genie“, le beau
ne confiite que'dans le vrai : S’ il1' eft dès effets
qui partent d’ un autre' ’principe , fuffe’n't-iis>fé-
duifans , ils n’ offrent que des beautés faftices
& nianièrees. .
Ces principes de 19effet font en même-temps
ceux du clair obfcùr, & conviennent à un
fimple deffin. Les principes.de l’ effet d’ une cosn-
pofition font à peu de chofe prés les mêmes.
La lumière principale doit, toujours ty~ dominer
& être foutenue par d’autres lumières Subordonnées,
elle -.doit au tant qu’ il eft poifible fu ky:e ,
une marche diagonale, \8 ç former' une. chaîne j
dont l’ oeil ne perde pas.lqs chaînons... .
-Des demi-teintes doivent la; fout e ni r;.; Elles ;
font les, r efforts les plus propres_à fakemouvoir
une machine pittorefque, 8 c fervent également
à relever-l’éclat des lumières 8 c la- fierté des
ombres par, la fubordinâtion de bèâiité où on
les foùniet à l’égardr des, unes , 8c de forcé à
l ’égard des autres! Lé volünlé des maffes’ de
demi-teinte doit!être plus confidéfàble que celui
des lumières, par le principe général qui
preferit que toute maffe qui foutient foit plus
large que la maffe foutenue.
Une maffe de demi1-te in te peut fçrvir à étendre
celle de la lumière ou à faire cppcfiribn
avec elle. Dans1 le premier effet, on doit l’op-
pôler à un fond obfcur qui la faffe briller ; pour
lors elle peut être regardée comme lumière fe- :
coiide. Dans l’a u t r e e l l e doit fe détacher fur
un fond clair qui lui donne la confiftànce, la
folidité, la valeur dont elle abefoin pour faire
un contrafte frappant -, niais dans l’une 8 c dans
l’autre cirçonftancé, la maffe dé demi - teinte
doit être foutenue ’par une maffe d’ombre , non-
feulemënt plùs ‘ çonfidérablê qu’ elle , mais encore
plus étendue' quë la dëmi-te’inte & la lu-:
mière réunies enfemble. C’ eft cë qu’ont penfei
& opéré la plupart des grands maîtres qui con-
noiffoiënt parfri ement la magie des effets.
Les ombres donnent aux demi teintes l’ éclat
dont celles-ci font briller la lumière. Elles veulent
être traitées d’ un tón v a g u e , par maffes
plates 8ç ne doivent offrir' que de très-légers
détails, des chofes qu’ elle Voilent.
Les ^reflets, achèvent d’ opérer l’ illufion que j
l ’ artifice des lumières, des demi-teintes & des .
ombres à voit artiftement entamé -.un objet ne |
B la u x -À r t s . Tome I.
pëut être arrondi fans le fecours des reflets ;
c’ eft par leur entrémife qu’ il prend le plus parfait
relief.
Ainfi quatre efpècës de maffes entrent dans la
friagie des ; effets d’ une compofition maffes» de
lumière’, màilës'deidemi-reinte , maffes d’ombre
8 c maffes de reflets.' Elles font toutes d’ une égalé
importance, 8 c ne produifent l’ illufion qu’au ta ne
qu’elles font 'toutes parfaitement entendues. De
combien de combinaifç>n.s ffcduifanres ne font-
elles pas fufcepiibles ? De combien d’ ingénieufes
variétés leur concours ne peut-il pas être la
four c e i .!
Un?. ;maffé de; demi-teinte qui ^relève l ’éclat
d’ un objébiumineux é ft-elJe ici oppofçé à un
fônd clair ? L à , e lle fe ■ trouve en contrafte
avec un objet vigoureux en brun qui la'rend
lumineufe elle - même. Non loin ce font des
maffes claires qui , par. leur couleur propre , fe
détachent fur, un c ie l brillant ; plus ..près , des
ombres fières qu’éclairent de ,tendres reflets.
Tantôt, .c’eft fur, un fond ..fuave que fe. détachent
des objets obfcurs ; & tantôt c’ eft far
la plus fombre des forêts, qu’ un temple lumineux
qui la chaffe dans le lointain, paroît ,
s’avance Sc repouffe fur les premiers plans des
grouppes vagues , affaifonnés des touches de
brunie? plus fortes. Ces partis divers, fuc-
ceflivement ramenés 8 c employés à l’ appui les
uns des autres., peuvent former des effets v z -
tiéfr .qupj l’ artifte multiplie autant qu’ il veut.
I l lu i'fu flit de faire attention qu’il n’ y arien
d’ abfolu dans la nature ; que rien n’ eft clair ou
brun , gris ou coloré, grand ou petit, vigoureux
pu iii ave que par le contrafte de ce qu’ c h
lui oppofe.
A ces principes qui conduifent à l ’effet dans
le. deffin 8 c dans la compofition , il faut joindre
!ceux. qui concernent l’ illufiôn des effets que
produit la couleur. Lorfque l’ artifte aura epuj-
fé fur fbn ouvrage J es beautés de précifion 8c
d’exaditude , dont fon favoir pittorefque lui
permettra de l’enrichir -, que , fuivant l’ indication
de la nature, il colore les objets les uns
fur les autres, en leur oppofant tantôt des
fonds plus clairs , tantôt des couleurs propres
plus lumineufes , ou qu’ il les détache en les
mettant, fuccefîivement en contrafte avec dçs
fonds plus obfcurs , & avec des couleurs plus
fourdes 8 c plus éteintes.
Qu’ il réveille les lumières par des reluifans
trompeurs, 8 c par les ombres les plus vigou-
reufes, diftribuées à propos dans les endroits
où les reflets du jour ne fauroient pénétrer. Il
faut ufer de grands ftratagêmes pour opérer de
grands effets de couleur.
On doit les concevoir, ces effets, par grandes
maffes. Le moyen affuré de faire illufion, eft
d’attirer la vue par des accidens larges, fou-
tenus , 8 c réduits, autant qu’ il eft polïïble, à
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