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«occupations. Mars, en employant le réfultat à
les aflembler d’une manière fl peu vraifem-
tla b le , il me femble avilir les études , & dénaturer
leur but. J ’ ajoute que Raphaël chargeoit
probablement quelqu’élève , à main légère &
adro ite , des grottefques des loges du Vatican
(i) 9 & qu’il a pu feulement s’ occuper à
tracer quelques - uns des beaux camées qui s’ y
vo y en t, travail dans lequel il étoit fi bien
fécondé par les talens de Polidore de Caravage.
{A r tic le d e M . R o bin . )
Les G rottesques ont donné lieu à une opi-
n :on de Winckelmann qui méritoit d’être
di(butée. Audi l’ a-t-elle été par un habile àrtifte ,
M. Falconet.
Parmi les peintures tirées des fouilles d’Her-
culanum, quelques - unes compofées de bandes
longues & étroites offrent différentes féparations,
dans lefquelles font repréfentées de petites
figures traitées à la manière égyptienne.
. Entre ces féparations remplies defigur.es , 8c fur
la bordure de ces tableaux , on a pratiqué des
ornemens dont le goût & la forme font très-
baroques.
Voilà bien les grottefques qui étoient à la
mode du temps de V itru v e , & dont le goût
duroit encore, lorfqu’Hercuianum fut englouti
fous les cendres.
Winckelmann , dans fa dernière édition de
l ’hifloire de P a rt, a cru que cette obfervation
lu i fourniffoit le fens d’ un paffage obfcur de
Pétrone. Ce romancier fatyrique , après s’ être
plaint de la décadence. des lettres,- ajoute :
Pichira quoque non alium exitum f e c it , pofi-
quam Ægyûorum audacia t&m magnoe artis
■ compendiariam invenit. Si l’on n’y eût pas voulu
entendre finefle, il étoit aifé de traduire cette
phrafe, en fuppléant, à l’adjeélif compendiariam ,
le fufiantïf fous-entendu viam ; ellipfe familière
à la langue grecque , & qui l’étoit devenue
à la langue latine , depuis que les Romains
avoient fait pafier les hellenifines dans leur
langue. « La peinture , dit Pétrone , arriva
» de même à fa décadence, quand l’audace des
» Egyptiens eut trouvé le moyen de réduire
» un fi bel art en abrégé ».
Winckelmann a cru que ces compara mens dont
nous venons de parler, cette forte de peinture
égyptienne , ornée de figures , & corapofée
d’ idées les plus bizarres, étoit ce que Pétrone
appelle F abrégé de Part, a II lui a fans doute
» donné ce nom, d it-il, parce que ce genre
» étoit une imitation des Egyptiens qui déco-
» roient leurs édifices de pareils ornemens. La
» haute Egypte offre encore aujourd’hui des
» palais & des temples qui repofent fur des
i j ) Get élève fut Jean da Udine , habile à peindre les
<â£raux , les quadrupèdesles fleurs Se les fruits, Note de £ Ed iteur,
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» colonnes d’ une grandeur énorme, t e s oc~
» lonnes, ainfi que les murailles 8c les pla-
» fonds de ces édifices font entièrement incruf-
» tés d’héiroglyphes, & couverts enfuite dç cou-
» ches de peinture. C’ eft à ce fracas de lignes
» & d’images que Pétrone compare les ornemens
» remplis d’ une multitude de petites figures infi-
» pides, qui étoient alors le principal objet de
» la peinture. On aura donné le nom de com-
» pendiaria à ce genre, à caufe de la multi-
» plicîté & de la diverficé des chofes entaflees
» dans un efpace refTerré 8c réduites en abrégé ».
Mais la multiplicité n’ exclud-elle pas l’idée
d'abrégé ? N’ eft-ce pas une interprétation un
peu forcée que d’ expliquer une grande diver-
fité de chofes entaflees par le mot abrégé? N e
feroit-il pas plus vrai de dire qu’un abrévia-
teur élague , retranche, & h’ entaffe pas ?
D’ ailleurs un paflàge où Pline fe fert de la
même expreflion que Pétrone , nous fait bien
voir qu’ elle n’indique pas des moyens de çom-
pefition , mais d’ exécution. I l nous repréfente
Nicomaque comme un peintre d’ une exécution
rapide ; nec fu it alius in eâ arte velocior ; il
ajoute que Philoxene , fon difciple , imita la
promptitude de fon maître & qu’il imagina des
moyens abrégés de peindre, qui dans la fuite
ont été rendus encore plus expéditifs; breviores
etiamnum quafdam piclurce v ia s & compendia-
na s invenit. ( Plin. hift. nat, 1. 35. c. 10 . ) On
voit que Philoxene devint encore plus expéditif
que fon maître , en peignant cependant le
même genre * c’ eft-à-dire, celui que nous appelions
hifioire * & qu’ il ne peut s’agir ici' de
i’ ipvemion des grottefques. I l ne s’en agit dons
pas non plus dans le paflage de Pétrone, qui
enploye les mêmes termes que Pline.
Ce qui eftfingulier c’ eft que Winckelmann,
qui s’eft égaré lui-même, & qui, par la confiance
qu’il mérite quand il parle des arts antiques
, a entraîné dans l’erreur un très-favant
éditeur de P lin e , avoit trouvé la véritable interprétation
du paflage de Pétrone , & l’avoit
folidement établie dans fa première édition de
P hifioire de Fart.
» L’éxamen d’ un bas-relief delà villa Albani*
» dit M. Falconet, eft pour Winckelmann un
» coup de lumière qui le conduit rapidement
» à développer un fens que , jufqu’à lu i, per-
» fonne encore n’ avoit apperçu. I l v o it , dans
» les ouvrages égyptiens, un ftyle petit, refler-
» r é , plat, & qui devoir être d’ une exécution
» abrégée, parce qu’ il étoit produit làns étude
» 8c par la feule routine; dans le nud, les par-
» ties d’ expreflïons rondes & d’un deflin à peine
» indiqué; les os, les mufcles, les veines foibJe-
» mçnt exprimés ou totalement publiés : puis-
» ailleurs , il obferve que , fous le règne de
» Ptolémée Phyfcon, prefque tous les artiftes
» le retirèrent d’ Egypte & le réfugièrent dans
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» la Grèce : ce fut alors que le ftyle égyp-
» tien corrompit l’ art en Grèce & en Italie ,
» ce qui devint plus ou moins général. Vm-
» là ce qui achevé d’ expliquer le paflage diflj-
» cile de Pétrone & de juftifier fa plainte. Ce-
» pendant Winkelmann a jugé à propos de chan-
» ger d’avis dans la fuite^. . . Mais il donne
» encore un coup d’oeil de complaifance fur
» fon ancienne interprétation. I l a pu arriv er, » dit-il, que Us artifies de ces temps s effor-
» cérent d ’imiter F ancien fiy le , dont les coti-
» tours peu ondoyons s approchent .de la maniéré
» égyptienne. Létoit ma première conjecture
» que f appliquais à Fart en général».
Cette conje&ure mérite feule d’être adoptée.
Lui - même nous apprend que les artifies de
l ’Egypte étoient roides dans les contours &
dans les attitudes; qu’ ils connoifloient a peine
de l’anatomie ce qu’on pourr’oit en démontrer
fur la nature vivante ; que leur arc de drapper
fe bornoit à indiquer de petits plis,parallèles ;
qu’ ils négligeoient de rendre les affeétions de
l ’ame ; qu’ ils travaillôient de pratique , parce
que les loix ayant réglé les formes, les proportions
& tous les procédés de l’art, rendoient
inutile l’étude de la nature : il nous apprend
que les artifies égyptiens-grecs d’Alexandrie
confervèrent en grande partie cette maniéré :
quand , fous le règne de Ptolémée Phyfcon ,
ils fe réfugièrent dans la Grèce, on peut croire
qu’ ils y trouvèrent des imitateurs, 8c plufieurs
monumens, faits en Grèce & e n Italie , dans la
manière des Egyptiens , prouvent qu’ ils en
eurent en effet. La mode vint aufli, comme il
eft également prouvé par des monumens, d’ imiter
les ouvrages faits en grèce dans l’ enfance
de l’a r t , & qui avoient un grand rapport avec
ceux de l’Égypte , & ces pratiques abrégées
qui fuppofoient peu de recherches & peu d’études,
amenèrent la décadence de l’ art. Tous
ces faits expliquent le paflage de Pétrone ,
lui ôtent fon obfcurité, 8c confirment que ces
«xpreflions, compendiaria artis , compendiarias
irias picturec ne doivent pas s’ entendre des grottefques.
( Article de M, L e v e sq v e . )
GROUPPE ( fubft. ture l’aflemblage de pmluaffiee.u )r s loigbnjieftise, eqnu ip efoinnt
teemllbermafelen t rapprochés ou unis, que l’oeil les à la rois. Les avantages qui réfultent
tdiee ncnetetne t, union dans les ouvrages de peinture cipe de l’uàn cieté q, ueq ujei cdraoniss ,t odu’usn ele ps aratr,t sa u epfrt inla
froauprpcoer t des vraies beautés ; d’une autre , ils ont & la coàn v1 ^ehnaarnmcoen gieé n, éqraulie edfet sl ap acrtoierrse dlp’uonn dtaonucte,
comme on le verra au mot Harmonie.
Développons la première de ces idées. Si nos
ÿeux n’étoient pas aflervis à la néceflité de raf-
fombler leur rayons vifuels à-peu-près dans un
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Imême point pour appercevoir nettement un
objet ; fi au contraire, indépendans l’ un de
1 autre , il pouvoient s’occuper également de
plufieurs objets féparés les uns des autres ; fi
leurs perceptions rapportées au terme qui fait
la liaifon de notre partie intelleéluelle avec
nos reflorts matériels, pouvoient fans fe nuire ,
exciter à la fois différentes idées ; vraifembla-
blement le .principe d’unité feroit fujet à con-
teftation ou n’ exifterait p as, & l’ ufage de
groupper feroit moins autorifé. Mais la nécefi-
fité ou nous fommes de n’appercevoir, de ne
fsntir , de ne penfer qu’un feul objet à la fo is,
nous oblige d’établir ce principe d’ unité auquel
nous fommes aftreints ; & c’ eft pour s’y conformer
que l’ arcifte qui traite lin fu je t, raf-
lemble le plus qu’ il lui eft poflible , les objets
dont il fouhaite que le fpeélateur s’occupe &
jouifle. L’ ufage ae former des grouppes eft
donc pris dans la nature* quoiqu’ il fe rencontre
peut-être rarement que , dans l ’aélion réelle que
le peintre choifit pour l'ujet de fon tableau ,
les objets aient été raflemblés & unis précife-
ment comme il a intérêt de les unir 8c de
les raflembler. Mais en juftifiant aux artiftes
une forme de compofition dont la plupart ne
fe font peut-être pas rendu un compte bien
e x a é l, je leur obferverai que l’on a abufé,
& que l’on abufe encore de l ’ufage où l’on eft;
de groupper, & que les conventions auxquelles
on lemble avoir fournis cette partie de
la ''compofition , peuvent entraîner une école
entière à des défauts eflentiels.
C’ eft principalement dans 1-e genre héroïque
de la peinture qu’il eft eflentiel d’ approfondir
de quelle confidération l ’ ufage de groupper
doit être pour les artiftes. Dans un tableau
d’hiftoire, le but principal du peintre eft de
fixer les yeux du fpeaateur fur l ’objet le
plus intéreflant de la fcène. Deux moyens principaux
s’offrent pour cela ; 1 * effet 8c l ’expreffîon :
il eft maître de l ’ un, il n’a aucun droit fur
l’autre.
Vexp rejîon eft indépendante de l’ artifte ,
puifque la nature, d’ une juftefle invariable
dans fes mouvemens , ne laifle rien au choix
du peintre , & qu’ il s’égare dès qu’ il la perd
de vue.
U effet eft fubordonné à l’ artïfte, parce que
cette partie , qui dépend de plufieurs fuppofi-
tions arbitraires , lui permet de difpofer le
lieu de la fcène , les ohjers qui le conftituent
& la lumière, de la manière la plus favorable
à fon projet. C’ eft en conféquence de cette
liberté, qu’ il forme des efpeces de divîfions
dans fon fu je t, & que celle de ces divifions
qui doit renfermer fon objet principal eft le
but le plus intéreflant de fes réflexions 8c de
fon travail.
En conféquence , il dirige vers ce point fa
E e e ij