
extrême ; elle devient fu re té ; mais au coït- 1
tra ire , l*extrême crainte devient défefpoir.
L e défefpoir eft l’opinion de ne pouvoir
obtenir ce que nous délirons, & fait que
nous perdons même ee que nous pofledons.
La hardiejfe eft un mouvement de l’ appétit,
par. lequel l’ame s’élève contre le m a l, afîn
de le cotnbattre.
La colère. eft une agitation turbulente que
là douleur & la hardieffe excitent dans l ’appétir,
par laquelle l’ ame fe retire en elle-même pour
s’éloigner de l’ injure re çu e , & s’ élève en
même-temps contre la caul'e qui lui fait injure
afin de s’ en venger.
I l y a plufieurs, autres paffions que je ne
nommerai pas ic i, me contentant feulement de
voiis en faire voir quelques figures : mais
auparavant nous dirons quels font les mou-
vemens du fang & des efprits qui caufent les
pallions Amples.
On remarque que Vadmiration ne caufe aucun
changement dans le coeur ni dans le fang >
ainft que les autres pallions. La raifon en e f t ,
que n’ ayant pas le bien ou le mal pour objet,
mais feulement de connoître la chofe qu’on
admire, elle n’a point de rapport avec le coeur
ni lè fang dèfquels dépendent tous les biens
du corps.
Dans Ÿamour » quand il eft fe u l, c’ e ft-a -
dire quand il n’ eft accompagné d’ aucune forte
jo ie , ni de fir, ni trifteffe , le battement du
pouls eft égal , & beaucoup plus fort 8c plus
grand que de coutume. On fent une douce
chaleur dans la poitrine, & la digeftion fe fait
doucement dans l’ eftomac, enfôrte que cette
paflion eft utile pour la lanté.
On remarque au contraire dans la haine que
le pouls eft inégal, plus p etit, 8c' fouvent
plus v i f qu’ à l’ ordinaire. On fent des chaleurs
entremêlées de je ne fais quelles ardeurs âpres
& piquantes dans la poitrine , & l’ eftomac
celfe de faire fes fonctions.
Dans la jo i e , le pouls eft égal & plus v i f
qu’à l’ ordinaire -, mais il n’ eft pas fl fort ni fi
grand qu’ en l’amour, & l’ on fent une chaleur
agréable qui n’ eft pas feulement en la poitrine,
mais qui le répand aufli dans toutes les parties
intérieures du corps.
Dans la trifiejje, le pouls eft foible & le n t ,
& l’on fent comme des liens autour du coeur
qui le ferrent, & des glaçons qui le gèlent
& communiquent leur froideur au refte du
corps.
Mais le defir a cela de particulier, qu’ il agite
le coeur plus violemment qu’aucune autre paf-
iion 9 8c fournît au cerveau plus d’ efpirits, lef-
queîs paffent de là dans les mufcles, & rendent
tous les fens plus aigus & toutes les
parties du corps plus mobiles.
J ’ai parlé de ces mouyemens intérieurs, pour
mieux faire comprendre enfuite le rapport
qu’ils ont avec les extérieurs. Je dirai maintenant
qu’ elles font les parties du corps qui
fervent à exprimer les pâmons au-dehors.
Comme nous avons dit que l’ame eft jointe
à toutes les parties du corps ,* on peut dire aufli
que toutes les parties du corps peuvent fervir
à eiprimer les paffions de l’ame : car la peur
peut s’exprimer par un homme qui court & qui
s’ enfuit ; la colère, par un homme qui ferme
les poings 8c qui l’emble frapper quelqu’un.
Mais s’ il eft vrai qu’il y ait une partie où
l’ame exerce plus immédiatement fes fonélions,
& que cette partie foit celle du cerveau, nous
pouvons dire aufli que le vifage eft la partie
du corps où elle fait voir plus particulièrement
ce qu’ elle reffent. Nous ajouterons encore que
le fourcil eft la partie de tout le vifage où
les pajfions fe font mieux reconnoître, quoique
piufieurs ayent penfé qu’ elles fe peignoient
lurtouc dans les yeux. I l eft vrai que la prunelle
, par fon feu & fon mouvement, fait
bien voir l ’agitation de l’ame; mais elle ne
fait pas connoître de quelle nature eft cette
agitation. La bouche & le nez ont beaucoup
de part à l’ expreflion ; mais pour d’ordinaire
ces parties ne' fervent qu’ à fuivre les mouve-
mens du coeur, comme nous le marquerons
dans la fuite de cet entretien.
Et comme il a été dit que l’ame a deux appétits
dans la partie fenfitive, & q u e , de ces
deux appétits , naiffent toutes les pallions, il y a
aufli deux mouvemens dans les fourcils qui
expriment tous les mouvemens des pallions. Ces
deux mouvemens que j’ai remarqués ont un parfait
rapport à cès deux appétits ; car celui par le quel
les fourcils s’ elevent exprime toutes les
fions les plus farouches & les plus cruelles. Mais
je vous dirai encore qu’il y a quelque chofe de
plus particulier dans ces mouvemens, & qu’à
proportion que les pajfions changent de nature,
le mouvement du fourcil change de forme.
Pour exprimer une paffion fimple, le mouvement
eft fimple, & fi elle* eft compofée, le mouvement
eft compofé. Si la paffion eft douce, le
mouvement eft doux, & fi elle eft a ig re , le
mouvement eft violent.
Mais il faut remarquer qu’ il y a deux fortes
d’élévation du fourcil. I l y en a une où le
fourcil s’élève par fon m ilieu , & cette élévation
exprime des mouvemens agréables. On
doitobferver que lorfque le fourcil s’élève par
fon milieu , la bouche s’élève, par les cotés, au
lieu que dans, la trifteffe, elle s’élève par le
milieu. l
Mais lorfque le fourcil s’abbaifle par le milieu
, ce mouvement marque une douleur corporelle,
& alors la bouche fait une effet ccyi-
E traire, car elle. s’abaiffe par les cotés..
1 Dans le r i/ , toutes les parties le fui vont;
P a r le s fourcils, qui s’ abbàiffent vers le milieu
du fro n t, font que le nés , la bouche ce les
yeux fuivent le même mouvement.
Dans le pleurer, les mouvemens feront com-
pofés & contraires ; car le fourcil s abbaiffera
du coté du nés & des y e u x , & la bouche
s'élèvera de ce coté - là. I l y a encore une ob-
fervation à fa ire ; c’ eft que fl le coeur ell
abbatu, toutes les parties du vifage le lont
aufli.
Maïs au contraire, fi le coeur retient quelque
paffion qui l’échauffe & le roidifle, toutes les
parties du vifage tiennent de ce mouvement,
& particulièrement la bouche; ce qui prouve
ce que j’ai déjà dit, que c’ eft la partie q u i, de
tout le v ifa g e , marque plus particulièrement
le mouvement du coeur : car il eft a oblerver
que lorfqu’ilfeplaint, la bouche s’abbaifle par les
côtés - que quand il eft content, les coins de
la bouche s’élèvent en haut; & que s'il a de
l ’averfion , la bouche fe pouffe en avant & s ele-
ve par le milieu.
C h a e i t r e I . Admiration fimple. Cette
paffion ne caufant que peu d’ agitation, n’ altere
aiifli que très peu les parties du v ifa g e ; cependant
le fourcil s’élève , l’oeil s’ouvre un ppu
plus qu’ à l’ordinaire, la prunelle placra également
entre les paupières, paroit fixée vers
l ’o b je t; la bouche s’ entrouve & ne forme
pas de changement marqué dans les joues.
C h a î i t e e I I . Admiration avec étonnement.
attention l’objet qui fe prefente à e lle : car s’ il
eft rare & extraordinaire, du premier 8c fimple
mouvement d’admiration s’engendre l’ eftime.
C h a p i t r e IV . L ’attention &* l ’ eflime. Les
effets de l ’attention font de faire baifler & approcher
Les mouvemens qui accompagnent cette .
paffion ne font prefque différens de ceux de 1 admiration
fimple qu’ en ce qu’ ils font plus vifs |
& plus marqués ; les fourcils font plus eleyes,
les yeux plus ouverts, la prunelle plus élevée
au- deffus de la paupière inférieure eft plus fixe ,
la bouche eft plus ouverte, & toutes les parties
font dans une tenfion beaucoup plus fenlible.
C h a v I t K e I I I L a tranquillité. Comme
nous avons dit que l’ admiration eft la première &
la plus tempérée de toutes les pa jfion s, & celle
où le coeur fent le moins d’agitation, le v ifage
reçoit aufli fort peu de changement en
toutes fes parties, & s’il y en a , il nleft que dans
l’ élévation du fourcil ; mais il aura les, deux
côtés égaux. L ’oeil fera un peu plus ouvert qu à
l ’ordinaire, & les prunelles fituées également
entre les deux paupières, & fans mouvement,
feront attachées fur l’objet quhaura caufé l’ admiration.
La bçuche fera entrouverte, mais elle
paraîtra fans altération ainft que-les autres parties
du vifage. Cette paffion ne produit qu’une
fufpenfion de mouvement, un état de trafiquil- j
lité,.pour donner le temps a i’ame de délibérer J
fur cequ’ elle. doit faire & pour confidérer avec I
les fourcils du côté du nés, tourner les
prunelles vers l’ objet qui la caul’e , ouvrir la
bouche, furtout dans fa partie fupérieures baifler
un peu la tête, 8c la rendre fixe , fans aucune
autre altération remarquable.
Veflime ne peut fe réprefenter que pan l’ attention
8c par le mouvement des parties du vifa g e
qui femblent être attachées fur l’ objet qui caufe
cette attention : car alors les fourcils paroîtront
avancés fur les yeux & preffes du côté du nés,
l’ autre partie étant un peu élevée; l’oeil fera fort
ouvert, & la prunelle élevée. Les mufcles 8c
les veines du front paroîtront un peu gonflés,
ainfi que les veines qui font auteur des yeux.
Les narines feront tirées en bas, & les joues médiocrement
enfoncées à l’ endroit des mâchoires.
La bouche fera un peu entrouverte 9 8c les
coins inclinés fe retireront en arriéré.
C h a p i t r e V . L a Venérdtion. Mais fi de
l ’eftime s’engendre la vénération, les fourcils
feront baiffés en la même fituation que nous
venons de d ire, & le vifage fera lui-même
incliné ; mais les prunelles paroîtront plus élevées
fous les fourcils. La bouche fera encr’ou-
ve rte, & les coins retirés, mais un peu plus
tirés en bas que dans la précédente affeélion.
Cet abbaiffement des fourcils & de la bouche
marque la foumiflion & le refpeél que l’ame
éprouve pour l’ objet qu’ elle croit au - deflus
d’ elle. La prunelle élevée femble marquer que
l’ame s’élève vers l ’objet qu’ elle confidère &
qu’e lle reconnoît digne de vénération.
Si la vénération eft caufée par un objet pour
lequel on doive avoir de la fo i, alors routes
les parties du vifage feront abbaiflees pluâ
profondément que dans la première affeélion ;
les yeux & la bouche feront fermés, montrant par
cette a&ion que les fens extérieurs n’y ont
aucune part.
C h a p i t r e V I . L e ravijfement. Si l ’admiration
eft caufée par quelqu’ objet qui foie au-
deftus de la conno'ffance de l’ ame, comme
peut être la confidération de la puiffance de
Dieu & de fa grandeur , alors les mouvemens
d’ admiration & de vénération formeront le
taviffement qui fera produit par le même objet
que la vénération, mais confideré différemment«
Aufli les mouvemens ne font pas les mêmes. La
tête fe panche du côté gauche; les fourcils &
la prunelle s’élèvent directement. La bouche
s’ entr’ouvre , 8c les deux côtés font aufli un
peu élevés : le refte; des parties demeure dans