H i s t o i r e
mots Waioa Koing iaknilalougangeva, c’eft-à-dire, c’eft pour
to i, mais envoie-nous aufli quelque chofe.
Lorfqu’ils doivent pafler quelques Rivieres ou quelques Montai
gnes qui, fuivant eux, font habitées par les Démons ., ils penfent
à faire des Sacrifices. Un peu avant que d’y arriver, ils tuent une
Renne, en mangent la chair, & après avoir mis fur un pieu les os
de la tête, ils la tournent vers l’endroit qu’ils s’imaginent être ha-
bite par les Efprits. Quand ils font attaqués de quelque maladie
qui leur paroît dangereufe , ils tuent un Chien , étendent fes
boyaux fur deux perches, & paiTent entre deux.
Leurs Chamans ou Magiciens frappent fur de petits tambours
en faifant les Sacrifices. Ces tambours font faits de la même maniéré
que ceux des Iakoutes & des autres Nations de ces Contrées •
mais les Chamans des Koriaques n’ont point d’habits particuliers
comme ceux des autres. Il y a aufli parmi les Koriaques fixes des
Prêtres ou Magiciens, qui font Médecins, & qui paflent dans
l’efprit fuperftitieux de ces Peuples pour guérir les maladies en frappant
fur ces efpeces de petits tambours. Au refte , une chofe fort
furprenante , c eft qu il n y a aucune Nation , quelque fauvage, &
quelque barbare qu’elle foit, chez qui les Prêtres ou les Magiciens
ne foient plus adroits, plus fins, & plus rnfés, que le refte du
Peuple.
J’ai vu en 1739 dansl’Oftrog inférieur de Kamtchatka, un fameux
Chaman ; il étoit d’un endroit nommé Oukinskoi, & il s’ap-
pelloit Karimliatcha. On le regardoit comme un homme d’une
fcience profonde, & il étoit extrêmement refpefté non-feulement par
ces Peuples, mais par nos Cofaques même, àcaufedeschofesfurpre-
nantesqu il faifoit. Il fe perçoit le ventre avec un couteau , & buvoit
le fang qui en fortoit ; mais il s’y prenoit avec tant de mal-adrellè,
qu il fallpit être auifi aveuglé par la fuperftition que ce Peuple,
pour ne pas s appercevoir d’une fourberie aufli grolfiere. Il commença
par frapper quelque temps fur fon tambour, en fe tenant à
genoux ; après quoi il s’enfonça un couteau dans le ventre, preflà
fa prétendue bleflure pour en faire fortir le fang , & fourrant la
main fous fa peliife, il la retira remplie de fang , & fe lécha
les doigts. Cependant je ne pouvois m’empêcher de rire en
voyant qu’il faifoit fon métier fi grofliérement , qu a peine au-
roit-il été reçu parmi nos Apprentifs Joueurs de gobelets. On lui
voyoit gliiler le long de fon ventre le couteau avec lequel il
faifoit femblant de fe percer, & prefloit une veflie pour en faire
fortir le làng. Après qu’il eut fini toutes fes conjurations ou forti-
leges, il crut nous furprendre encore davantage en levant fon habit
, & nous montrant fon ventre tout plein de fang. Il nous aflura
que ce fang (qui étoit du fang de Veau marin) fortoit véritablement
de fa bjefliire , & qu’il venoit de guérir fa plaie par la vertu
de fes conjurations. Il nous dit aufli que les Diables venoient chez
luide divers endroits, & lui apparoiifoient fous différentes formes;
que quelques-uns fortoient de la Mer, quelques autres des Volçans ;
qu’il y en avoit de petits & de grands ; que plufieurs étoient fans
mains ; que les uns étoient tout brûlés , & que les autres ne l’étoient
qu’a moitié ; que ceux qui venoient delà Mer, paroiifoient plus riches
que les autres, & que leurs habits étoient faits de l’herbe appel-
lée Chelkownik, qui croît le long des Rivieres ; qu’ils lui apparoif-
foient en fange , & que lorfqu’ils venoient le vificer , ils le tour-
mentoient fi cruellement, qu’il étoit prefque hors de lui-même,
& dans une efpece de délire.
Quand un de ces Chamans ou Magiciens traite un malade, il lui
indique, conformément aux réglés de fon art, de quelle maniéré il
peut fe guérir. Tantôt il lui ordonne de tuer un Chien , tantôt de
mettre hors de fa Iourte de petites branches , ou de faire d’autres
minuties de cette nature. Dans le cas où ils tuent un Chien, voici
comme ils s’y prennent. Tandis que deux hommes tiennent cet ani- ü