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pendent la tête & les cuifles au-deffus des toits de leurs huttes, en guife
de trophées. Ils fe fervent de leurs peaux pour faire des lits, des cou,
vertures, des bonnets , des gants & des colliers pour leurs Chiens.
Leur graiife & leur chair paifent pour un mets délicieux. Leur graiife
lorfqu'elle eft fondue eft, fuivant M, Steller , limpide & fi agréa-
bl e , qu’on peut l’employer dans la falade , au - lieu d’huile. Les
Kamtchadals, pendant le Printemps, fe couvrent le vifage de leurs
inteftins pour fe garantir du Soleil ; 6î les Cofaques s’en fervent au,
lieu de carreaux pour les fenêtres. Les Kamtchadals qui vont pen,
dant l’Hiver à la chaife des Veaux marins, font de la peau des Ours,
des femelles dç fouliers, afin de ne point gliiTer fur la glace. Ils fe fer-
vent de leurs omoplates pour faire des faulx avec lefquelles ils coupent
l’herbe qui fert à couvrir les habitations d’Hiver & d’Eté : ils
s’en fervent auffi pour préparer le mets qu’ils appellent Tonchitch,
&c les amies chofes néceiTaires,
Les Ours font très gras depuis le mois de Juin jufqu’a l’Automne;
mais ils deviennent fort maigres & fort fecs au Printemps. On a
remarqué dans l’eftomac de ceux qui ont été tués au Printemps unç
humeur écumeufe ; ce qui a fait croire aux Kamtchadals que pendant
l’Hiver ils ne prennent aucune, nourriture, & ne vivent quen
fuqant leurs pattes. On trouve rarement dans une tarnere plus d un
Ours, à ce que prétend M. Steller. Quand les Kamtchadals veulent
gronder leurs Chiens pareffeux, ils les appellent Keren, c!çft-à-dire
Ours.
Quoiqu’il y ait une grande quantité d’Ours au Kamtchatka,
comme on l’a déjà dit, & que leurs fourures foient fort eftimees,
parce que les habits qui en font faits font non-feulement très chauds,
mais paifent encore pour trçs beaux & très riches ; les Kamtchadals
en tuent cependant peu. Ces animaux ne différent en rien de ceux
de l’Europe, & font par leur voracité plus de tort aux Habitants du
J?ays j qu’ils ne Jeur apportent de profit par leur? fourures 3 car ils
tuent les Rennes tant fauvages que domeftiques, malgré tous les foins
& toute la vigilance de ceux qui les gardent. Us font très friands des
langues de Rennes, ainfi que de celles des Baleines que la mer
jette fur les côtes : ils enlevent auffi quelquefois les Renards & les
Lievres qui fe font pris dans les pièges, au grand chagrin & détriment
des Kamtchadals. Les Loups blancs font fort rares, auffi font-
ils plus eftimés dans ces contrées , que les gris. Quoique les Kamtchadals
ne foient dégoûtés de rien , & qu’ils paifent pour manger
tout ce qu’ils trouvent, ils ne font cependant jamais üfage de chair
de Loups ni de Renards.
Des Rennes & des Béliers fauvages.
On peut regarder les Rennes & les Béliers fauvages ou de montagnes,
comme les Animaux les plus utiles au Kamtchatka, parce
qu'on fe fert ordinairement de leurs peaux pour les habillements,
Il y en a un grand nombre, mais les naturels du Pays en tuent très
peu, autant à caufe de leur peu d’adreffe qu a caufe de leur pareffe.
Les Rennes fe tiennent fur des endroits couverts de mouffe, &
les Béliers fauvages fur lé haut des montagnes ; c’eft pour cela
que ceux qui vont à la chaffe de ces animaux , abandonnent
leur habitation dès le commencement du Printemps, emmenent
avec eux toute leur Famille, & vont s’établir fur ces montagnes juf-
qu’au mois de Décembre, où ils s’occupent fans ceflè à la chaffe de
ces animaux.
Les Béliers fauvages ( 1 ) ou de montagnes, reiTemblent beaucoup
a la Chevre par leur allure, & à la Renne par le poil. Ils ont deux
cornes qui fqntentortillées comme celle des Béliers d’Orda : elles
font feulemenrplüs grofTes. En effet, dans les Béliers qui ont atteint
toute leur groffeur, chaque corne pefe depuis vingt-cinq jufqu’à
(') Voyez la defcription de cet animal, dans les Mémoires de l’Académie de Saint-
Pttetsbourg, Jome IV. Table XUI,