leur Pere ferôit de retour ? A quoi tous les Kamtchadals répondirent,’
cet hiyer. Les Vieillards fortirent après avoir pofé devant chacun des
Enfants un boyau rempli de graifle de Veau marin, & enveloppé
d herbe douce ; mais étant revenus peu après, ils commencèrent à
crier & a danfer ; Sc tous ceux qui étoient dans la Iourte pouflèrent
de grands cris à leur exemple.
Cependant une Femme entra par lafeconde ouverture ou Chop.
khade, tenant devant elle un loup fait d’herbe douce t . rempli
de graille d Ours, des boyaux remplis de graille de Veau marin , &
d autres provifions de bouche. Cette Femme étoit fuivie du Chef
de cette habitation, qui tenoit à fa main un arc bandé ; la Femme
Sc lui avoient la tete Sc les mains enveloppés de Tonchitche. La
ceinture & la fleche du Chef étoient. ornées de guirlandes de la
meme herbe. La Femme fit le tour de la Iourte le long des murailles
, fuivie de toutes les Perfonnes de cette habitation qui dan-
foient Sc qui jettoient de grands cris. Quand elle fut arrivée à
I echelle, quelques Kamtchadals ayant faifi le loup qu elle tenoit,
montèrent promptement jufqu’au haut de la Iourte. Toutes les
Femmes qui entouroient l’échelle firent tout ce qu’elles purent
pour monter Sc reprendre le loup. Mais les Hommes qui fe te-
noient fur l’échelle les en empêchèrent ; & quoiqu’elles en euf-
fent jette quelques-uns du haut en bas , cependant elles ne purent
exécuter leur delfein. Comme elles n’en pouvoient plus, elles
tombèrent accablées de fatigue, & on les porta en divers endroits,
ou elles furent défenchantées comme auparavant. Après cela le Chef
qui fe tenoit un peu éloigné de l’échelle , ayant toujours fon arc
bande, s en approcha Sc tira contre le loup. Les autres Hommes qui
étoient en bas, tirèrent à eux le loup, Sc après l’avoir déchiré, ils
le mangeront, ne lailTant qu’un peu de grailfe d’Ours pour régaler
les Idoles Khantal.
Quoique les Kamtchadals ne foient pas plus en état de rendre
raifon de cette cérémonie, que de celle de la Baleine dont j’ai
parlé -, quoiqu’ils ignorent fi elle a rapport à leurs opinions fu-
perftitieufes ou non, & pourquoi elle fe pratique ; il me paroît cependant
que ce n’eft qu’un fimple divertiflement, ou un emblème
du defir qu’ils ont de prendre Sc de manger des Baleines & des
Loups, avec la même facilité que ceux qu’ils font avec de l’herbe.
Et voici la fable qu’ils racontent à ce fujet.
Un Kamtchadal habitoit fur le bord d’une certaine riviere ,
il avoit deux Fils fort jeunes ; en allant à la chafle , il fut obligé
de les lailTer feuls dans fa Iourte, & de les attacher au poteau pour
qu'ils ne fe fiffent point de mal. Pendant fon abfence , des Loups
vinrent demander à ces Enfants fi leur Pere feroit bien-tôt de retour.
Ces Enfants répondirent, dans l’Hiver. Cependant faifis de
crainte , ils refterent long-temps privés de fentiment, Le Pere revint
de la chafle, Si ayant appris ce qui s’étoit pafle , il alla pour
prendre le loup, Sc le tua à coups de fléchés. A l’égard de la céré-
monie de la Baleine, celle qui fe fait d’herbe, efl: la repréfentation
des Baleines mortes qui flottent quelquefois fur la mer, que les vagues
pouffent fur le rivage. Les corbeaux qui font faits de boyaux,
repréfentent ces Oifeaux carnaflïers qui dévorent les cadavres de Baleines
; & les petits ESfants qui les déchirent repréfentent les Kamtchadals
qui Coupent leur graiflè.
Lorfque la fcen e du loup futfinie, un Vieillard brûla du Tonchitche,
qu’il prit par paquet de chaque famille, & qu’il affembla
pour 1 offrit au feu. Il parfuma deux fois la Iourte avec cëtte herbe»
Il mit tout le Tonchitche brûlé fur le foyer, excepté un paquet
qu il füfpendit au plafond,. au-deflus du foyer, où il reite toute:
l’année.
Bien-tot après on apporta dans la Iourte dès branches de bouleau ^
fuivant le nombre des familles. Chaque Kamtchadal prit une de ces
branches pour fa famille, Sc après l’avoir courbée en cercle, il fit