tion lui attacha le premier de l’herbe douce au cou ; enfuite tous
les autres lui offrirent de l’herbe douce ou du Tonchitche. Après
cette offrande , on plaça cette nouvelle ftatue fur le foyer, à côté dç
l ’ancien Khantai.
Le Vieillard dont nous avons déjà parlé plufieurs fois, prit deux
petites pierres, & après les avoir entortillées avec du Tonchitche, il
murmura fur elles quelques paroles. Il les enterra enfuite dans diffê
rents coins du foyer, alluma du feu, & plaça lès petits Enfants autour
de l’échelle pour attraper les Idoles que l’on devoit jetter dam
la Iourte par l’ouverture. Les Enfants les faifirent & les enveloppé,
rent d’herbe douce, & un d’eux ayant pris la nouvelle Idole Khan-
td i, la traîna par le cou autour du foyer ; les autres Enfants le fui,
virent en criant Alkhalalalai î ils la mirent enfuite dans fa premiers
place.
Après cela tous les Vieillards de là Iourte s’affirenten rond autour
du foyer. Celui qui avoit prononcé les paroles fur tout ce que nous
ayons dit, prit dans fes mains une pelle enveloppée de Tonchitche,
& adrelfa au feu les paroles drivantes : » Koutkhou nous a or-
» donné de t’pffrir une viéfime chaque année; ç’eft ce que nous ac-
» compliffons. En conféquence nous te prions de nous être pra-
si pice, de nous défendre, & de nous préfer ver des chagrins, des
» malheurs & des incendies «, Le Vieillard ne prononça ces paroles
qu’à plufieurs reprifes. Cependant tous les autres Vieillards fe le,
verent, & frappant des pieds, battant des mains, ils crierent Alkhalalalai.
Cette cérémonie achevée, tous ces Vieillards quitterentleurs
places , & fe prenant l’un l’autre par la main , ils fe mhept à danfet
en criant Alkhalalalai ; ce que répétèrent tous ceux qui étoient
dans la Iourte.
Pendant ces cris, les Femmes & les Filles commencèrent à
fortir de leurs coins en lançant des regards terribles, tournant
la bouche , faifant les grimaces les plus affrçufes, & s’approchant
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de l’échelle , elles levèrent les mains en haut. Enfuite faifant des
mouvements extraordinaires, elles fe mirent à danfer & à crier de
toutes leurs forces, après quoi elles tombèrent l’une après l’autre à
terre, comme fi elles étoient mortes. Les hommes les emportèrent &
les mirent à leurs places, où elles refterent couchées & comme privées
de tout fentiment, jufqua ce qu’un Vieillard vint prononcer
tout bas quelques paroles fur chacune d’elles en particulier.
Ce fpeéfacle me parut plus étrange & plus bizarre que les fbrti-
leges des Iakoutes, puifque chez eux le Sorcier entre feul dans
une efpece de fureur, au-lieu qu’ici elle fe communique à l’habitation
entiere. Les Femmes & les Filles fur lefquelles les Vieil ,
lards avoient prononcé des paroles, crierent beaucoup , &c pleurèrent
comme fi elles eullènt reffenti une violente douleur, ou qu’elles
fuffent accablées d’un grand chagrin.
Cependant le Vieillard après avoir fait fon fortilege fur la cendre,
lajettaen haut deux fois avec une pelle , & toute la Iourte fit après lui
la même chofe; enfuite ce même Vieillard, ayant rempli de cendre
deux efpeces de paniers faits d'écorce d’arbre , envoya deux hommes
pour emporter cette cendre hors de la Iourte. Ils fortirent par l’ouverture
qu’on appelle Chopkhad , & répandirent la cendre fur Je
chemin. Au bout de quelque temps ils étendirent autour de toute
la Iourte une corde faite d’herbe, à laquelle on avoit attaché d’ef-
pace en efpace du Tonchitche,
Le jour fe paffa à faire cette cérémonie ; mais fur le foir ceux que
l’on avoit envoyés pour chercher le bouleau revinrent ; & s’étant
joints aÿec un certain nombre de Kamtchadals qui étoient ibrtis,
ils apportèrent au-deffùs de la Iourte un des- plus grands bouleaux
qu ils avoient coupé tout près de la racine. Us commencèrent à frapper
avec ce bouleau à l’entrée de la Iourte , battirent en même-
temps des pieds, & crierent de toute leur force. Ceux qui étoient
dans la Iourte , leur répondirent tous de la même façon.
Tome II. L