Comme les Kamtchadals Méridionaux ont quelques cérémonies
différentes de celles des Septentrionaux, je ferai mention de leurs
Fêtes féparément. Je commence par les Kamtchadals Méridionaux
chez lefquels j’ai été exprès en 1738 & 1739 pour en être témoin.
Je paffai trois jours dans un Oftrogou Habitation des plus confi-
dérables, appellé Tchaapingan, iitué fur les bords de la riviere
Kiktchika.
La Cérémonie commença par balayer la Iourte; après cela deux
Vieillards tenant dans leurs mains un petit paquet de Tonchitche,
dirent à voix baffe quelques paroles fur les ordures de la chambre,
& ordonnèrent de les jetter dehors. Au bout d’une demi-heure , ils
ôterent de la place la vieille échelle; on nettoya le lieu où elle étoit,
& un des Vieillards, après avoir prononcé quelques paroles tout
bas, pofa dans cet endroit un petit morceau de bois entortillé de
Tonchitche ; après quoi on attacha une échelle neuve , en prononçant
auffi tout bas plufieurs paroles , & on plaça la vieille contre k
muraille. Il n’eft pas permis de l’emporter avant d’avoir fini la Fête.
Cependant on enleva hors de la Iourte tous les traîneaux, les
harnois des Chiens , les traits', les brides, Sec. parce qu’ils croient
que tout cet attirail n’eft point agréable aux génies malfaifants qu’ils
attendent pour cette Fête.
Un inilant après on apporta dans la Iourte de l’herbe feche qu’on
joncha fur l’échelle. Alors le même Vieillard qui jufqu’içi avoir
prononcé les paroles à voix baffe, s’approcha delechelle avec trois
Femmes ; il s’aifit à droite de l’échelle, & les. Femmes à gauche.
Chacun d’eux avoitune natte dans laquelle il y avoit de l’Ioukola,
de 1 herbe douce, du Caviar fec, de la graille de Veau marin renfermée
dans des boyaux & en morceaux. Ils firent de l’Ioukob
une efpece de hache qu’ils entortillèrent avec de l’herbe douce, Si
après avoir tout préparé fuivant leur ufage, le Vieillard & les
vieilles Femmes envoyèrent chacun un homme dans le bois pour
prendre un bouleau, en leur attachant à la ceinture, fur leurs ha-
I ches & fur' leurs têtes du Tonchitche ; ils leur donnèrent la natte
îavec la provifion qu’elle renfermoit pour manger en chemin , &c en
[gardèrent feulement un peu pour eux.
Après cela le Vieillard & les Femmes fe levant de leurs places,
[firent une fois le tour de l’échelle en agitant leur touffe de Tonchit-
[che qu’ils tenoient dans chaque main , & en prononçant le mot
Ackhalalalaï ; ils étoient fuivis de ceux qui de voient aller dans le
bois pour chercher du bouleau. Ces derniers, après avoir fait le’
tour de l’échelle, partirent pour aller dans le bois. Alors le Vieillard
& les Femmes mirent leur Tonchitche fur le foyer , & jetterent les
j provifions qui leur reftoient aux petits Enfants, comme pour les
faire battre enfemble. Ces Enfants s’en faifirent & les mangèrent.
Cependant les Femmes firent une efpece de baleine de leur herbe
douce & de leur Ioukola : on l’emporta hors de la Iourte , & on h
[pofa fur le Balagane. Enfuite on chauffa la Iourte , & le Vieillard
après avoir creufé un petitfoffé devant lechelle , apporta une barbue
enveloppée de Tonchitche, & la porta dans le foffé en prononçant
tout bas quelques paroles. Il commença par tourner lui-
même trois fois fur la même place ; enfuite tous les Hommes, tou-
ftes les Femmes & même les petits Enfants firent la même ehofe.
Après cette cérémonie , l’autre Vieillard fe mit à faire cuire de 1a
Sarane dans des auges échauffées avec des pierres rougies au feu.
C ’eft avec cette Sarane qu’ils s’imaginent régaler les efprits malfaifants;
cependant ceux qui avoient fur eux les Idoles-appellées Ouri-
hdatchs , les envelopperent d’herbe douce ; les autres firent des
Idoles nouvelles appellées Itoung, & les enfoncèrent dans les plafonds
au-deffus du foyer.
En même-temps un Vieillard de là troupe apporta dans la Iourte
un tronede bois de bouleau, & commença enfuite à faire une Idole
qu ils appellent Khantai. Lorfqu’elle fut faite , le Chef de l’habita