viennent dans ce détroit l’efpace de quelques werfts avec tant d’im-
pétuofité & de fureur , que même dans le plus grand calme ils fe
couvrent d’écume & s’élèvent à la hauteur de vingt à trente fagenes.
Les Cofaques appellent ces vaguesfouwoemouJouloem,&i les Kouriles
, fuivant M. Steller, Kogathe, c’eft à-dire chaîne de montagnes.
Ils appellent auffi ces vagues Kamoui, c’eft-à-dire Divinité \ h
crainte qu'ils en ont, fait qu’il les regardent avec refpeét : lorf-
qu’ils paifent deflus , ils leur jettent de petites figures taillées allez
artiftement, afin d’obtenir un heureux paifage, & de n’être point
fubmergés ; pendant ce temps-là , le Pilote fait des conjurations ou
fortileges. On s’étendra davantage fur cela en parlant de la Nation
des Kouriles.
La fécondé Ifle des Kouriles appellée Poromonfir, eft deux fois
plus grande que la première : fa fituation eft du Nord-Oueft au
Sud-Oueft; & le-détroit qui la fépare de la première Ifle n’eftque
de deux werfts. Un Vaiffeau y peut mouiller dans un temps de
tempête , mais non fans danger; car le fond de ce détroit n’eft que
de rocs, & il n’y a point d’endroit où l’on puiffe jetter l’ancre avec :
fûreté. Si par malheur le Vailfeau vient à chaflèr fur fes ancres, il
court le plus grand danger de périr , les côtes étant fort efcarpées,
pleines de rocs, & le détroit fi refferré, qu’on ne peut les éviter. Un
de nos Vaiffeauxy périt malhëureufement en 1741-
Cette Ifle eft auffi fort montagneufe, remplie de lacs entrecoupés
de petites rivieres comme celle de Chtmmtchou. Onne voit dans
ces deux Ifles que de petits cedres (1) & des brouflàilles dont les Habitants
font ufage au lieu de bois à brûler. Us ramaffent le'long des
côtes les différentes efpeces d’arbres que la mer & les vagues y apportent
de l’Amérique & du Japon, & qu’ils jettent fur la côte,
parmi lefquels on trouve quelquefois des arbres de camphre, dont
on m’a apporté de grands morceaux.
(1) On les. appelle Sianerz & Einik. GmeL Fl, Sib. pag. 1S8 & 180.
Les naturels de cette Ifle font dé vrais Kouriles§ qui y pafferent
de l’Ifle Onekoutan, qui eft affez peuplée ; mais on ne fait pas pré-
cifément la raifon qui donna lieu à leur émigration. M. Steller dit
que les Habitants des Ifles plus éloignées viennent dans l’Ifle d’O -
nekoutan enlever à ces Infulaires leurs femmes & leurs enfants,
& qu’ils les emmenent avec eux ; c’eft peut-être ce qui les a obligés
d’abandonner les lieux de leur naiffance pour aller s’établir' dans
cette Ifle déferte : ils n’oublient point pourtant le lieu de leur origine
, car ils y viennent fouvent, & ils y demeurent quelquefois
une année ou deux fans en forcir.
Toùsksgens duPays affinent qu’il y a eu autrefois un commerce
entre les Habitants de ces deux Iftês dont je viens de parler', & ceux
des Ifles Kouriles qui font plus éloignées. Ceux-ci leur apportoient
différents vafes de bois vernis, des cimeterres, des anneaux d’argent
que ces Peuples portent aux oreilles, & des étoffes de coton ; qu’ils
prenoient ordinairement chez eux en échange , des plumes d’aigles
dont ils fe fervoient pour empenner leurs fléchés.
Cela paroît d’autant plus vraiiëmblable, que j ai eu de la féconde
Ifle des Kouriles , un cabaret vernis, une taflè, un-cimeterre du Japon
& un anneau d’argent, que j’ai envoyé au cabinet de curiofités
de S. M. Impériale. IL eft bien sûr que les Kouriles n’avoient pu les
recevoir que du Japon.
Les Kouriles de la fécondé Ifle ont leurs habitations for la pointe
du Sud-Oueft, au bord d’un lac qui a environ cinq werfts de circuit,
St d’où fort une petite riviere appellée Petpou, qui va fe jetter
dans la mer. Ces deux Ifles font fojettes à de fréquents & terribles
'tremblements de terre & à des inondations affreufes. U y a eu fur-
tout deux tremblements de terre & deux inondations plus remarquables
que les autres. Le premier, arriva en 1737, à-peu-près dans
le temps que je me rendis au Kamtchatka ; & le fécond, en 174 1 ,
m mois de Novembre. Je parlerai du premier en fon lieu, &.je