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C H A P I T R E X V I I.
D e la naijfance & de 1‘'éducation des Enfanii. I
O N peut dire en général que la Nation Kamtchadale n’eft pas
des plus fécondes, du moins jenai point entendu dire quun Kamt
chadal ait jamais eu dix enfàns de la même fémme.
Leurs femmes, à ce que l’on dit, accouchent aifémènt, excepté
dans les accidents fâcheux, lorfqüe l’enfant ne fe préfenté pas
comme il devroit: Mi Steller rapporte qu’une femme près d ac-
coucher, étant fortie de fa Iourte , y revint au bout d’un quart
d’heuré avec un enfant, fans qu’i f parût la moindre altération fur
fon vifage. Il rapporte aulli en avoir vu une autrè qui fut'troisjôùrs
en travail, & qui accoucha à fön grand étonnement d’un enfant
qui avoir d’abord préfenté le derrière. Lès Magiciennes ou Prê-
treifes en attribuèrent la caüfe a ce que fon pere faifoit untraîneau
dans le temps que l’enfant étoit fur le point de naître, & qu’il’plioit
du bois en arc fur fes gëndux i Ceci péuf faire j uger des autres idées
ridicules des Kamtchadals.
Les femmes accouchent en fe tenant à genoux, en préfence dé
tous les Habitants de l’Ofirog , fans diftinétion d’Igè ni deièxe.
Elles effuient l’enfant avec l’herbe Tonchitché , lui lient le nombril
ou cordon avec un fil d’ortie , & le coupent avecuii couteau
fait d’un caillou tranchant, puis jettent le placenta ou l’arrierre-faix
aux chiens. Elles rriettent fur le nombril qui vient d’être coupé,
de l’herbe Kiprei mâchée : au lieu de langés, elles enveloppent l?en-
fant dans du Tonchitché. Tous les HabÎtaiits le prènnent enfuite
tour à tour dans leurs mains, le baifent & le careilcnt, en fe p
jôüiffànt avec lé père & là rneré i voilà à quoi fe borne toute la
cérémonie.
Quoiqu’il y ait des Accoucheufes parmi elles , on ne peut pas
dire quecefoit des Sages-Femmes de profeflion.^Si l’Accouchée’
a fa mere, c’eft ordinairement elle qui fert de Sage-Femme.
Les femmes qui défirent avoir des enfants , mangent des arai--'
gnées, comme je l’ai déjà d-itv Quelques-unes mangent le cordon,
umbilical avec de l’herbe Kiprei, pour devenir plutôt enceintes. Il
y en a beaucoup d’autres au contraire qui forit périr leur fruit par
des drogues , ou qui ont recours pour cet effet à des moyens affreux,
étouffant leurs enfants dans leur leiri, & léiir rompant, les pieds &
les mains. Elles iè fervent pour cela de vieilles femmes expérimentées
dans de pareils forfaits ; mais il leur en coûte foüvent ta vie. "
Si ces meres dénaturées ne font pas toujours périt leurs enfants dans-
leur fein ,, elles les étranglent en naiffant, ou les font manger tous
Vivants aux chiens. Elles emploient quelquefois une décoction faite
avec l’herbe appellée Koutakhiou, & différents fortiléges, pour être
ftériles. La fuperftition èft fouvent la caufe de leur barbarie ; car’
quand une femme accouche de deux enfants , ilfàut abfolumerit
qu’un des deux périfTe. On fait la même choie lorfqu’un enfant naît
pendant un temps d’orage , & l’on regarde ces deux citconftan-
ces comme malheureufes : dans ce dernier cas néanmoins ils ont
quelquefois recours à des fortileges pour détourner la mauvàife in--
fluence de l’orage.
Après que les femmes font accouchées, elles fe rétabliffent avec
ce que l’on appelle Opana , c’eft-à-dire, des bouillons de poifTon
faits avec des feuilles d’une plante appellée Haie & au bout dè'
quelques jours ¿lies recommencent à manger du loukola ¿travailler
comme à l’ordinaire.
Les peres donnent à leurs enfaùrs le nom de leurs parents qui