les placèrent vis-à-vis l’échelle, les attachèrent avec des courroies,
vraifemblablement pour les empêcher d’aller dans l’autre monde.
F.IIpq fe mirent des deux côtés, en tenant des bâtons avec lefquels
elles jettent hors de la Iourte les tifons enflammés. La femme du
malade venant par derrière, lui prononça tout bas quelques paroles
fur la tête pour l’empêcher de mourir ; cependant tout fut inutile,
& ils moururent tous deux le lendemain ; & les autres, à ce que
j’appris enfuite , furent bien long-temps à fe rétablir.
Cet accident ne me furprit point. Je fuis même étonné que cela
n’arrive pas plus fréquemment.
J’ai déjà dit que ces Peuples tuent quelquefois des Baleines avec
des fleChes empoifonnées. Quel effet doit-il en réfulter pour ceux
qui en mangent la chair ? Mais les Kamtchadals fongent fi peu à ce
danger , qu’ils paroiffent aimer mieux courir les rifques de périr,
que de fe réfoudre à fe priver du plaifir de manger de la graille
¿e ces Baleines,
D u Kafatka,
Le Kafatka ( i ) ou PoifTon à épée , dont il y a une nombreufe
quantité dans ces mers, eft aufli d’une grande utilité pour les Habitants
, parce que ce poiffon tue les Baleines , ou qu’en les
pourfuivant, il les fait échouer toutes vivantes fur les côtes ; ainfi il
leur procure plutôt & plus abondamment ce qui leur eft nécelfaire
pour leur nourriture.
M. Steller a vu, tant fur mer que pendant fon féjour dans fille
de Bering, cet animal fe battre avec la Baleine. Lorfqu’il l’attaque,
elle pouffe des mugiffements fi affreux, qu’on peut les entendre à la
diftance de quelques milles. Si la Baleine, en voulant fe fauver de
fa pourfuite, fe réfugié près de la côte , le Kafatka la fuit fans lui
» 1 - l
(>) Orfa.
faire aucun mal, jufqu a ce qu’il ait raffemblé plufieurs de fes ca-«
marades ; alors ils la chaffent jufqu’en pleine mer, où ils fe jettent
fur elle impitoyablement.
On ne s’eft jamais apperçu que les Baleines, ainfi pouffées fur
les côtes, foient rongées ou entamées ; ce qui fait préfumer que
cette inimitié entre la Baleine & le Kafatka ne vient que d’une
antipathie naturelle, qui fait qu’ils ne peuvent fe fupporter l’un
l’autre. .
Les Pêcheurs craignent fi fort cet animal, que loin de l’attraper
en tirant fur lui des fléchés, ils n’ofent pas même s’en approcher ;
car lorfqu’on l’attaque, il renverfe le canot. S’ils voient un de ces
animaux s’avancer vers eux , ils lui font une efpece d’offrande, en
le conjurant de ne leur point faire de mal, & de les traiter avec
amitié.
Les Kamtchadals ne vont jamais à la pêche du Kaiatka ; mais fi
le vent en jette quelques-uns fur leurs côtes, ils font le même ufage
de fa graifle, que de celle des Baleines. M. Steller dit qu’en 1742. ,
lamerjetta en même-temps aux environs de Kourilskaia Lopatka,
pointe méridionale du Kamtchatka , huit de ces animaux ; mai9
que le mauvais temps & l’éloignement l’empêcherent d’aller les
voir. Les plus gros n’ont que quatre fagenës de longueur. Leurs
yeux font petits , leur gueule eft large & armée de grandes dents
pointues avec lefquelles ils bleffent les Baleines j mais il eft faux
que cet animal en plongeant fous elle, comme plufieurs perfonnes
le prétendent, leur ouvre le ventre avec une nageoire pointue qu’il
a fur le dos ; car quoiqu’il ait une efpece de nageoire fort aiguë dé
la longueur d’environ deux archines, & que lorfqu’il eft dans l’eau
elle paroiffe comme une corne ou comme un os, cependant elle eft
molle , & n’eft compofée que de graifle , & l’on n’y trouve pas un
feul os. Cet animal eft fort gras & n’a prefque point de chair ; mais
fa graifle eft plus molle que celle de la Baleine.