C H A P I T R E X I I I .
Sur le Flux & le Reflux de la Mer de Pennna & de l ’Océan
Oriental.
A p r è s avoir donné la defcription du Kamtchatka, on croit
devoir parler aulfi des mers qui l'environnent, fur-tout quant à leur
flux & reflux. Je me bornerai donc à dire ici que le flux & le reflux
font les mêmes dans ces mers que dans les autres ; mais comme j’ai
fait là-deffus quelques obfervalions & remarques que je ne trouve
point ailleurs, je ne crois pas inutile de les communiquer à mes
Leéteurs, parce quelles pourront engager du moins à faire des recherches
plus exaétes fur le flux & le reflux des autres mers, fi on ne
l’a pas fait jufqu’à préfent.
C ’eft une réglé générale, que le flux & le reflux arrivent deux
fois en vingt-quatre heures, fuivant le temps du cours de la Lune,
& que les eaux font plus hautes vérs les pleinès & les nouvelles lunes
; cependant j’ignore lî l’on trouve quelque part que le flux & le
reflux ne font point égaux, & que la marée n’augmente & ne diminue
point dans un temps fixe, mais fuivant l’âge de la lune,
comme je l’ai obfervé dans la mer de Pengina : & fi cette opinion
générale eft vraie, que le flux & le reflux dans les autres mers foient
égaux & arrivent toujours aux mêmes heures, il s’enfuivroit que les
mers du Kamtchatka ne reifemblent qu a la Mer Blanche , où,
comme on me l’a affuré, il y a en vingt-quatre heures un grand
flux Sc un petit reflux, comme dans les mers du Kamtchatka. Les
naturels du pays l’appellent Manikha.
J’ai donc cru devoir parler de cette différence de la marée, de
quelle maniéré fe fait dans cette mer le flux & le reflux , quand
& comment les grandes marées fe changent en manikha, & ces
derniers en grandes marées, c’eft-à-dire,'le grand flux en petit ,
& le petit en grand. Et pour en faciliter l’intelligence, je donnerai
ici les remarques mêmes que j’ai faites en 1739 & 1740, pendant
trois mois de chacune de ces années : j’y ajouterai celles que M. E!
gine, Capitaine de la Flotte, a faites à l’embouchure de la ri-
Wkfwta , aux environs des ifles Kouriles, & dans le poit de
Saint Pierre & de Saint Paul. Elles feront connoître de quelië
façon la marée hauffe & baiffe, dans ces endroits où je n’ai pas eu
occafion de faire des obfervations. Et quoique je n’aie point
parle du changement de la marée que j’ai obfervé moi-même , cependant
j’ai appris de bouche par M.Elagine, qu’ily a dans cet
endroit un grand flux & un petit flux; ce qui doit faire penfer que
le changement y eft le meme que dans les endroits où j’ai fait mes
obfervations.
Pour me rendre plus intelligible, il faut commencer par obferver
que 1 eau de la mer qui, dans les temps du flux, entre dans les baies
des embouchures des rivieres, n’en reffort pas toujours toute entiere
dans le reflux , mais feulement fuivant l’âge de la lune : c’eft par
cette raifon que ces baies’, dans le temps du reflux , relient quelquefois
a fec ; & il n y a que l’eau de la riviere qui relie dans fon lit
naturel, au-lieu que dans d’autres temps fes bords font inondés.
Toute 1 eau de la mer, dans le temps du reflux, s’éloigne vers la
pleine & la nouvelle lune; mais lorfque le flux fuccede immédiatement
au reflux, elle monte alors jufqu’à près de huit pieds. Le
flux dure environ huit heures ; enfuite commence le reflux, dont la
durée eft d’environ fix heures, & l’eau de la mer baiffe d’environ
trois pieds ; après quoi revient le reflux qui dure trois heures à-peu-
pres, pendant lefquelles l’eau ne monte pas tout-à-fait d’un pied : enfin
1 eau diminue, & toutel’eau de la mer fe retire & laiffe le rivage
a fec. Cette diminution dure l’efpace de fept heures environ. Voilà
de quelle maniéré il y a flux & reflux pendant trois jours après la