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 b ê t e   m a r i n e  & du poiffon ; cependant je  la  laiffe  ici  au  rang  des  
 bêtes marines j fie  je fonde naon opinion  ,  indépendamment de ce  
 que j'en ai déjà d it, fur çe que cet animal  a  une efpece  de  cou, au  
 moyen duquel il tourne la tete , ce qui n a jamais etc remarque dans  
 aucun  poilfon. 
 Cet  animal  ne  fort point  de  l’eau pour venir  à  terre, comme  
 quelques-uns le prétendent. Il demeure toujours dans 1 eau : fa peau  
 eft noire & aufli épaiffe que l’écorce d’un vigux chêne ; elle eft rude,  
 inégale , fans poil,  fi forte & fi  dure qu a  peine peut-on  la couper  
 avec une hache. Sa tête eft petite à proportion de fon corps ; elle eft  
 un peu longue, & va en pente depuis fonfommet jufqu’au mufeau,  
 qui eft  fi recourbé,que fa bouche paraît en  deffous.  Lebouteneft  
 bjanç & fort dur , avec des mouftaches blanches de  la longueur de  
 cinq werchoks. L ’ouverture de fa gueule eft moyenne: ellen’apoint  
 de dents , mais en place, deux os blancs, plats, inégaux & fort rudes  
 , dont l'un eft à la mâchoire d’en-haut,  &  l’autre à  celle d’en-  
 bas. Les narines font vers l’extrémité du mufeau : elles ont plus d un  
 werchok de longueur fur autant de largeur : elles font doubles, rudes 
 & velues en dedans. Les  yeux-  de  la Manatée  font  noirs  &  places  
 précisément  au milieu de la diftance qu’il y a entre les oreilles & le  
 mufeau, & prefque fur  la même ligne que  les narines  :  ils  ne font  
 guere plus grands  que  ceux d’un mouton ; ce qui mérite d’etre remarqué  
 dans un animal aufli monftrueux, Les Vaches marines mont  
 ni fourcils, ni paupières, ni oreilles ; au-lieu d’oreilles ellesont feulement  
 des ouvertures fi petites, qu’on a peine à les appercevoir. On  
 ne diftingue leur cou qu’aveç peine  ,  parce que leur  corps  ne pa-  
 joît pas féparé de la tête ; cependant  ces animaux on t,  comme °n  
 }’a déjà dit, des vertebres qui facilitent  le  mouvement  de  la  tete,  
 particulièrement lorfqu’ils mangent ; alors ils courbent la tetecotn-  
 jpç  font les Vaches  pour  paître.  Leur corps eft  rond comme ce!uk 
 des Veaux marins ; mais il eft plus étroit vers la tête & vers la queue  
 plus large &  plus gros vers le nombril. La queue eft greffe & épaiffe,  
 un peu courbée vers l’extrémité. Elle reffemble à-peu-près aux barbes  
 de Baleines ou aux nageoires de poiffons. La Manatée a deux pattes  
 ou nageoires préciiément au-deffous du cou ; elles ont environ trois  
 quarts d’archines de long : elles lui fervent à nager, à marcher, & à fe  
 tenir aux rochers, où elle s’attache fi fortement, que lorfqu’on la tire  
 avec des crochets, fa peau s’en va en morceaux. On a remarqué que  
 fes pattes ou nageoires font quelquefois fendues  en deux aux  extrémités  
 , comme le fabot d’une vache ,  mais cela ne lui eft point naturel  
 & n’arrive qu’accidentellement.  Les femelles ont deux mam-  
 melles à la poitrine ; ce qui ne fe voit dans aucun animal marin. Les  
 Manatéès ont environ quatre fagenes de long , & pefent à-peu-près  
 deux cents poudes. 
 Ces animaux vont par bandes, & fe retirent dans des baies où la  
 mer eft calme, & fur-tout à l’embouchure des rivieres. Quoique les  
 Manatées laiffent toujours leurs  petits devant elles, cependant  elles  
 les couvrent  de tous côtés ,  &  les  contiennent  de  façon  qu’ils  Ce  
 trouvent toujours au milieu de la bande. Dans le temps du flux, elles  
 s’approchent fi près du rivage,  que non-feulement on peut les tuer  
 avec des bâtons ou des harpons, mais  qu’on peut  même  leur toucher  
 le dosavec la main ; ce que M. Sceller dit lui être arrivé. Quand  
 onles tourmente, ou qu’on les frappe, elles fuient, gagnent la mer;  
 & reviennent bientôt :  elles vivent en bandes & s’éloignent peu les  
 unes des autres. Chaque bande eft compoiée  d’un mâle & d’une  femelle  
 , d'un de  leurs  petits  déjà un peu grand,  &  d’un autre  tout  
 petit ; ce  qui  donne  lieu  de  croire  que  chaque  mâle  n’a  jamais  
 qu’une feule femelle.  Elles font  ordinairement leurs petits en  Automne. 
  Il femble qu’elles portent plus  d’une année,  &  qu’elles  ne  
 font qu’un petit à la fois ;  c’eft ce que l’on peut préfumer de  la  pe-  
 nteffe  des  efpeces  de çornes ou défenfes qu’elles  ont près  du  ven-  
 'Tome II,  L U