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bouchure , & qu’outre cela elles font plus profondes & plus calmes
que les autres , l’opinion que j’ai avancée ne me paroît pas tout-à-
fait hors de vraifemblance. M. Steller prétend aufli que ce poiifon
ne monte point vers le Nord au-dela du cinquante-quatrieme degré
de latitude feptentrionale : ce qu’il y a de certain ,,c’eft qu’il n’y
en a point à Okhotsk, & qu’on l’y apporte falé du Kamtchatka
pour en faire des préfents.
Les filets dont on fe fert pour prendre ce poiifon , font faits de
fils de la groifeur d’une ficelle ; les mailles font de la grandeur de
deux pouces & demi. La pêche de ce poiifon commence à la moitié
de Mai, & dure environ fix femaines. On prend aufli avec ces filets
des Caftors marins qui, quoiqu’incomparablement plus grands que
ce poiifon , ne font cependant pas autant de réfiftance que lui.
Les Kamtchadals font tant de cas de ce poiifon , qu’ils mangent
avec toutes les marques de la plus grande joie le premier qu’ils prennent.
Rien ne déplaît plus aux Ruifes qui habitent ces contrées,
que cet ufage des Kamtchadals. Les Pêcheurs Kamtchadals qui fe
font loués , n’apportent jamais à leurs Maîtres le premier de ces poif-
fons : ils ne manquent jamais de le manger, malgré toutes les menaces
qu’on peut leur faire ; & ils font dans l’opinion fuperftitieufe
qu’un Pêcheur commettroit un grand crime , s’il ne mangeoic pas
,lui-même le premier de ces poiifons qu’il prend. Ce poiifon cuit aa
feu , s’appelle Tchouprtk,
D u Poijfon rouge , proprement d it, ou Nlarka.-
Il y a un autre poiifon qui eft appellé proprement PoiJJon rouge,
connu à Okhotsk fous le no m de Nlarka : il a environ trois quarts
d’archine de long, & pefe jufqu a quinze livres. Sa figure eft plate,
fit chair eft rouge comme celle du Saumon. Sa tête eft fott petite
fon mufeau eft court & pointu r il a les dents petites & rougeâtres ;
fe. langue eft bleue >. & blanche fur les côtes. Son dos eft bleuâtre &
pirfemé de taches rouges & noirâtres ; fes flancs font argentés ; fon
ventre eft blanc, fa queue très fourchue ; fa largeur eft prefque la'
cinquième partie de fa longueur ; fes écailles font larges, rondes &
fe féparent facilement de la peau. On le trouve dans toutes les rivieres'
qui fe déchargent dans la mer Orientale , dans celle de
Pengina, où ils remontent par grandes bandes. On les prend au
commencement de Juin. Quoique le Joukola que l’on en fait foit
d’un goût fort agréable ; cependant il s’aigrit promptement, fur-tout
aux environs de Bolchaia Reka, où pendant le temps qu’on le fait
fécher, il s’élève communément des brouillards très humides ; ce
qui oblige pour l’ordinaire de le manger falé : on en tire aufli la
graille en le faifant cuire.
Il y a dans ce poiifon deux chofes qui méritent d’être obfervées :
i°. Une partie de ces poiflons pénètrent jufqu’aux fources dés rivières
, comme pour les reconnoitre & fervir de guide aux autres ; ce
qu’ils font avec une telle rapidité, qu’on ne peut les appercevoir à
leur paifage. Voilà pourquoi on en pêche vers les fources des rivières
, avant que l’on en prenne dans les embouchures. x°. Ce poif-
fon entre volontiers dans les rivières qui fortent des lacs ; aufli ne
fe trouve-t-il que par occafion & rarement dans les autres. M. Steller
dit que cela provient de ce que les eaux en font épaiifes &
fangeufes.
Le poiifon rouge ne féjourne pas long-temps dans les rivieres : il
tâche de regagner les lacs, & refte dans les endroits profonds juf-
qu’au commencement d’Août : il s’approche enfuite du rivage &
cherche à entrer dans quelques petites rivieres qui communiquent a
des lacs : c’eft dans ces petites rivieres qu’on le prend avec des filets,
avec des efpeces de batardeaux ou enceintes qu’on dreife exprès avec
des planches, ou bien avec des harpons.