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koutes en auroient eu au moins quelque connoiflàflcé comme iis
en ont des Tungoufes ; ce qu’on n’a cependant pas remarqué. Leurs
moeurs & leurs conformations font fi différentes de celles des Kouriles
, qu’il n’eft pas poflible qu’ils en defcendent.
Il paroît aufli que les. Kamtchadals ne font point originaires du
Japon, parce que leur tranfmigration eft ancienne , & doit avoir
été antérieure à la féparation de l’Empire du Japon d’avec celui
de la Chine ; & ce qui en eft une preuve, c’eft que les Kamtchadals
n’ont aucune connoiffance des Mines de Fer, non-plus
que des autres Métaux , quoiqu’il y ait plus de deux mille ans que
les Mungales , ainfi que les Tartares, ont commencé à faire des
uftenfiles.& des inftruments de ce métal. Il eft donc vrai-femblable
que les Kamtchadals furent chaffés dans ce Pays par les Conquérants
Orientaux, de même que les Lapons ,, les Oftiakes & les Sa-
moiédes l’ont été aux extrémités du Nord par les Européens.
Si le Kamtchatka eût été inhabité dans le temps que lesTungoufes
furent chaffés do leur Pays,, ils s’y feroient vraifemblablement réfugiés
, comme dans le lieu le plus sûr, à caufe de fon eloignement.
Il paroît évident que les Kamtchadals fe font établis dans le Pays
qu’ils habitent, long-temps avant l’arrivée des Tungoufes ; & que
ces derniers voyant que le Kamtchatka étoit occupé par une Nation
nombreufe , n’oferent, malgré leur valeur , fe hafarder à les
en chaffer.
Il paroît encore que les Kamtchadals habitoient autrefois la
Mungaüe, au-delà du Fleuve Amour, & ne formoient qu’un
même Peuple avec les Mungales. C ’eft ce qui eft prouvé par les
Obfervations fuivantes.
i e. Les Kamtchadals ont beaucoup de mots qui'fe terminent,
de même que ceux des Mungales Chinois, en ong,ing, oing,
tchin, tcha,tching, kfi & kjîtng. Ce feroit trop exiger, que de
vouloir que tous ces mots Kamtchadals euffent la même fignification
& le même fon que ceux des Mungales , puifque la langue
Kamtchadale eft partagée en différents idiomes, quoiqu elle ne foit
que la langue du même Peuple & du même Pays. D ’ailleurs, pour
juger du caractère diftinctif d’une langue, il fuffit qu’un Européen,
fans avoir appris les langues étrangères, connoiffe par la feule
prononciation celui qui parlera Allemand, François , Italien , &c.
La différence des mots eft elle-même une preuve que la tranfmigration
des Kamtchadals s’eft faite dans les temps les plus reculés,
& qu’il ne refte plus à préfent que comme une ombre de reffem-
blance entre ces langues. Cependant la langue Kamtchadale ref-
femble non-feulement dans plufieurs mots, mais encore dans les dé-
clinaifons & les dérivés, à la langue Mungale. Cette derniere a cela
de particulier, que d’un mot il s’en peut former plufieurs autres ,
& qu’elle joint les prépofitions à fes verbes.
z° . Les Kamtchadals font de petite taille , ainfi que les Mungales
: comme eux ils font bafanés ; ils ont les cheveux noirs, peu
de barbe , le vifage comme les Calmouks , c’eft-à-dire large,
avec le nez écrafé &c plat ; les traits irréguliers, les yeux enfoncés
, les fourcils minces & les jambes grêles, le ventre pendant, la
démarche lente. Ils font les uns & les autres poltrons, vains,. timides
& rampants devant ceux qui les traitent févérement, opiniâtres
& méprifants à l’égard de ceux qui les traitent avec bonté. Tel eft
au naturel le véritable caraétere de ces deux Nations.