Ils n’ont point de Juge.s publics pour juger & terminer les
différences affaires qui peuvent-naître entr’eux. Chacun peut juger
ion Voifin : le tout coniîfte à traiter le coupable de la même
maniéré qu’il en a agi envers celui qu’il a outragé. Si un homme
en a tué un autre , il eft mis à mort lui-même par ks Parents
du défunt. Ils puniffent les voleurs qui font convaincus de
plufieurs larcins ,, en leur entortillant les mains d’une écorce de
bouleau à laquelle ils mettent le feu. Ceux qui1 font attrapés pour
la première fois, font battus par ceux qu’ils ont volés , fans que les
voleurs faffent la moindre réiiftance ; après- quoi ils font obligés
de vivre feuls fans efpoir d’aucun fecours, fans avoir aucun commerce
avec les autres ; enfin comme des gens morts civilement,
Lorfqu’un voleur n’eft point attrappé , ils vont en grande cérémonie
& en préfence de leurs Prêtres , jecter dans lefcu le-nerf
de l’épine du dos d’un Bélier de Montagne (i),: Ils s’imaginent que
le malfaiteur éprouve les mêmes convulfions, feplie, fe courbe &i
perd 1 ufage de fes membres, à mefure que le nerf fe retire au feu.
Ils n’ont jamais de démêlé pour leurs biens , leurs cabanes & leurs
limites, parce que-chacun d’eux a plus de terrein qu’il ne lui en
faut, & qu’ils trouvent abondamment de l’eau, des herbes , des
animaux propres à leur nourriture, dans les Prairies & les Rivières
qui font auprès des lieux qu’ils habitent.
Ils ont jufqu a deux ou trois Femmes, outre celles-quais entrer
tiennent, & qu’ils appellent Koektckoutehei. Ces dernieres font
habillées de même que les autres Femmes, & font k même travail
qu’elfes. Elles n’ont aucun commerce avec les Hbmmes, & ellês fe
conduifent comme fi elles avoient de l’averfion pour toute liaifon
avec eux.
( 0 On trouve la defeription de ces Béliers de Montagne, daijs le Tome V . des Mémoires
de l’Académie de Saint-Pétersboutg,
Les Kamtchadals ne connoiffent pas la maniéré de compter pat
Verfts, & ils mefurent la diftance d’un lieu à l’autre , par le nombre
des nuits qu’on eft obligé de paflèr en route.
Ils ont un grand plaifir à imiter & contrefaire exa&ement les
autres hommes, dans la démarche, la voix, les mouvements,
les geftes du corps ; de même que les Oifeaux & les autres A nid
maux , dans leurs chants, leurs cris, ou hurlements : c’eft en quoi-
ils font très adroits.
Quelque dégoûtante que foit leur façon de vivre,quelque grande
que foit leur ftupidité, ils font perfuadés néanmoins qu’il n’effi
point de vie plus heureufe & plus agréable que la leur. C ’eft ce qui
fait qu’ils regardent avec un étonnement mêlé de mépris , la maniéré
de vivre des Coiaques ôc des Ruifes. Ils commencent cependant
a revenir de cette erreur. Le nombre des vieux Kamtchadals-
attachés à leurs anciennes coutumes, diminue tous les jours. Les
jeunes gens ont prefque tous embraffé la Religion Chrétienne.’
Ils adoptent les coutumes des Rufles, & fe moquent de la barbarie
& de la fuperftition de leurs Ancêtres. L ’Impétatrice de Rulfie ai
établi dans chaque habitation un Chef, nommé Toion , qui décidé
toutes les caufes, excepté celles ou il s’agit de la vie ou de la mort.
Ces Chefs & les fimples Particuliers- ont déjà bâti dès-logements &c
des chambres a la mode Ruifienne , & dans quelques endroits, des1
Chapelles pour le Service divin.
Il y a auffi des Ecoles : les Kamtchadals y envoient avec plaifir
leurs Enfants, pour y être inftmits. Ainfi il y a tour lieu d’efpérer
qu avec ces moyens, on parviendra bientôt à faire forcir ces Peuples
de leur barbarie..
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