C H A P I T R E IV.
Révolte des Kamtchadals. Kamtchatskoi-OJlrog inférieur efi réduit
en cendre. Les Rebellesfut fournis. Leur punition.
C e s peuples, pour recouvrer leur ancienne liberté, avoient formé
depuis long-temps le deiTein d’exterminer tous les Ruifes qui
étoient au Kamtchatka; mais comme ceux-ciétoient en trop grand
nombre, Si principalement depuis la découverte du paifage par la
mer de Pengina, parce qu’il venoit toutes les années au Kamtchatka
des bâtiments qui y amenoient des troupes , Si qu’une expédition
étoitÿiiïï-tôt fuivie d’une autre, ils attendoient un moment favorable
pour mettre à exécution leurs pernicieux complots. Mais lorfque
M. Béring avec toute fa fuite de l’expédition eut quitte le Kamtchatka
pour fe rendre à Okhotsk, & que les troupes qui étoient
ordinairement en alfez grand nombre dans ce pays, eurent eu ordre
de s’embarquer fur le vaiifeau Gabriel pour faire voile vers Anadir,
afin d’y joindre le Capicaine Pawlutski, Commandant en chef, Si
l’accompagner dansfon expédition contre les Tchouktchi, les Kamtchadals
réfolurent d’exécuter leurs projets, dès le moment qu’il au-
roit mis à la voile. Ils avoient d’autant plus de raifon de fe flatter d’un
heureux fuccès, qu’il reftoit très peu de Cofaques au Kamtchatka.
Les Kamtchadals de Kamtchatskoi-Oftrog inférieur, ceux de la rivière
Klioutchéwa , Si ceux de XElowka, ne firent pendant l’Hiver
que parcourir tout le Kamtchatka, fous prétexte de fe vifiter les uns
les autres.'Ustenoient des confeils, follicitoient de fe joindre à eux;
Si quand les prières ne réuflïflbient pas, ils menaçoient d’exterminer
ceux qui ne vouloient point entrer dans cette conjuration. Ce fut
ginfi qu’ils parvinrent à foulever tout le Kamtchatka. Ayant appris
que
di t K a m t c h a t k a .
que Cheftakow avoir été tué par les Tchouktchi, ils répandirent le
bruit que ceux-ci venoient attaquer le Kamtchatka, foit peut-être
pour que, dans le cas où leur projet viendrait à échouer, les Cofaques
ne les foupçonnaifent pas d’être les auteurs de cette révolte, foit
enfin pour leur infpirer de la crainte Si de la défiance , afin que
ceux-ci les gardailènt auprès d eux pour les aider à fe défendre.
II eft certain que fi la Providence divine ne fûc pas venue au ié-
cours des Ruflès d’une façon toute particulière, de tous les Cofaques
qui étoient au Kamtchatka, il n’en feroit pas échappé un feul ; tous
auroient été égorgés., ou feroient morts de faim. Il auroit été bien
difficile, & il auroit fallu perdre bien du monde pour foumettre de
nouveau une nation fi éloignée d’ailleurs ces peuples, après avoir
ainfi fecoué le joug, auroient. été dans une continuelle défiance î
ajoutez encore qu’ils avoient appris l’ufage des armes à feu, qu’ils
etoient pourvus d’une aflez grande quantité de fufils & de poudre ,
que plufieurs d’entr’euxconnoiflbient la façon dont les Ruifes étoient
armes, Si de quelle maniéré ils pourroient fe défendre. Us avoient for,
me leur projet avec plus d’adreife & d’artifice qu’on ne pouvoit l’attendre
d’un peuple auffi barbare : ils avoient pris toutes les précau,
tionspoffibles pour intercepter la correfpondance avec Anadirsk-: ils
avoient mis un grand nombre decorps-de-gardesdans tous les ports,
pour recevoir avec amitié & foumiffion tous les Soldats Rudes qui
viendraient par mer, fous prétexte de les tranfporter dans les diffiC
rentes habitations; & ils devoienr les tuer en chemin, fans en épar,
gner un feul. Les principaux Chefs de cette révolte étoient un nommé
Théodore Kh.artch.in, Toion ou Chef, qui réfidoit fur les bords
de XElowka ; il avoit fouyent fervi d’interprete aux Ruifes qui ve-
noient pour lever lgs tributs : & un autre .Chef de la riviere Kliou-
tckewka , nommé Golgotch , fon parent.
' Cependant le dernier Commilfaire, nommé Chekhourdin, partit
du Kamtchatka , emportant paifiblement avec lui tous les tributs
Tome II, Z £ ?