C H A P I T R E X.
Ides Armes étant fe fervent les Kamtchadals, & de la maniéré dont
ils font la guerre,
Q u o i q u e les Kamtchadals, avant que d’être fournis aux Ruifes,
n’euifent point l’ambition d’augmenter leur puiifance, ni détendre
leurs frontières, comme on l’a déjà dit, ils faifoient cependant
la guerre ; & il ne fe paifoit pas d’année qu’il n’y eût quelque Of-
trog ( ou Habitation ) de ruiné. Le but de leurs guerres étoit de faire
des prifonniers, & fur-tout de prendre des Femmes. Ils employoient
les Hommes à des travaux pénibles : quant aux Femmes , ils en faifoient
ou leurs concubines , ou leurs époufes. Us s’embarrafToient
peu fi les raifons de faire la guerre étaient juftes ou non. Quelquefois
les Habitations voifines prenoient les armes les unes contre les
autres, à l’oçcafion des querelles que leurs Enfants avoient eues en-
femble , ou parce qu’un Kamtchadal, après avoir invité quelqu’un
de fes Voifins, ne le traitoit pas comme il.convenoit. Ce dernier
cas étoit regardé comme une injure qu’on ne pouvoit venger autrement
que par la deftru&ion de l’habitation ou cette infulte avoir
été commife;
Dans leurs guerres , la rufe eft beaucoup plus en ufage que la va?
leur. En effet, ils font fi timides & fi lâches, qu’ils n’ofent attaquer
leur ennemi ouvertement, à moins qu’ils n’y foient forcés par une
néceflité indiipenfable. Cela eft doutant plus furprenant, que cette
Nation fait peu de cas de la vie, & que le fuicide y eft fréquent.
C ’eft pendant la nuit qu’ils attaquent les Habitations de leurs ennemis
; ce qui leur eft très facile , parce qu’elles ne font point gardées,
Vue poignée de gens fuffit pour maifaçrer un grand nombre d’Habitants
bitants, fans courir aucun rifque & fans trouver de réfiftance. On
eft sûr de remporter une femblable victoire, en s’affûtant de l’entrée
des Iourtes, pour n’en laiffer fortir perfonne , & en s’y tenant avec
une maffue ou une longue pique ; car fuivant la conftrudtion de ces
Iourtes, on n’en peut fortir qu a la file. Ainfi un petit nombre
d’hommes peut aifément tuer ou faire prifonniers tous ceux qui s’y
trouvent.
Us traitent leurs Prifonniers, 8c fur-tout les plus diftingués par
leur valeur , avec la barbarie 8c l’inhumanité ordinaire à toutes les
Nations de ce Pays. Ils les brûlent, les coupent par morceaux, leur
arrachent les boyaux , les pendent par les pieds & leur font toutes
fortes d’outrages & de cruautés', en réjouifïan.ce de la vi&oire qu’ils
viennent de remporter, Plufieurs Cofaques ont fouffert les mêmes
fupplices pendant la grande révolte du Kamtchatka.
Les guerres que les Kamtchadals avoient eues entr’eux, n’ont pas
peu contribué à faciliter aux Cofaques les moyens de foumettre
toute la Nation ; car fi les Çofaques attaquoient quelque Habitation
, ils n’avoient pas à,craindre qu’elle fut fecourue au contraire,
fes Voifins feréjouiifoient en voyant de quelle façon les Cofaques
s’en rendoient maîtres ; mais ils ne tardoient pas à avoir le même
fort.
Dans leurs guerres contre les Cofaques , ils employoient leurs
rufesordinaires, 8c ils en ont plus détruit parce moyen que par les'
armes. Lorfqueles Cofaques exigeoient des tributs de quelque Habitation
qui n’étoit pas encore foumife, on leur faifoit rarement réfiftance;
mais on les recevoir prefque toujours comme des amis &
ayec toutes fortes de politefles. Qn leur faifoit de grands préfents,
on les régaloit, 8c on ne leur refufoit rien. Après les avoir ainfi
trompés en leur ôtant toute défiance , les Kamtchadals profitoient
de la nuit pour les maflacrer ; ou bien ils fortoient de leurs Iourtes
pendant que les Cofaques étoient endormis ; ils y mettoient le feu
Tome II. H