Ceux qui demeurent fur les bords de la riviere Karaga, s’appellent
Koriaques Karaginskie, & ainfi des autres.
Mais les Koriaques à Rennes errent avec leurs troupeaux fur
toute l’étendue du pays qui eft borné a 1 Orient par 1 Océan ; a 1 Occident
par les fourcesdela Pengina , & de l’Omolona ; du côté du
Nord par la riviere Anadir ; & du côté du Midi , par les rivieres
Lefnaia & Karaga.
Ils s’approchent quelquefois des Kamtchadals , fur-tout lorfquils
ont quelque chofe à craindre des Tchouktchi leurs plus dangereux
ennemis, mais cela arrive rarement. Ainlî les Peuples avec lef-
quels ils confinent font , au Midi les Kamtchadals, au Nord
les Tchouktchi, à l’Occident les Ioukaguirs, & les Toungoufes
ou Lamoutes.
Si l’on confond la Nation des Tchouktchi avec celle des Koriaques
, comme on peut le faire avecraifon , puifque les Tchouktchi
font en effet de vrais Koriaques j les limites de ces derniers s étendront
beaucoup plus loin ; car non-feulement les Tchouktchi habitent
depuis l’Anadir, les contrées du coté du Nord > toute la partie
que l’on appelle le Cap Tchoukotsk, mais encore les Ifles fi-
tuées aux environs de ce Cap. Dans ce cas la riviere Anadir feroit
comme la frontière entre les Koriaques fournis a la Ruflie , & les
Tchouktchi qui ne le font point encore. Cependant ces derniers
paiTent fouvent ces limites, & font des incurfions fur nos Koriaques
, les tuent ou les font prifonniers , & erruncnent leurs
troupeaux de Rennes. Dans l’été ils vont à la pêche vers l’embouchure
de la riviere Anadir ; ils remontent même ce fleuve à une
grande diftance de la mer , de façon que les Peuples fournis à la
Ruflie, qui habitent les bords de l’Anadir , fouffrent beaucoup de
ces incurfions.
Les Koriaques différent les uns des autres, non feulement pat
leur façon de vivre, mais encore par la figure, Les Koriaques a
Rennes,
Rennes autant que j’ai pu l’obferver, font de petite taille, & maigres;
ils ont la tête d’une médiocre groffeur, les cheveux noirs ,
qu’ils rafent fréquemment, le vifage ovale, & même un peu en
pointe ; leurs yeux font petits & étroits, les fourcils leur tombent
fur les yeux ; ils ont le nez court, cependant moins écrafé que
les Kamtchadals ; leur bouche eft grande , leur barbe noire &
pointue , & ils fe l’arrachent fouvent. Les Koriaques fixes au contraire
, quoique de taille moyenne , font gros & trapus , fur-tout
ceux qui habitent plus vers le Nord. Cependant les TçhoUktchi
l’emportent en cela fur eux ; auffi reffemblent-ils beaucoup plus aux
Kamtchadals.
Les Koriaques différent auffi beaucoup par leurs inclinations &
leurs coutumes. Ceux qui nourriflent des Rennes pouflènt la ja-
loufie au point de tuer leurs femmes , fur le plus léger foup-
çon. Lorfqu’ils les furprennent en adultéré, ils les immolent a
leur fureur avec leurs Amants : c’eft pour cela que les femmes des
Koriaques font tout ce qui dépend d’elles pour devenir laides; elles
ne fe lavent jamais le vifage , ni les mains ; elles ne peignent
point leurs cheveux , elles les treflent en deux queues , qu’elles laif- •
lent pendre le long de leurs tempes ; leurs habits de defïiis font
vieux, ufés, mal-propres & dégoûtants. Mais elles mettent par
deflbus ce qu’elles ont de plus beau. Elles craindroient qu’on ne lés
foupçonnât d’avoir quelque Amant, fi on les voyoit fe tenir plus
proprement que d’ordinaire , & particulièrement fi elles ponpient
par deflus des habits neufs & propres. » Pourquoi nos femmes, difent
» les Koriaques à Rennes, fe farderoient-elles, fi ce netoit pour
» plaire aux autres, puifque leurs maris lesaiment indépendamment
» de cela«. Les Koriaques fixes au contraire , & particulièrement
les Tchouktchi, regardent comme la plus grande preuve d’amitjé
que puiffe leur donner un ami qui vient chez eux , que de coucher
avec leurs femmes ou leurs filles, & pendant ce .temps-là le Maître
Tome 11. S