qui avoient été levés dans ce pays. Toute fa troupe arriva fans accident
à l'embouchure de la riviere de Kamtchatka, où elle s’embarqua
pour prendre la route du côté d’Anadir. Le vailfeau étoit à peine
en mer, qu’un vent contraire qui furvint tout-a-coup , les obligea
de jetter l’ancre. Les différents Chefs des rebelles, qui n’atrendoient
que le départ des Ruiïès pourfe raffembler & attaquer auffi-tôt Kam-
ehatskoi-Oftrog inférieur, avoient chargé quelques Kamtchadak
de les en informer. Ceux-ci n’eurent pas plutôt vu partir ce bâtiment
, que ne prévoyant pas qu’il dût revenir , ils s’aflèmblerent le
zo Juillet 173 1, remontèrent dans leurs canots la riviere de Kamtchatka
, égorgerent tous les Cofaques qu’ils rencontrèrent , brûlèrent
leurs cabanes d’Eté, firent leurs enfants prifonniers , emme-
nerent leurs femmes pour être leurs concubines, 6c dépêchèrent un
exprès à leurs principaux Chefs , pour les informer du départ des
RufTes. Le foir même ces rebelles vinrent devant l’Oftrog , mirent
le feu à la maifon de l’Aumônier, dans la perfuafion que les Cofaques
fortiroient pour éteindre l’incendie, & qu’alors ils pourroient
les tuer avec facilité & fans courir aucun rifque.. Ce projet leur
réuffit fi bien, qu’ils maflàcrerent fans aucune réfiftanee prefque tous
ceux qui étoient dans l’Oftrog, fans épargner les enfants ni les
femmes, auxquelles ils firent toutes fortes d’outrages avant de les
égorger. Us brûlèrent toutes lesmaifons, à l’exception de l’Eglife
&? des fortifications, où étoient tous les effets deshabitants. Très peu
s’échappèrent S1 fe réfugièrent du côté de l’embouchure de la riviere
de Kamtchatka, où ils apprirent à leurs compagnons qui n’étoient
pas encore partis, ce qui venoit defe paflèr. Le voyage d’Anadir fut
fufpendu : il falloir courir au plus preffé , & fonger plutôt à garder fes
poffefïions, que d’en aller acquérir de nouvelles.
Cependant Tchegetch, Chef dans les environs de la Klioutchw-
ka ou Klloutchi , étoit refté près de la mer : ayant appris que le
Kamtchatskoi-Oftrog. inférieur étspit pris, il s’avança vers cet Oftr°
g > faifant prifonnier tout ce qui étoit échappé à la fureur des
premiers rebelles, & maifacrant tout ce qu’il rencontroit.il alla join-
difijKhartchin , &c lui dit que le bâtiment Rufle étoit encore près
deTembouchure de la riviere de Kamtchatka. Ainfî, pourfe précautionner
contre le retour de ces troupes, ils fe retranchèrent dans
la Place, firent un fécond rempart des décombres de l’Eglife, & dépêchèrent
des exprès vers la fource de la riviere de Kamtchatka ,
pour y porter la nouvelle a tous les Kamtchadafs, qu’ils s’étoient
rendus maîtres de 1 Oftrog inférieur, où ils les invitoient tous de
venir les joindre.
Le lendemain ils partagèrent tout le butin qu’ils avoient fait, fe
revêtirent des meilleurs habits qu’ils trouvèrent ( plufieurs étoient des
habits de femmes, & d’autres des habits facerdotaux ) : enfin ils firent
de grandes rej ouiflances, des feftins, des danfes 6>c des cérémonies fu—
perilitieufes ou conjurations.Théodore Khartchin, quiavoit embrai-
fé depuis peu la Religion Chrétienne, ordonna à un Kamtchadal,
auffi nouvellement baptifé, & quifavoit lire, de célébrer l’Office, de
chanter le Te Deurn en habit de Prêtre ; & il lui fit préfent, en ré-
compenfe, de trente Renards ; ce qu’il fit inferire fur le regiftre de
la manière fuivante : Par ordre du Commiffaire Théodore Khartchin,
on a donné à Savina ( on l’appelloir ainfî) trente Renards ordinaires
pour avoir chanté le Te Deum. Dans la fuite, & même jufqua
mon départ de ce pays, onrappelloit encore en badinant, le Prêtre
indigne.
Deux jours après la prife du Fort, c’efl-â-dire, le a i Juillet, un
nommé Jacob Hens, qui étoit Contre-Maître, envoya un détachement
de foixante Cofaques , dans l’intention de le reprendre
fur les rebelles. Les Cofaques s’avançerent jufqu’au pied du remparr
de l’O ilrog, & mirent tout en ufage pour les engager a rentrer dans
l’obéiffance, les affinant de la clémence de Sa Majefté, & qu’on leur
pardon neroit leur crime 3 mais ils refuferent de les écouter, & nç
? n ÿ