C ’eftainfi que font compofées toutes leurs chanfons, dans lef-
quelles ils ne parlent que de quelques actions ou de quelques autres;
particularités, fans y mettre ni grâce, ni ornements.
Ils ont encore une autre chanfon appellée Aantguitche, à l’imitation
du cri du Canard marin appellé Aantguitche -, quoique les mots-
qui compofent la chanfon ne foient pas conformes aux notes, les
Kamtchadals les adaptent cependant à l’air & les reétifient eh. y
ajoutant quelques fyllabes qui ne lignifient rien., & qui feront marquées
par des lettres italiques.
I. Gnakoede Oloskonga Vorokaoe Khïïets zintes binezotes^
Kqmtchoul beloon.
IL Kapaninatcha Ougaren* : bine zotes Komtchoul bellon.
Voici en quoi corififte tout le fens de cette Chanfon:.
J ’ai perdu ma femme & ma vie- Accable de trifiejje& de dou~
leur, j'irai dans les bois , j'arracherai lécorce des arbres, & je loi
mangerai. Je me lèverai de grand matin, je chajferai le canard
Aanguitche, pour le faire aller dans la mer. Je jetterai les yeux
de tous côtés pour voir f i je ne trouverai pas quelque part celle
qui fait lobjet de ma tendrejfe & de mes regrets.
Les Kamtchadals ont un grand plaifir à contrefaire lès Etrangers
dans la façon de parler, dans la démarche , dans la maniéré d’agir ;
en un mot dans toutes les oecafions. Dès que quelqu’un arrive au
Kamtchatka , les habitants lui donnent premièrement un. fobri-
quet, ils examinent enfuite toutes fes aétions, & au milieu de
leurs divertiiTements, ils s’étudient à les contrefaire. Ils prennent
aulfi beaucoup-de plaifir à fumer du tabac & à. raconter des hiftoi-
res; ils préfèrent la nuit au jour pour leurs amufements ; ils ont
auffi des Bouffons , dont la profelfion eft de divertir les autres
mais leurs bouffonnenes.font fi. files. & fi obfcènes, qu’il feroit indécent
d’en parler ici..
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C H A P I T R E X V .
jp e l ’amitié des Kamtchadals, 6 dé leurs façons de traiter,
particulièrement leurs Hôtes.
L o r s q u ’ u n Kamtchadaldefire lier amitié avec un autre, il
invite fon futur ami à venir partager fon repas, & pour le recevoir
il commence par bien chauffer fa Iourte, 8c par apprêter les mets
qu’il croit les meilleurs ; il en prépare une quantité fuffifante pour
dix perfonnes.
Quand le Convié eft entré dans la Iourte , il fe deshabille toue
Jiud , ainfique le Maître de la maifon : ce dernier après avoir
fermé la Iourte, lui fert à manger ce qu’il a préparé, &■ verfe
du bouillon dans une grande écuelle. Pendant que le premier
mange & boit , l’autre verfe de temps en temps de l’eau fur
des pierres prefque rougies au feu, afin de rendre la Iourte d’une
chaleur infupportable. Le Convié fait tous fes efforts pour manger
tout ce que l’autre lui a fervi , & pour endurer la grande chaleur
de la Iourte. Le Maître de fon côté met tout en oeuvre pour
forcer l’Etranger à fe plaindre de la trop grande chaleur, & à le
prier de le difpenfer de manger davantage. Si les chofes ne fe patient
pas ainfi, le Convié le trouve fort mauvais, il eft très mécontent
, & le Maître de la maifon eft regardé comme un avare,
ou comme un homme malhonnête. Ce dernier ne prend rien pendant
le repas, il a la liberté de fortir de la Iourte quand il le veut ;mais
le Convié ne le peut qu’après qu’il s’eft avoué vaincu ; il vomit pendant
fon repas jufqu’à dix fois ; auffi après un feftin de cette nature ,
loin de pouvoir manger pendant deux ou trois jours , il ne fauroit
merae regarder aucun aliment, fans que le coeur ne lui fouleve.
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