gent pendant ce temps fur la mer ,élevent leur tête au-deflus de l’eau
pour être fpeétateurs de l’ilfue du combat : ils entrent eux-mêmes en
fureur à leur tour, gagnent le rivage , & vont augmenter le nombre
des combattants. Voici l’expérience que fit M.Steller.
Il attaqua , avec un Cofaque , un Chat marin ; Si après lui avoir
crevé les yeux, il le laiifa en liberté, & mit en fureur quatre ou cinq
de ces animaux en leur jectant des pierres. Lorfqu’il vit que .les Chats
marins, le pourfuivoient, il fe retira du côté de celui qu’il avoit
aveuglé. Celui-ci entendant crier fes compagnons, & ne fachant
point s’ils couroient feulement, ou s’ils pourfuivoient quelqu’un^
fe jetta fur eux. Pendant ce temps-là, M. Steller fe plaça ftlr uns
hauteur , & fut fpeétateur d’un combat qui dura quelques heures.
L ’aveugle s’élança fur tous les aucres, fans diftinguer même ceux
qui le dçfendoient ; alors tous fe jetterent à la fois fur lui, comme
fur un ennemi commun ; & il ne put trouver fon falut ni fur terre,
ni fur mer. Us le tirèrent hors de l’eau où il s’étoit plongé, & le
maltraitèrent fi fort, que n’en pouvant plus, il tomba fans force &
expira en pouffant de grands gémiflements. Son corps ne tarda pas
a etre en proie à la voracité des Ifatis ou Renards de montagnes,
qui le déchirèrent encore tout palpitant.
Lorfqu’il n’y en a que deux qui fe battent, leur combat dure
fouvent une heure entiere. Quand ils font las, ils fe repofent & fe'
couchent à côté l’un de l’autre, & enfuite fe levant tout-à-coup, à
l’exemple de ceux qui fe battent en duel, ils recommencent le combat
fans bouger du pofte qu’ils ont choifi. Us fe battent la tête levée
& droite , cherchant à éviter les coups l’un de l’autre. Tant que-
les deux combattants font d’égale force, ils ne fe fervent que des
pattes de devant, mais lorfque l’un des deux commence à perdre
fes forces, l’autre faifit fon rival avec les dents, Si le renverfe fur le
fable. Ceux qui font ipeétateurs, accourerit alors au fecours du
vaincu, comme médiateurs du cgnibRt. Les bleffiires qu’ils fe font
ivec leurs dents, font auffi profondes que celles qu’on pourrait faire
jvec un fabre. Vers la fin de Juillet, on n’en voit prefque point
qui ne foient couverts de bleffiires. La première chofe qu’ils font
après le combat, eft de fe jetter dans l’eau, & de fe laver le corps.
Voici pour quels fujets ils fe battent ordinairement. Le premieir
& le plus iànglant combat eft pour les femelles, loriqu’un mâle
enleve la femelle d un autre, ou qu’il veut lui ravir celles qui font
encore jeunes, Si qui font dans la bande. Les femelles qui font préfentes
au combat, fe rangent toujours du côté du vainqueur.
Us fe battent encore loriqu un d eux prend la place d’un autre,
Au lorfque, fous prétexte de n avoir pas allez de place, il s’approche
pour carelfer une femelle qui n’eft pas de fa bande. Ces carelfes
caufenc de la jaloufie au mâle à qui appartient cette femelle.
E n fin , l’elpece d’équité qu’on leur remarque pour féparer leurs
camarades qui fe battent, en s’écabliflànt, pour ainfi dire, comme
les médiateurs entr eux, eft le troifieme fujet des combats qu’ils fe
livrent.
Ces animaux ont une extrême tendrefïè pour leurs petits. Les
femelles craignent beaucoup les mâles : ceux - ci les traitent avec
tant de févérité, qu’ils les punilfent pour la moindre bagatelle.
Si, quand on vient enlever le petit d’une femelle , elle ne l’emporte
pas dans fa gueule, le Chat marin quitte le raviifeur, s’élance
fur fa femelle ; Si 1a iaififfant avec les dents, il la jette à.
plufieurs reprifes fur la terre, & 1a frappe contre les rochers, jufqu’à
ce qu elle refte étendue comme morte. Dès qu’elle eft revenue à
elle, elle s’approche, en rampant, de fes pieds, les leche en laif-
hnt couler abondamment des larmes fur fa poitrine. Cependant le
mâle va & vient, grinçant continuellement les dents , & roulant
fes yeux rouges comme du fang, feeouant la tête comme un Ours.
Enfin, lorfqu’il voit qu’on lui enleve fes petits, il fe met à pleurer
ifon tour fi abondamment, que fa poitrine eft baignée de laraie^.’