niers les tirent des Koriaques. Us fe nourrilTent de chair de Ren.’
nés, & un Koriaque qui eft riche, en poffede quelquefois dix
ou trente mille, & même davantage : on m’a affiné qu’un de leurs
Chefs ou Toions, en avoit jufqu a cent mille. Malgré cela ils en
font fi avares, qu’ils regrettent d’en tuer pour leur propre ufage ;
ils fe contentent de manger les Rennes qui meurent de maladie
ou que les betes ont tuees ; mais dans des troupeaux auifi nombreux
il en meurt toujours plus qu’ils n’en peuvent manger. Si un ami
avec lequel ils ne font point de cérémonie , vient chez eux, ils ne
rougilfent pas dé lui dire qu’ils n’ont point de quoi le régaler,
parce que malheureufement ils ne leur eft pas mort de Rennes , &
que les Loups n’en ont point étranglé.*Us n’en tuent que quand ils
veulent traiter quelqu’un pour lequel ils font plus de cérémonie • &
ce n’eft qu’alors qu’ils en mangent tout leur foui,
Us ne favent ni traire les Rennes, ni faire ufage de leur lait;
quand iis ont une trop grande quantité de ces animaux, ils en font
bouillir la chair , & la mettent enfuite féçher & fumer dans leurs
Iourtes, Le mets dont ils font le plus de cas , eft l'Iamgaiou, qu’ils
préparent de la maniéré fui vante. Lorfqu’ils ont tué une Rqnne, ils
verfent le fang & les excréments de l’animal dans la panfe, & après
y avoir mis de la graiffe de Renne, ils agitent le tout enfemble, le
font fermenter pendant quelque tems, enfuite le fument & le mangent
en guife de faucillbn : plufieurs de nos Coiàques en font
beaucoup de cas. Les Koriaques mangent toutes les autres fortes
de bêtes qu’ils attrapent à la chalfe , excepté les Chiens & les Renards.
Us n emploient dans leurs mets ni herbes , ni racines, ni
ecorçe d arbres ; il n y a que les pauvres qui en faflent ufage , encore
n eft-ce que dans le cas de difette, Les Bergers font les feuls
qui prennent des poiffons, & cela eft même fort rare. Us ne font
point de provifion de baies pour l’hiver, & ils n’en mangent que
pendant leté; ils ne peuvent pas s’imaginer qu’il y ait rien de plus
[ doux que les baies de' (i) Goloubitfa, pilées & mêlées avec de la
E graiffe de Rennes & de la Sarane. Je fus un jour témoin de la fur-
I prife d’un des Chefs de ces Koriaques , qui par hafard étoit venu
[dans l’Oftrog Bolcheretskoi. La première fois qu’on lui préfenta
du fucre, il le prit d’abord pour du fel ; mais lorfqu’il en eut goutté,
il parut tranfporté hors de lui-même de fon extrême douceur ;
[il voulut en emporter un peu , pour en faire goûter à fa femme ,
[mais il ne put en chemin réfifter à la tentation. Lorfqu’il fut
arrivé chez lui, il jura à fa femme que les Ruffes lui avoient donné
un fel fi délicieux, qu’il n’avoit jamais goûté de rien qui apprô-
[cliât de fa douceur. Mais malgré tous fes ferments , fa femme
[ne voulut pas le croire, fouteftant qu’il n’y avoit rien de plus doux
[que la baie de Goloubitfa, pilée avec de la graiffe de Renne & de
I [la Sarane,
[ Us fe fervent pendant l’hiver de traîneaux tirés par des Rennes r
I [on dit que pendant l’été, ils ne montent jamais deffus, comme font
I BesToungoufes ; ils appellent leurs traîneaux Tchaoutchou-ouetik;
I pis font environ de la longueur d’une Sagene ou de fix pieds.
I pn attelle deux Rennes à chaque traîneau, les harnois font à-
I [peu-près femblables à ceux des Chiens : on les met aux deux Ren-
I pies fur l’épaule droite ; celui de la Renne qui eft adroite, eft plus
I 8°ng que celui de la Renne qui eft à gauche ; c’eit pourquoi celle
I foui eft du côté droit, eft un peu plus avancée que l’autre ; mais
I Boutes deux font du côté gauche du traîneau.
[ Les brides qu’ils leur mettent, font faites comme les licous de nos
whevaux ; on place fur le front de la Renne qui eft à droite, trois ou
■quatre petits os en forme de dents molaires qui ont quatre poin-
■tes, & on s’en fert pour arrêter l’animal lorfqu’il va trop vîte ; car
(i) Mirtillus grandis. Gmel,