de poiiTon, dont on fait exprès provilîon pendant l’Èté. Voici la
façon dont fe fait l’Opana. On verfe dans une grande auge de l’eau
à proportion du nombre des Chiens qu’on a à nourrir : au-lieu de
farine , on y met des poiifons aigris qu’on a laiffé fermenter dans
des folies , d’où on les. puife avec des vafes, ou efpeces de cuillers;
comme du mortier : on y ajoute quelques arrêtes de poiffon, ou du
Joukola , & on fait chauffer le tout enfemble avec des pierres,rou-
gies au feu, jufqu a ce que les arrêtes ou les poiifons foienr cuits,
Cette Opana eft la meilleure nourriture que l’on puiffe donner au.t
chiens , & celle qui leur eft la plus agréable.
Quelquefois on la fait auffi fans poiifons aigris ; mais elle n’eft
pas fi nourriffante que la première. On ne leur en donne que vers
le foir', afin qu’ils dorment plus profondément & plus tranquillement
; mais pendant le jour, lorfqu’on les fait travailler , on ne
leur en donne point du tout, parce qu’ils deviendraient alors pe’-
fants & n’auroient point de force. Ils ne mangent jamais de pain
quelque affamés qu’ils foient. Ils mangeraient plutôt leurs brides,
les courroies & les harnois du traîneau , la provifion même de leur
maître , s’ils pouvoient l’attraper.
Quoiqu’ils aient beaucoup d’amitié pour leurs Maîtres, ils font
fort à craindre en remps de voyage ; car fi le Conducteur ou le
Maître vient à tomber de fon traîneau , & ne s’y retient pas, ni les
paroles , ni les cris ne peuvent les arrêter ; il eft obligé de courir a
pied après eux jufqu a ce que fon traîneau fe foit renverfe ou accroché
quelque part, & que les Chiens ne puiffent plus avancer.
Dans ces occafions il doit faifir le traîneau fans lâcher prife, & fe
laiffer traîner fur le ventre jufqu’à ce que les Chiens s’arrêtent de
laifitude & d’épuifement.
i ° . Dans les defcentes efcarpées & dangereufes, fur-tout fur les
bords des rivieres , il faut dételer la moitié des Chiens ; car fa®
cette précaution, on ne pourrait en aucune façon les arrêter, puife
diie Ceux mêmes qui font les plus fatigués, montrent alors une vigueur
étonnante ; & que plus le pas eft dangereux , plus ils fe hâtent
de le defcendre vîte. La même chofe arrive lorfqu’ils fentent
les traces des Rennes , ou quêtant peu éloignés de quelque habitation
, ils entendent aboyer les autres Chiens,
Malgré tous ces inconvénients, on ne peut fe paffer de Chiens
au Kamtchatka ; & quand même il y aurait affez de Chevaux , 'il
ferait impoiïible de s’en fervir pendant l’Hiver, à caufe delà quantité
de neige , de rivieres & de montagnes dont ce Pays eft entre*
coupé. On ne pourrait pas même s’en fervir en Eté, puifqu’il y a
beaucoup d’endroits que l’on ne peut paffer à pied, à caufe des lacs
fréquents & des marais.
Les Chiens ont cet avantage fur les Chevaux, que dans les plus
violents ouragans, lorfque non-feulement il eft impoifible de voir
le chemin, mais même d’ouvrir les yeux, ils s’égarent rarement de
leur chemin ; &c que fi cela arrive, en fe tournant de côté & d’autre;
ils retrouvent bien vîte la route parle moyen de l’odorat. Lorf-
qu’il eft tout à-fait impofltble d’avancer , ce qui arrive fouvent,
les Chiens échauffent & défendent leur Maître , en fe tenant cou*
chés fort tranquillement auprès de lui. Ajoutez encore à cela qu’ils
prévoient les ouragans & qu’ils en donnent des indices certains; car
lorfqu’ott Voit les Chiens, en fe repofant en route, gratter la neige
avec leurs pattes, on doit tâcher de gagner une habitation le plus
promptement qu’il eft poffible, ou du-moins quelque endroit pour
fe mettre à l’abri, fi l’on eft trop éloigné des habitations.
Les Chiens tiennent auffi lieu dans ce Pays de Moutons ; én fe
fert de leurs peaux pour toute forte d’habillements , comme on l’a
deja dit. On y fait beaucoup de cas de la fourure des Chiens blancs
qui ont le poil long ; on s’en fert pour border les peliffes & les habits
, de quelque étoffe qu’ils foient.
Dans ladefcription que j’ai donnée de la maniéré dont lesKamc