tre & de leurs mammelles, qui font au nombre de deux.
La voracité qu’on remarque en ces animaux eft fort finguliere,
car ils mangent continuellement : ils ne lèvent prefque pas la tête
hors de l’eau, & ne prennent pas le moindre foin de leur conferva-
tion , de forte que l’on peut s’approcher au milieu d’eux avec des canots,
marcher fur le fable, choifir & tuer celui qu’on veut.
Voici de quelle maniéré ils nagent. Ils élevent pendant quatre!
cinq minutes leurs mufeaux hors de l’eau , & éternuent comme des
Chevaux. Ils nagent alors tranquillement, mettant en avant tantôt
un pied, tantôt un autre, de même que les Boeufs ou les Moutons
qui font dans les pâturages. La moitié de leur corps, c’eft-a-dire le
dos & les côtés font toujours hors de l’eau. Des troupes d’Hirondel-
les de mer ou mouettes fe tiennent deifus pour becqueter les infeâes
qu’ils ont dans la peau. ( On voit les Corneilles faire la même chofe
fur le dos des Cochons & des Brebis. )
Les Manatées fe nourriffent indiftinétement de toutes fortes
d’herbes marines, mais préférablement de celles-ci. i°. Du chou de
mer (i) , dont la feuille eft femblable à celle des choux de Savoie.
i° . D ’une efpece de chou (i) qui reifemble à un bâton. 5°. D’un
chou (3) qui eft fait comme une courroie. 40. D ’une efpeee de
chou à côtes ou ondé.
Quand elles ont paffé un'jour dans un endroit, on y trouve le rivage
couvert d’une grande quantité de racines & de tiges. Lorf-
qu’elles font raffafiées, elles fe couchent fur le dos & s’endorment.
Dans le temps du reflux, elles s’éloignent & gagnent la mer, pour
ne point refter à fec fur le rivage. Pendant l’Hiver , elles font
fouvent écrafées par les glaces que les vents pouffent vers la cote.
La même chofe leur arrive lorfque pendant une violente tempete,
( i ) Fucus cri/pus braJJicA Sabaudica fo l io , cancdlatus*
( 2 ) Fucus clavA facie.
( 5 ) Fucus fcuticA antiquA Romanafacie.
( 4 ) Fucus longijjîmus , ad neryum undulatus*
les vagues les pouflent contre les rochers. Ces animaux font fi maigres
pendant l’Hiver, qu’on peut leur compter les côtes & les vertèbres.
Ils s’accouplent au Printemps fur-tout vers le foir, lorfque
le temps eft calme. Avant que de s’accoupler, ils fe donnent différents
témoignages de tendreffe & d’amitié. La femelle nage çà & là
avec tranquillité, & le mâle la fuit jufqua ce quelle confente à fatis-
fàire fes défirs.
On les prend avec de grands harpons de fer femblables aux branches
d’une ancre médiocre. On attache le harpon à une greffe corde
très longue ; un homme robufte & vigoureux fe met dans un canot
conduit par trois ou quatre rameurs. On Iaiffe filer le cable jufqua
ce qu’il foit affez près du troupeau de ces animaux, pour être à portée
d’en frapper quelqu’un. Il fe tient à la proue du bateau, & lance fon
harpon fur la Vache marine. Une trentaine d’hommes qui font furie
rivage avec la corde à laquelle on a attaché le harpon, tirent à eux l’anb
mal ; ce qu’ils ne font qu’avec beaucoup de peine, parce que ces animaux
s’attachent & fe cramponnent avec leurs pattes à tout ce qu’ils
trouvent : pendant ce temps ceux qui font dans le bateau le frappent
& le percent, jufqu a ce que fes forces foient entièrement épuifées.
On a vu de ces animaux quon découpoit par morceaux tout vivants
, ne faire autre chofe que de remuer fouvent la queue, pouffer
des foupirs & de longs gémiffements , & fe cramponner fi fort
dans l’eau avec leurs pattes de devant, que la peau s’en détachoit
par lambeaux. .
Les vieilles Manatées font plus aifées à attraper que les jeunes,
parce que ces dernieres font beaucoup plus agiles. D ’ailleurs les jeunes
ayant la peau plus tendre , le crochet du harpon n’y mord pas
auffi-bien. Lorfque cet animal eft bleffé , il commence à s’agiter extraordinairement
dans l’eau ; alors les autres qui font auprès de lui
fe mettent en mouvement, & viennent pour le fecourir. Quelques-
uns effaient de renverfer les canots avec leurs dos. D ’autres fe met-
L U ij