C H A P I T R E V I .
D e la façon de vivre des Cofaques ; de la manière dont ils tirent de
l ’Eau-de-vie de plujieürs Plantes & B a ie s d e la vente de cette
" liqueur, & des revenus quelle leur produit,
T- i A maniéré de vivre des Cofaques du Kamtchatka , eft prefque
la même que celle des Naturels du Pays. Ils fe mourriffent les uns &
les autres de racines & de poiiTons , & leurs occupations font les
mêmes. Ils pèchent en E té , & font leur provifion de poiiTon
pour l’Hiver. En Automne, ils cherchent des racines, ils arrachent
de l’Ortie ; & ils en font des filets pendant 1 Hiver. La feule différence
qu’il y a entre eux, e’eft que iQ. les Cofaques habitent dans
desmaifons, ôc les Kamtchadals communément dans des Iourtes ou
des logements à moitié creufés fous terre. a°- Les Cofaques font
çuire leur paillon ; au-lieu que les Kamtchadals le mangent fec
pour l’ordinaire. 30. Les Cofaques apprêtent ces poiiTons de différentes
maniérés, en font des hachis & des pâtes , &e. ; ce que -s
Kamtchadals ne.connoiffoient point avant que lesRuffes vinifient
au Kamtchatka. Dans un genre de vie tel que celui-là , ils ne peuvent
point fie paiTer de femmes, puifque la plus grande partie
de ces travaux roule fur elles, comme , par exemple, de vuider
les poiiTons , d’arracher Jes racines , de faire les habillements & les
çhauifiures , de filer, &c. Comme les Cofaques en venant s établir
3U Kamtchatka , n’y avoiçnt point amené de Femmes avec eux, a
çaufe de la difficulté d’un yoyage qu'ils avoient bien de la peine a
faire feuls, voici de quels moyens ils fie font fervis pour en avoir.
On conçoit aifément que les Cofaques n’ont pu foumettre tous
pçs Peuples par la douceur, & qu’ils ont été obligés quelquefois
d’employer
d’employer la force & la violence. Lorfqu’ils avoient aifiujetti quelques
Oftrogs, ils emmenoient un certain nombre de femmes ôi
d’enfants qu’ils partageoient entr’eux , & qu’ils faifoient leurs efclaves.
Ces femmes devoient avoir foin de toutes les chofes nécef-
laires a la vie. Pour eux en qualité de maîtres, ils vivoient dans l’abondance
, & jouiifioient de tous les travaux de leurs efclaves, fans
y prendre aucune part. Ils donnoient l’infpeétion fur ces efclaves à
des concubines , qu’ils époufoient ordinairement lorfqu’ils en
avoient eu des enfants. Ceux qui vouloient contraéter des alliances,
avec les Kamtchadals libres , fignoient des billets par lefquels ils.
leur promettoient d’époufer leurs Filles, dès que le Prêtre feroit arrivé
; de forte que le baptême de la fille promife , celui de fes enfants
, les fiançailles & le mariage fe faifoient fouvent tout-à-la fois 5
car il n’y avoit pour tous ces Oftrogs qu’un feul Prêtre qui demeu- ,
toit à Kamtchatskoi-Oftrog inférieur, & qui vifitoit les autres O f - .
trogs tous les ans ou tous les deux ans. Comme cet intervalle
étoit très long, le Prêtre, en faifant fa tournée , avoit communément
beaucoup d’occupation.
Ce genre de vie ne déplaifoit pointa ces Cofaques , q u i, parcs
moyen ^vivoient comme des Nobles qui ont un pouvoir abfolu fur
leurs efclaves. Ces derniers leur fourniiToient des Zibelines & d’autres
fournîtes. Pour eux ils paifioient la plus grande partie de leur
temps à jouer aux cartes ; ce qui faifoit un de leurs plus grands,
plaifirs : la feule chofe qui leur manquât étoit de l’eau-de-vie; mais
ils ne tardèrent pas à y fuppléer, IJs fe rallèmbloient d’abord dans le
Bureau des taxes, pour s’amufer à différents jeux ; ç’étoit là auifi que
l’on tenoit les Confeils & qu’on décidoit les affaires : mais l’établif-
fement des Cabarets fut bien-tôt l’origine des plus horribles défor-
dres. Les Joueurs y portèrent des peaux de Zibelines & de Renards ;
& lorfque cela ne fuffifoit pas, ils jouoient leurs efclaves ; enfin
après avoir tout perdu, leur acharnement & leur fureur étoient por-
Tomell. ~&bbb