D e s c r i p t i o n
ce Dieu de ion côté entend le même bruit, & qu’il ne craint pas
moins leur tonnerre, que les Habitants de la terre craignent le
lien. Ils retiennent les enfants pendant ce temps-là dans leurs ha.
bitations ; mais lorfqu’ils entendent un coup éclatant, ils peu.
fent que leur Dieu eft fort irrité, & que c’eft en jettant par terre fon
tambour à pluiîeurs reprifes , qu’il produit ce bruit & ces éclats. Ils
croient que la pluie eft l’urine de leur Dieu Biliotitchei & des Ga-
moull, efprirs ou génies qui lui font fournis. Ils fe figurent aulli
que l’arc-en-ciel eft un habit fait de peaux de Goulus , enrichi de
bordures de différentes couleurs, qu’il met ordinairement après
avoir piffé. Pour imiter la nature & la beauté de ces couleurs, ils
peignent auffi leurs habits de différentes couleurs femblables à celles
de l’arc-en-ciel.
Quand on leur demande d’où naiffent les vents ; ils répondent
d’un ton affiné que c’eft de Balakitg , qui fut engendré dans les
nuages par Koukhou fous la figure humaine , & que ce Dieu lui
donna pour femme Z avina-kougagt. CeBalakitg, fuivanteux, a
des cheveux fort longs & frifés, avec lefquels il produit les vents à fa
volonté. Lorfqu’il veut troubler quelques contrées par des ouragans,
il fecoue fa tête fur ce lieu auffi long-temps & avec autant de violence
qu’il le juge à propos, & le vent eft violent & impétueux a
proportion ; quand il ceffe, l’air devient calme & tranquille, & le
temps fort beau. La femme de cet Eole des Kamtchadals fe met
toujours du rouge pendant l’abfence de fon mari, pour lui paraître
plus belle à fon retour. Lorfque fon mari arrive à la mai-
fon, elle eft tranfportée de joie ; mais s’il paffe la nuit dehors, elle
eft fon affligée & pleure de regret de voir fa toilette inutile. C eft
pour cette raifon que les jours font ordinairement fombres juf»
qu’au retour de Balakitg. Telle eft la maniéré donc ils expliquant
l’aurore & le orépufçule, aimant mieux rendre raifon de
> f J , ces
ces phénomènes par des abfurdités, que de n’en pas donner d'explications.
Quant aux brouillards, on ne peut en voir nulle part de plus
épais & dé plus continuels ; je doute même fort qu’il tombe ailleurs
plus de neige qu’au Kamtchatka entre le cinquante-deuxieme & le;
cinquante-cinquieme degré. Lorfqu’elle vient à fondre dans le Printemps
, les' rivieres forcent de leur lie, & toute la campagne eft
inondée. Le froid que l’on reffent pendant l’Hiver à Bolcherêtskoi &’
lAwatcha n’eft pas des plus vifs mais il fait beaucoup plus chaud'
à Kamtchatskoi-Oftrog inférieur, que dans les autres endroits de la
Sibérie, qui font pourtant fitués fous le même degré de latitude.
Les plus grands inconvénients de ce Pays font les vents terribles
& les ouragans , dont la violence eft au-deffus de ce que l’on peut
dire.Voici fur cela quelques remarques que je crois dignes d’attention.
Ces violents ouragans qui s’élèvent, ordinairement du côté de
l’Eft, font toujours annoncés par un air’ épais & fombre ; mais
comme je n’avois point de Thermometreyje n’ai pu examiner fi
I air de la mer, comme je le crois , étoit plus chaud alors que dans
un autre temps. Les ouragans qui s’élèvent de l’Eft, viennent de la
partie méridionale : or depuis Kqurilskaia Lopatka jufqu’au Kamtchatka
, il y a une grande quantité de Volcans & de fources d’eau
chaude ; il paraît donc vraifemblable que les Ouragans font moins
occafionnés par la fituation de ces lieux voifins de la mer, & par le
peu d étendue du continent, que par les feux fouterrains & les ex-
halaifons des vapeurs.
A l égard des autres avantages & defavantages de ce Pays, on
peut dire , en général, que fa principale richeffe confifte en toutes
fortes de Pelleteries & en une prodigieufe abondance de Poiffons ;
mais en revanche on y eft dans une difette extrême de fer & de fel.
On fupplée au premier inconvénient, en tirant le fer de fort loin ;
Tome II. y v