cupé à faire ce Pom, quelques Kamtchadals prirent une feule tige
d’herbe , Si fortirent de la Iourte pour aller frotter les piliers de
leurs Balaganes. Quand ils furent revenus, ils jetterent ces tiges
d herbes au feu , auffi-bien que les baguettes qu’ils avoient dif.
tfibuées.
Quand le Pom fut relié quelque temps fufpendu, comme je
l ai die ; un Vieillard le détacha ; & après avoir courbé cet énorme
Priape en forme d’arc, il le brûla un peu au feu, & l’agitant dans h
Iourte, il prononça ce mot Oufai. Tous ceux qui étoient préfents,
çrierent après lui Oufai : enfuite on brûla cette figure.
Après que ce Pom fut brûlé, on fe mit à balayer la Iourte, &
en raifembla près de l’échelle toutes les ordures. Chacun des Kamt-
çhadals en prit une petite partie pour l’emporter dans le bois, & en
repandit fur le chemin par lequel ils vont à la chalfe. Les Femmes
en même-temps fortirent de la Iourte , & s’étant raifemblées toutes
enfemble, elles ne formèrent plus qu’un groupe.
Les Kamtchadals revenus du bois, fe tinrent de bout fur la porte,
& çrierent quatre fois en battant des mains & frappant des pieds,
après quoi ils entrèrent dans la Iourte, Mais le? Femmes s’étoient
Ulifes à leurs places , & çrierent plufieurs fois \ Alouloulou.
Cependant la Iourte étoitdéja chauffée, & l’on commença, fui.
vant la coutume, par jetter dehors les tifons ; mais les Femmes qui
étoient fur la Iourte s’en étant faifîes, les rejetterent dedans ; Sc pour
que les Hommes ne puifent plus en jetter, elles couvrirent avec des
nattes la porte ou l’ouverture, Si s’affirent elles-mêmes fur les bords
de ces nattes. Le,s Hommes après avoir monté à l’échelle', ouvrirent
la porte par force, Si étant fortis, ils chaflerent les Femmes de
deffus la Iourte. Pendant ce temps-là les autres Hommes fe hâ-
terent de jetter des riions ; mais comme le nombre des Fera?
mes fnrpaifoit ç.elui des Flommes, les unes les tijroient, & quelques
autres
autres rejettoient les tifons dans la Iourte, où il n’étoit prefque pas
poifible de refter à caufe de la fumée Si des étincelles ; car les tifons
voloient continuellement, tant en haut qu’en bas , comme
des fufées volantes. Ce jeu dura près d’une demi-heure : enfin les
femmes n’empêcherent plus de jetter des tifons ; mais elles fe mirent
à traîner par terre les hommes, qui étoient fortis pour les
chaifer : d’autres fortirent de la Iourte pour venir à leur fecours, Sc
les délivrèrent.
Après cela les femmes chantèrent quelques moments fur la Iourte,
elles defeendirent enfuite dedans ; les hommes étoient rangés en
haie aux deux côtés de l’échelle , & tâchoient d’attirer à eux les
femmes qui defeendoient; ce qui fit naître une efpece de combat.
Le parti vainqueur emmenoit comme une prifonniere, la femme
qu’il avoit prife.
Après le combat, on fait l’échange des prifonnieres ; quand l’un
des deux partis n’a pas fait allez de prifonnieres pour racheter les
fiennes, il va comme à force ouverte pour lés délivrer, & il fe
donne un nouveau combat. Lorfque j’y étois, le nombre des prifon»
nieres fe trouva égal des deux côtés ; ainfi les Kamtchadals ne furent
point obligés d’en venir aux mains.
Quand le combat fut fini, on fit un petit feu , & on brûla les
guirlandes de Tonchitche qui pendoient fur les Idoles Ourilidatches,
& dansd’auttesendroits.Les ferviteursapportèrent de petitspoiifons
de l’efpece appellée Goltji, & après les avoir fait cuire, ils les coupèrent
en petits morceaux fur une grande planche un peu creufe ,
qu’ils mirent du côté droit de l'échelle. Après cela parut un Vieillard
qui jetta dans le feu une grande partie deces poiifons , en prononçant
le mot Ta, c’eft-à-dire, prends. Les ferviteurs de la Fête
diftribuerent le refte a tous les Kamtchadals qui avoient fur eux de
petites Idoles appelles Ourilidatches. Les tifons de ce feu ne furent
point jettés comme les autres hors de la Iourte , mais on les brûla
Tome II. ¡y